Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier les trois rapporteurs, M. Bruno Sido, Mme Fabienne Keller et M. Pierre Jarlier, de la qualité de leurs travaux et de la pertinence de leurs réflexions. Je remercie également l'ensemble des intervenants de leurs remarques étayées et de la richesse des expériences dont ils ont nourri cette discussion générale.
Cela montre combien les problèmes de l'eau vous passionnent, et je m'en réjouis. Je constate que vous émettez de nombreuses propositions issues de votre expérience de terrain. Elles sont le reflet des différents usages de l'eau dont vous témoignez ici, mais aussi des responsabilités que vous devez assumer, en qualité d'élu local.
Permettez-moi donc de vous apporter quelques éléments de réponse avant que nous n'abordions la discussion des articles.
Tout d'abord, monsieur Poniatowski, en ce qui concerne l'hydroélectricité, je suis, comme vous, très attentif aux incidences sur les cours d'eau que peuvent avoir les microcentrales ou les centrales hydroélectriques. Situés sur un cours d'eau, de tels ouvrages ont nécessairement un impact sur celui-ci.
Monsieur Sido, vous l'avez rappelé, nous avons un objectif ambitieux, fixé par la directive-cadre sur l'eau : obtenir, d'ici à 2015, un bon état écologique des eaux. Aujourd'hui, seule la moitié des points de mesure sur les cours d'eau correspond à cet objectif qualitatif. Un barrage, parce qu'il constitue un obstacle pour les poissons et parce qu'il prive la rivière de son débit, peut indéniablement être un frein dans cette démarche.
Par ailleurs, le fonctionnement de certains ouvrages par éclusée peut engendrer des dégâts importants sur les cours d'eau. Ces éclusées peuvent détruire les frayères et l'ensemble de la vie qu'héberge une rivière. De tels phénomènes sont constatés sur certains cours d'eau des Pyrénées ou encore sur la Dordogne.
Parallèlement, l'hydroélectricité est aujourd'hui la source principale d'énergie renouvelable en France ; elle représente 13 % de l'énergie totale produite aujourd'hui. La France est très équipée en ouvrages. Je rappelle que l'engagement de 21 % n'est pas juridiquement contraignant, contrairement à l'objectif de bon état écologique des eaux.
Mais je me tourne vers MM. Revol, Vial et Laffitte. J'ai bien entendu leur plaidoyer en faveur du développement de l'hydroélectricité. Sachez, messieurs les sénateurs, qu'il n'est aucunement dans mon intention de réduire la production d'hydroélectricité en France. Toutefois, il convient de l'adapter lorsque c'est nécessaire. Il faut rechercher un équilibre entre la protection des milieux naturels et le développement des énergies renouvelables. Certains ouvrages intègrent d'ores et déjà les enjeux environnementaux, mais d'autres doivent encore être améliorés.
En effet, certains ouvrages construits voilà plusieurs dizaines d'années, parfois entre les deux guerres, doivent faire l'objet d'évolutions, certains modes de fonctionnement étant incompatibles avec l'objectif de bon état écologique.
C'est pourquoi le Gouvernement a cherché à proposer des mesures équilibrées, qui figurent à la fois dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie et dans le présent texte.
Dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie, les mesures proposées visent à optimiser la production des ouvrages existants avant qu'il en soit créé de nouveaux. Trois mesures importantes, trois possibilités sont prévues dans ce texte-là : la possibilité de turbiner le débit réservé, c'est-à-dire le débit laissé à la rivière, afin de produire de l'électricité juste avant de mettre ce débit dans le cours d'eau naturel ; la possibilité d'augmenter la puissance des installations sans procédure administrative lourde ; enfin, la possibilité d'équiper les barrages existants sans procédure lourde. De telles mesures permettent de répondre aux attentes de Mme Durrieu, de M. Revol et de M. Mouly.
A contrario, monsieur Poniatowski, dans le projet de loi sur l'eau, nous devons intégrer l'objectif de bon état écologique des eaux en 2015 fixé par la directive-cadre sur l'eau et amener les gestionnaires d'ouvrages à mieux prendre en compte les enjeux des cours d'eau.
Ne nous trompons pas, nos objectifs sont clairs ; il faut nous donner les moyens de les atteindre. Pour ce faire, le projet de loi sur l'eau comporte plusieurs mesures, dont une, essentielle, arrête la fin de l'année 2013 comme date butoir pour que tous les débits réservés soient fixés au dixième du module, c'est-à-dire à 10 % du débit moyen du cours d'eau.
En conclusion, pour répondre à votre question, monsieur Revol, je considère que le chiffre avancé de trois milliards de kilowattheures de pertes est partiel. Il résulte du calcul d'une perte de production entre un débit réservé au dixième du module - qui, je le rappelle, était déjà affiché dans la loi de 1984 mais que très peu d'entreprises ont respecté - et un débit réservé au quarantième du module.
Ce calcul n'intègre pas les mesures en faveur de l'hydroélectricité prévues dans le projet de loi sur l'énergie qui, naturellement, permet plus que de compenser. Il faut clairement regarder les deux projets de loi ensemble - c'est ainsi que le Gouvernement a travaillé - sinon, la vue n'est que partielle et le résultat, erroné.
S'agissant des conseils généraux, je reconnais comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'ils jouent un rôle très important dans la politique de l'eau.
En effet, les conseils généraux consacrent aujourd'hui environ 400 millions d'euros à la politique de l'eau. Ce sont des acteurs essentiels pour la solidarité à l'égard du monde rural. Si le Gouvernement n'a pas inscrit le fonds départemental dans la loi, c'est non pas pour refuser ce rôle aux départements, mais, bien au contraire, pour qu'un véritable débat de fond puisse s'instaurer au Parlement sur les sources de financement de cette politique. Vous le savez, le Gouvernement est ouvert sur ce sujet.
Parallèlement aux conseils généraux, une solidarité à l'égard des communes rurales à un niveau supérieur est essentielle, c'est pourquoi j'ai veillé, lors de la suppression du FNDAE, à ce que les agences de l'eau puissent reprendre ces missions.
Vous avez été nombreux à rappeler l'importance d'une solidarité ambitieuse ; j'y suis également très attaché. Les moyens nécessaires devront être mis en oeuvre. C'est pourquoi j'écouterai avec attention vos propositions, afin de trouver une solution qui organise clairement cette solidarité dont les agences de l'eau sont désormais chargées.
Vous avez été plusieurs à soutenir le fond « boues », notamment MM. Le Grand, Sido et Vasselle, et je les en remercie.
C'est une mesure essentielle qui doit permettre d'apporter de la sérénité dans la filière d'épandage des boues, 70 % de celles-ci étant épandues en agriculture. C'est, vous le savez, la filière écologiquement et économiquement la plus pertinente. Certes, quelques améliorations peuvent être apportées au texte, car c'est un sujet complexe, mais l'objectif général me semble bon.
La taxe relative aux eaux pluviales, vous avez raison de le souligner, madame Keller, est complexe. Néanmoins, de nombreuses collectivités ont à faire face à des investissements importants et je souhaitais ainsi leur ouvrir des possibilités nouvelles.
Vous le savez, il est essentiel de bien gérer les eaux pluviales, qui peuvent, par ruissellement et entraînement, être source de pollution des rivières. Une mauvaise gestion des eaux pluviales peut également entraîner localement des risques d'inondation.
L'assiette de cette taxe peut être complexe et, surtout, déroutante. Dans l'esprit de la loi, c'est le rejetable, c'est-à-dire le diamètre du tuyau qui raccorde l'habitation ou la parcelle au réseau public, qui doit être pris en compte. En effet, depuis vingt ans, les diverses tentatives visant à créer une assiette fondée sur l'imperméabilisation des sols n'ont pas permis d'aboutir à une solution efficace et réalisable, d'où notre souhait de proposer une nouvelle voie.
Néanmoins, je veux bien reconnaître l'aspect complexe voire déroutant de cette taxe. C'est pourquoi je vous proposerai de mettre en place très rapidement, d'ici à la deuxième lecture, un groupe de travail afin d'avancer dans la réflexion sur ce point.
En matière d'assainissement non collectif, vous avez évoqué, monsieur Vasselle, les enjeux auxquels doivent faire face les communes rurales, et personne ne s'en étonnera ici. C'est très important, vous avez raison. Il s'agit de plus de 5 millions de logements représentant plus de 11 millions d'habitants.
C'est pourquoi le projet de loi sur l'eau prévoit de nombreuses mesures précisant les compétences des maires et, surtout, leur donnant les moyens financiers, en particulier à travers les agences de l'eau.
La loi de 1992 avait en effet prévu des obligations pour les maires dès la fin de l'année 2005, sans leur en donner les moyens. Le présent texte prévoit d'y remédier.
L'assainissement non collectif est un défi majeur. Trop souvent, le collectif et le « tout-à-l'égout » ont été privilégiés alors qu'ils coûtaient plus chers. Il faut savoir que l'assainissement non collectif coûte globalement moins cher pour des performances environnementales aussi bonnes, voire meilleures. Il faut donc que nous réhabilitions ce type d'assainissement et que nous renforcions les moyens des communes. C'est bien l'objet du projet de loi. De nombreux amendements ont été déposés à ce sujet, et je suis sûr que le texte sortira amélioré de vos délibérations.
Vous avez abordé, madame Didier, les enjeux sociaux liés à l'eau et la nécessité d'inclure encore plus de solidarité dans la politique de l'eau. J'entends, avec le projet de loi sur l'eau, répondre à ces attentes à travers une double approche.
D'une part, les dernières pratiques de caution solidaire ou de dépôt de garantie, qui grèvent inutilement les budgets des ménages, seront supprimées. En effet, jusqu'à six mois de factures d'eau sont parfois demandés d'avance.
D'autre part, je tire toutes les conséquences du fait que le service d'eau est décentralisé, sous la responsabilité du maire ou du président de la structure intercommunale concernée. Je donne la possibilité aux élus de fixer le prix de l'eau en pleine et totale responsabilité. Ils pourront ainsi, notamment, fixer un prix de l'eau dégressif ou progressif, selon leurs choix à la fois politiques et techniques. Ils auront ainsi la possibilité d'afficher clairement leurs ambitions sociales, mais aussi environnementales.
Vous avez abordé, monsieur Le Grand, les enjeux de la politique littorale. Ils sont, il est vrai, essentiels.
Le bon état écologique des eaux que nous devons atteindre en 2015 concerne également les eaux côtières. Dans les programmes d'intervention des agences de l'eau et dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, une place toute particulière devra être faite aux actions concernant le littoral.
Les eaux littorales sont en effet le réceptacle des eaux de rivières et concentrent à ce titre les pollutions. Une attention particulière devra leur être portée par les agences de l'eau et par les préfets.
Des avancées importantes sont prévues dans le cadre de la future directive sur les eaux de baignade. Nous pourrions dès à présent nous en inspirer pour engager localement des études de profil des zones de baignade et des actions de réduction de la pollution.
Mme Férat a insisté sur l'importance de l'eau en tant que bien global et vital.
Vous avez souligné, madame la sénatrice, la gestion de l'eau dans un esprit de solidarité amont-aval, de façon globale et cohérente, en s'appuyant sur des maîtres d'ouvrage locaux. Sachez que c'est dans cet esprit qu'est élaboré le projet de loi sur l'eau.
Je veux relancer la gestion locale et participative de la politique de l'eau. A ce titre, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux et les démarches locales, comme les plans de gestion pour la lutte contre les pollutions diffuses, seront renforcés. Il s'agira, bien sûr, dans chaque cas, de bien associer les acteurs locaux, dans un esprit de gestion locale et participative de l'eau.
J'en viens aux agences de l'eau et aux redevances.
Je voudrais tout d'abord répondre à Mme Bricq et lui préciser que le mécanisme proposé par le projet de loi sur l'eau n'est ni confus, ni contraire à la charte de l'environnement ou à la directive-cadre. Au contraire, il va permettre une simplification des redevances existantes, lesquelles sont incompréhensibles, complexes et parfois injustes. D'une commune à l'autre, en effet, les redevances sont différentes et personne n'est plus capable d'expliquer pourquoi !