Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, beaucoup a été tenté ces dernières années dans le sens d'une maîtrise de nos finances sociales.
Au vu des résultats, le constat d'ordre général est qu'il reste énormément à faire. Les résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur de nos espérances. Essayons d'examiner objectivement les faits.
Il y a un premier point positif, qui est le présent débat d'orientation. Ce nouveau rendez-vous, qui a été institué par l'article 6 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, constitue une avancée indéniable en matière de contrôle parlementaire et de transparence des comptes sociaux.
Il est tout simplement regrettable qu'aucune indication ne nous ait été apportée quant aux orientations pour l'année 2007. Il nous appartient donc d'extrapoler. La loi organique a aussi créé des procédures d'alerte qui ont fonctionné pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM.
Il n'en demeure pas moins que l'on noie les finances sociales dans la masse des finances publiques. Avec le président de notre commission des affaires sociales, Nicolas About, nous attendons plus de rigueur et de transparence à l'avenir.
Mais venons-en au fond. Les chiffres publiés dans le rapport gouvernemental nous donnent des raisons d'espérer - je pense notamment à la réduction du déficit général de la sécurité sociale et du déficit de la branche maladie -, ainsi que des motifs d'inquiétude, s'agissant en particulier des déséquilibres financiers des branches vieillesse et famille.
Les soldes sociaux demeurent fortement négatifs. Nous sommes loin des prévisions optimistes faites à l'occasion de l'examen de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. L'amélioration du solde du régime général pour l'année 2006 devrait être modérée.
Le déficit pourrait atteindre 10 milliards d'euros, ce qui serait malheureusement supérieur aux 8, 9 milliards d'euros prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Néanmoins, cela serait effectivement inférieur aux pics et aux records que nous avions connus en 2004.
Nous assistons à un reflux lent, mais la dynamique des déficits sociaux est, quant à elle, enrayée.
L'analyse de ce déficit est également encourageante en ce qui concerne la branche santé. Le solde de cette branche passe de 8 milliards d'euros à 6 milliards d'euros, ce qui correspond peu ou prou à l'objectif annoncé en 2004. La maîtrise médicalisée des dépenses de santé semble avoir permis de réaliser 500 millions d'euros d'économies en 2005. Les dépenses de médecine de ville - dépenses d'honoraires, de prescriptions et de médicaments - ont faiblement progressé. Est-ce la preuve d'une prise de conscience collective, d'un changement structurel de nos pratiques ? L'avenir nous le dira.
Il reste à traiter la question cruciale du secteur hospitalier, dont les performances financières sont mauvaises, ce qui n'est pas étonnant. Alors qu'il représente près de 50 % des dépenses de santé, le secteur hospitalier, public et privé, a été totalement exclu de la réforme du 13 août 2004.
Comment réformer le système de soins de façon structurelle en faisant l'impasse sur la moitié des dépenses qu'il génère ? Nous n'avons eu de cesse de dénoncer ce fait, et, en tant que président du conseil d'administration d'un centre hospitalier, je suis personnellement confronté aux difficultés que doit affronter ce secteur.
Ce n'est un secret pour personne, la réduction du temps de travail a lourdement pesé sur les budgets des établissements de santé.
Le passage à la tarification à l'activité, la T2A, ne se fait pas non plus sans douleur. Par principe, nous sommes favorables à ce nouveau mode de financement. La dotation globale pour les hôpitaux publics figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l'activité médicale et le service rendu.
La T2A appelle à la transparence des coûts, ce qui facilitera les coopérations entre les secteurs public et privé, coopérations vers lesquelles doivent s'orienter tous les bassins afin d'optimiser les offres de soins sur leur territoire. Du fait de son fonctionnement, l'hospitalisation privée y était davantage préparée. Elle a donc basculé plus tôt vers cette tarification. Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, nous ne comprenons pas pourquoi les dépenses des cliniques ont augmenté huit fois plus que celles des hôpitaux au cours des derniers mois. Avez-vous un éclaircissement à nous apporter sur ce point ?
En matière de T2A, les choses sont plus compliquées pour les hôpitaux et les établissements privés à but non lucratif. Ces établissements sont en effet insuffisamment aidés pour assurer la transition dans de bonnes conditions. Ils se heurtent à une situation financière difficilement tenable à court terme. C'est ce qui explique l'importance des reports de charges des hôpitaux publics, évoqués par notre excellent rapporteur Alain Vasselle.
Par ailleurs, une question demeure : où en est-on dans l'identification et la justification des divergences tarifaires actuelles entre le secteur public et le secteur privé ? Cette question est d'autant plus importante que, si l'on en croit Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, l'objectif de convergence des tarifs entre le public et le privé pourrait ne pas être atteint en 2012, date de son achèvement théorique. Sait-on selon quelles modalités ces deux secteurs verront converger leur T2A ?
La réévaluation des enveloppes consacrées aux missions d'intérêt général est le pendant de la problématique du passage à la T2A. Monsieur le ministre, compte tenu des difficultés financières rencontrées par les établissements publics, comment les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, les MIGAC, vont-elles évoluer ?
De façon plus générale, il reste beaucoup à faire en matière hospitalière. Une grande réforme s'impose, comme l'a constaté récemment le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Selon lui, « il existe dans le secteur public suffisamment de marges de productivité ».
Yves Cannac fait le même constat dans le rapport qu'il a rédigé au nom de l'Observatoire de la dépense publique de l'Institut de l'entreprise. Il évoque même la possibilité de réaliser 10 milliards d'euros d'économies en matière d'établissements de santé. Il s'agirait de rationaliser la carte hospitalière, de réduire le volume de la demande de prestations, notamment en développant l'hospitalisation à domicile, dont le coût semble inférieur de 40 % à celui d'une hospitalisation en établissement.
Dans son rapport, Yves Cannac suggère également de réaliser des économies d'échelle en constituant des centrales d'achat. C'est là, à notre avis, une piste prioritaire. En la matière, les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, auront un important rôle d'incitation à jouer.
Enfin, des économies considérables peuvent être attendues d'une gestion plus efficiente des hôpitaux. Le rapport gouvernemental révèle que des efforts sont faits dans cette direction. Cependant, ces derniers semblent encore être insuffisants. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, où en est-on de la réforme des structures hospitalières ?
Si, globalement, la branche maladie poursuit son redressement, le solde du régime général ne s'améliore que de façon limitée, du fait de l'alourdissement des déficits des branches retraite et famille.
En ce qui concerne la branche retraite, une grave question se pose à nous aujourd'hui. Le dispositif créé par la loi du 21 août 2003 en faveur des salariés ayant commencé à travailler très tôt a rencontré un succès bien supérieur à celui qui était escompté. La Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, a révisé à la hausse le montant des prestations versées en 2006, pour un peu plus de 800 millions d'euros. Ma question est simple mais cruciale : le dispositif relatif aux carrières longues sera-t-il durablement soutenable ?
L'alignement des régimes spéciaux sur le régime général constitue un autre problème de la branche vieillesse. L'alignement des régimes de la RATP, de la SNCF ou des marins, par exemple, est inévitable, à l'instar du régime d'EDF. Mais alors, qui compensera ? L'État ? Et à quel taux ? Quel sera le taux actuariel pour les soultes afférentes ? Celui de Bercy ou celui des banques ? Il nous faudra rester neutres. À cet égard, le soin de déterminer un taux actuariel équitable devrait à mon avis être confié à une autorité indépendante de Bercy. Où en est votre réflexion sur cette question, monsieur le ministre ?
Plus globalement, la réforme de 2003 était partielle. Il faudra donc revenir sur le financement de la branche vieillesse en 2008.
Enfin, j'évoquerai le déficit croissant de la branche famille. Le solde négatif de cette branche historiquement excédentaire est lié à la prise en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE. Lors du débat sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, vous nous avez expliqué, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, que le déficit était conjoncturel : « les prestations sont indexées sur les prix et les recettes sont indexées sur les salaires qui, du fait de la croissance, progressent plus vite que les prix », avez-vous déclaré. Or nous ne voyons pas ce que la PAJE a de conjoncturel, sauf à considérer, peut-être, que la démographie ne dépend que du temps qu'il fait !