Intervention de Bernard Murat

Réunion du 5 avril 2005 à 16h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard MuratBernard Murat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, patrimoine commun de la nation, l'eau constitue le support incontournable du développement durable de nos territoires. La capacité de l'humanité à savoir modérer sa consommation et à protéger la qualité de l'eau conditionne l'avenir même de notre planète.

Or, depuis plusieurs années, en France, des signaux inquiétants nous ont fait prendre conscience des dangers que font courir des modes de développement par trop ignorants de la fragilité de cette ressource ou négligents cette dimension : 75% des rivières contiennent des pesticides ainsi que 50% des nappes ; la moitié du territoire est polluée par les nitrates ; de nombreuses agglomérations n'ont pas d'assainissement aux normes.

Le constat est donc sévère et plaide pour une reprise en main de notre politique de l'eau. Tel est l'objectif assigné à ce projet de loi. Concrètement, il s'agit d'atteindre, conformément aux directives européennes, un bon état écologique des eaux, à l'horizon 2015, afin d'assurer à nos concitoyens des cours d'eau et des eaux souterraines de bonne qualité et en quantité.

Fruit d'un long processus de discussion et de concertation, qui a permis de réunir l'ensemble des acteurs intéressés à la politique de l'eau, ce texte, au fil de ses cinquante articles, aborde de nombreuses problématiques. De fait, il a pour ambition de constituer le texte de référence de la politique française de l'eau et d'en conforter ses grands principes pour les quinze années à venir, au moins : une politique de l'eau largement décentralisée et définie en partenariat entre l'Etat, les usagers et les collectivités territoriales.

A cet égard, si la qualité des eaux est, pour nous tous, un enjeu vital, il est important de noter que les besoins de financement des collectivités territoriales ayant la charge de la gestion de la distribution et de l'assainissement sont considérables et en augmentation constante.

Ainsi, comme l'ont souligné nos excellents rapporteurs, le développement de la coopération intercommunale en la matière est devenu une quasi-nécessité pour permettre la maîtrise et l'équilibre économique de ces services.

Dans un souci de bonne gestion, il convient, me semble-t-il, de favoriser les regroupements. La commission des loi a d'ailleurs jugé nécessaire de proposer des amendements tendant à inciter les communautés de communes à exercer les compétences de leurs communes membres en matière d'assainissement. Par expérience, je ne peux qu'adhérer à cette démarche.

Lors de la création de la communauté d'agglomération de Brive, composée de quinze communes pour une population totale de 78 000 habitants, les élus concernés ont affiché une volonté unanime forte de voir prendre en charge, par cette nouvelle structure, la préservation, l'alimentation et l'assainissement de l'eau afin de fédérer leurs moyens, dans une logique de développement durable, et ce pour une population extrapolée de 200 000 habitants.

Grâce à la communauté d'agglomération de Brive et à la démarche des élus en la matière, dictée par une logique de préservation de l'équilibre du cycle de l'eau, de nombreuses actions, qui n'auraient pu être possible sans la mutualisation de moyens, sont d'ores et déjà menées ou en cours d'élaboration.

A elle seule, la future station d'épuration de la communauté d'agglomération de Brive coûtera plus de 40 millions d'euros. Pour faire face aux besoins croissants de financements des communes et des EPCI, de nouveaux moyens financiers vont être instaurés par ce projet de loi, ce qui répond parfaitement aux attentes des collectivités territoriales.

Il sera ainsi permis aux services de distribution d'eau et d'assainissement de voter en excédent la section Investissement de leur budget afin de permettre la constitution de provisions et d'instaurer une taxe sur les volumes des eaux de ruissellement pour financer les travaux en matière d'assainissement pluvial.

Par ailleurs, je tenais à saluer l'initiative de la commission des lois qui a, pour assurer la solidarité envers les communes rurales, proposé de garantir le maintien des aides autrefois versées par le FNDAE.

En effet, depuis une cinquantaine d'années, le FNDAE a permis de faire subventionner, par l'ensemble des consommateurs d'eau et les parieurs du PMU, les travaux des communes rurales de mise à niveaux de leurs équipements d'alimentation en eau potable et d'assainissement. Supprimée par la loi de finances rectificative de 2004, cette solidarité est dorénavant assurée par les agences de l'eau.

Je ne vous cacherai pas que cela inquiète fortement les communes rurales, qui s'interrogent sur l'effectivité de la neutralité financière du transfert. Peut-être pourrez-vous réaffirmer, monsieur le ministre, les engagements pris en la matière par le Gouvernement et rassurer nos collègues maires qui sont, comme toujours, les metteurs en scène de nos décisions auprès de leurs concitoyens.

De même, évoquant les charges financières considérables pesant sur les collectivités locales et parce que, sur ce sujet aussi, de nombreux maires corréziens m'ont interpellé, je ne pouvais conclure sans dire l'importance des charges nouvelles qui résultent, pour les communes rurales, de la mise en oeuvre des dispositions relatives au contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Ainsi, le coût moyen des analyses pour une commune de moins de 500 habitants risque d'être multiplié par six, coût exorbitant au regard de la modestie de leur budget, donc de leurs ressources.

Monsieur le ministre, la diminution de ces charges est un sujet que nous avons déjà abordé ensemble, avec mon collègue Georges Mouly. Je sais que ma question recoupe vos préoccupations et que nous pouvons espérer, à terme, des solutions : fréquence des analyses réduite et limitation de leur contenu, modernisation des contrôles, regroupement des points de captages. Cependant, c'est aujourd'hui que nos communes, déjà très fragilisées par la crise de la ruralité, souffrent ; et c'est donc aujourd'hui qu'elles espèrent une réponse concrète !

En conséquence, j'ai pris l'initiative, avec certains de mes collègues de l'UMP, de déposer un amendement tendant à prendre en compte le coût de ces analyses dans la section Investissement des budgets communaux, et ce afin qu'il puisse ouvrir droit aux attributions du fonds de compensation pour la TVA. J'espère que vous tiendrez compte de l'esprit de cet amendement, de sorte que, à l'issue de l'examen du texte, une vraie solution soit trouvée pour répondre à l'attente des maires ruraux et, bien sûr, de l'ensemble du monde agricole, qui anime ces territoires !

Monsieur le ministre, les actes de tout responsable politique doivent être guidés par le devoir sacré de préparer un avenir meilleur pour les générations futures. Ce projet de loi sur l'eau s'inscrit pleinement dans ce souci universel, écologique et humaniste. Je lui souhaite bonne chance, car nous n'avons plus le droit à l'erreur, n'en déplaise à certains lobbies égoïstes et autistes, déconnectés de la philosophie qui sous-tend ce texte et que je partage comme une grande majorité de français, toutes opinions confondues.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion