Cet actif, c'est le bien de tous ! C'est ce que des années et des années d'action publique ont permis de constituer. Sur le plan comptable, il est aujourd'hui évalué à 170 000 euros pour chaque habitant de ce pays.
Au demeurant, cela signifie que la dette publique ne constitue qu'environ 10 % à 15 % de cet actif. Nous connaissons tous des entreprises privées qui apprécieraient d'avoir un tel niveau d'endettement.
En réalité, la dette publique est, me semble-t-il, instrumentalisée depuis plusieurs années pour justifier toutes les politiques désastreuses qui ont été et qui sont encore menées en matière de gestion publique.
C'est un paradoxe. Pour redresser les comptes publics, on a souvent commencé par procéder à la réduction des recettes en escomptant un effet positif sur l'activité de telle ou telle baisse d'imposition. Cela fait des années que ça dure !
Depuis 1985, on a diminué le taux de l'impôt sur les sociétés d'un tiers et l'assiette de la taxe professionnelle de 45 %, allégé les cotisations sociales sur les bas salaires, rétréci l'assiette de l'impôt sur les sociétés et réduit l'impôt sur le revenu des plus riches. Et tout cela pour quels résultats ?
Depuis 1985, notre économie n'a créé qu'un peu plus de 2 millions d'emplois dans le secteur marchand. Ce sont des emplois de plus en plus précarisés et de plus en plus mal rémunérés, puisque plus de huit millions de salariés perçoivent la prime pour l'emploi !
La croissance est donc molle et les revenus dont la progression est la plus dynamique sont, comme par hasard, les revenus du capital et du patrimoine. En 2005, ces revenus ont crû deux fois plus vite que les revenus du travail, ce qui est une source d'inégalité croissante entre les Français !
Mais regardons maintenant le coût de ces différentes mesures.
Entre la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, l'allégement des cotisations sociales sur les bas salaires et la « réforme » de la taxe professionnelle, ce sont 450 milliards d'euros qui ont été dépensés, ou plutôt engloutis, depuis vingt ans !
Ces 450 milliards d'euros représentent la moitié de l'encours de la dette publique négociable de l'État.
Et, par exemple, plus de 15 milliards d'autres euros sont dépensés chaque année pour alléger la fiscalité des entreprises, sans compter l'effet du report des déficits et le solde des acomptes versés !
Et puisque vous êtes si attentifs et sourcilleux s'agissant des évolutions de la dépense publique, comment ne pas pointer que la .prise en charge par l'État des cotisations sociales des entreprises est passée d'un coût annuel de 6 milliards de francs en 1992 à une facture de 22, 2 milliards d'euros, soit plus de vingt fois plus, en 2005 ?
Vous le voyez, la source des déficits publics ne réside donc ni dans une utilisation dispendieuse des crédits, ni dans un recrutement inconsidéré de fonctionnaires, ni dans un excès de dépenses sociales. Elle se situe d'abord dans une politique d'incitation fiscale qui est venue se substituer sur la durée à toute véritable intervention publique dans la vie économique et sociale.
De notre point de vue, la situation budgétaire de 2005, à la suite des autres exercices, consacre la faillite de cette orientation et il conviendrait de l'infléchir sérieusement en 2007.
Dépenser mieux ne signifie pas dépenser moins, car il convient d'abord de prélever justement les moyens de répondre aux attentes sociales.
L'impôt doit retrouver la place qui est la sienne. Il ne doit pas être utilisé de manière exclusive à payer des frais financiers sans cesse plus élevés au bénéfice des détenteurs de titres de dette publique.
Nous refusons de placer la gestion publique sous la coupe des marchés financiers, comme vous vous y préparez, ainsi que le traduisent les annonces de réduction de la dépense en euros constants et les suppressions d'emplois de fonctionnaires que vous avez programmées.
Au demeurant, cette politique-là est fondamentalement injuste. Les plus modestes ne bénéficieront pas sur la durée de votre réforme de l'impôt sur le revenu et ils n'ont que peu de rendement à attendre de la baisse de la fiscalité du patrimoine. Ce sont également eux qui subiront de plein fouet la réduction du budget de l'éducation et les coupes claires dans les budgets sociaux, comme celui de la politique de la ville ou celui du logement.
Et ils pourront en échange payer toujours plus d'impôts locaux, de taxes pétrolières et de TVA sur leur consommation courante !
À cette politique injuste socialement et économiquement, nous répondrons le moment venu par l'alternative politique - elle aura des traductions fiscales et budgétaires - que nos concitoyens attendent.