Intervention de Philippe Bas

Réunion du 29 juin 2006 à 15h00
Finances publiques et finances sociales — Suite du débat d'orientation sur une déclaration du gouvernement

Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai moi aussi assisté à vos débats de ce jour avec beaucoup d'intérêt. Chacune des interventions était circonstanciée, mûrement réfléchie et fondée sur une expérience approfondie de ces questions financières, concernant tant le budget de l'État que nos finances sociales.

C'est la deuxième fois en six mois que nous avons un débat au Sénat - votre assemblée a pris, à cet égard, un peu d'avance sur l'Assemblée nationale -, débat qui nous permet de discuter, avec une vision d'ensemble, de questions intéressant les finances publiques au sens large, c'est-à-dire non seulement celles de l'État, mais aussi celles des collectivités locales et les finances sociales, dont le volume est le plus important de toutes les institutions ayant un impact fort sur les transferts financiers dans notre pays.

Les finances sociales, dont les déficits sont aujourd'hui d'un montant équivalent au cinquième du déficit de l'État alors que les finances de la sécurité sociale représentent pratiquement 1, 5 fois le budget de l'État, se trouvent aujourd'hui sur le chemin d'un redressement accéléré.

Comme vous l'a rappelé M. Xavier Bertrand ce matin, nous étions partis, avant la réforme de l'assurance maladie, sur une tendance de déficit à hauteur de 16 milliards d'euros fin 2005. Or nous avons en réalité limité le déficit à 8 milliards d'euros.

Pour la première fois depuis 1997 - et je le redis à M. Jégou qui le contestait tout à l'heure -, l'objectif a été scrupuleusement tenu. C'est, en réalité, du point de vue de notre capacité de redressement des comptes, un résultat totalement appréciable qui se poursuit en 2006. D'ailleurs, les résultats des premiers mois de l'année que vient de publier l'assurance maladie sont très positifs, notamment quant à la prescription de médicaments, qui accuse une très forte décélération par rapport à l'année dernière pour les cinq premiers mois de l'année. Nous sommes donc sur la bonne voie.

Évidemment, si l'on tient compte des évolutions de nos finances publiques à moyen terme, il faut avoir conscience que, compte tenu du vieillissement de la population, les besoins de santé comme la nécessité de prendre en charge les personnes âgées dépendantes vont augmenter chaque année, ce qui, bien sûr, doit nous inciter non seulement à une gestion beaucoup plus maîtrisée de la sécurité sociale, mais aussi à une réflexion sur les ressources de cette dernière.

À cet égard, je dois dire tout l'intérêt que porte le Gouvernement - M. Jean-François Copé vient d'ailleurs de s'en faire l'écho - aux propositions que le président et le rapporteur général de la commission des finances ont, avec beaucoup de persévérance et d'opiniâtreté, formulées sur la TVA sociale.

La TVA sociale constitue, en effet, une piste de réflexion pour le Gouvernement en vue de la réforme du financement de la part patronale de la protection sociale ; nous nous devons d'évoluer vers la recherche de recettes dont le dynamisme ira à la rencontre de celui de la dépense, pour autant que celle-ci soit justifiée par des raisons strictement médicales, et alors qu'elle progressera, compte tenu, je le répète, du vieillissement de la population.

M. Serge Dassault a également apporté sa contribution au débat en évoquant le coefficient emploi activité, qui fait naturellement partie, lui aussi, des pistes que nous étudions de manière approfondie en liaison avec le Conseil d'orientation pour l'emploi et le Conseil d'analyse économique.

Je voudrais également répondre à MM. Vanlerenberghe et Jégou, dont je ne partage pas l'analyse selon laquelle la réforme de l'assurance maladie aurait fait l'impasse sur les établissements de santé. Cela n'est pas le cas, je tiens à le dire solennellement.

Nous avons, dans ce domaine, engagé des réformes structurelles de grande ampleur. Le plan Hôpital 2007, la tarification à l'activité et la réforme de la gouvernance représentent en effet des chantiers d'envergure qu'il nous faut conduire dans un esprit de responsabilité impliquant une progressivité dans leur mise en oeuvre.

Quant à la montée en charge de la tarification à l'activité ainsi que la convergence entre les établissements de santé publics et privés, M. Xavier Bertrand a eu l'occasion de rappeler que nous préférons une convergence réussie à une convergence précipitée. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé des travaux destinés à mesurer de manière très précise les charges spécifiques qui pèsent sur le service public hospitalier.

En ce qui concerne les missions d'intérêt général, nous avons également engagé des travaux importants pour définir très exactement leur périmètre, car nous ne voulons pas agir à l'aveugle, dans l'improvisation et la précipitation. Notre objectif, là aussi, est de mesurer très précisément les coûts afin de faire en sorte que, pour des missions d'intérêt général équivalentes, les établissements reçoivent les mêmes financements.

Bien sûr, comme vous l'avez dit, il existe des marges d'économie et de rationalisation. Nous en sommes conscients et nous les explorons en vue de leur exploitation. En effet, le plan de redressement de l'assurance maladie nécessite de la part des établissements d'importants efforts de rationalisation dans le domaine des achats, ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros, ainsi qu'en matière de gestion interne.

Monsieur Jégou, vous avez exprimé des doutes sur les résultats de la réforme de l'assurance maladie. À cet égard, je vous renverrai simplement aux chiffres : l'approbation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie était, en 2003, de 6, 4 %, contre 4, 9 %, en 2004 et 3, 9 %, en 2005, avec, pour la première fois depuis 1997, le respect de cet objectif fin 2005. Dès lors, s'il ne s'agit pas là d'une inflexion des dépenses, de quoi s'agit-il donc ?

Nous sommes ici en présence d'une forte inflexion du rythme des dépenses et de leur progression annuelle.

Quant aux seuls soins de ville, cette inflexion est encore plus significative : 7 % de hausse en 2002 et en 2003, 4, 3 % en 2004 et 3, 1 % en 2005, soit une diminution de plus de 50 % depuis le début du quinquennat.

Tels sont les résultats, tels sont les chiffres, qui se passent de commentaires ! Pour ce qui est des médicaments, nous poursuivrons dans cette voie, comme vous le souhaitez, monsieur Jégou.

Je voudrais en cet instant insister sur les résultats encourageants que nous constatons en ce début d'année 2006 concernant les médicaments génériques dont la progression, en six mois, a été tout à fait spectaculaire. En effet, la part des génériques dans l'ensemble de la distribution atteint aujourd'hui 67, 3 % du marché des médicaments, alors que, à la fin de 2005, cette proportion n'était que de 61, 4 %. Admettez qu'il s'agit là d'une progression très rapide qu'il convient de reconnaître objectivement.

Je voudrais maintenant répondre à M. Bernard Cazeau, qui s'est montré anxieux à l'idée du précipice qu'il redoute de voir s'ouvrir sous ses pieds.

Or, si cette anxiété est aussi forte que vous le dites, monsieur Cazeau, pourquoi soutenez-vous avec vos collègues du groupe socialiste, et avec le parti socialiste, des propositions consistant à accélérer - à « précipiter le précipice », si j'ose dire ! - en supprimant la réforme des retraites, en augmentant la CSG, en mettant fin à la journée de solidarité et, ce faisant, en cassant la croissance par l'augmentation des prélèvements obligatoires ? Ce sont toujours les mêmes recettes qui vous viennent à l'esprit, comme elles sont venues à l'esprit de M. Fischer.

Je voudrais vous faire remarquer, monsieur Cazeau, ainsi que je l'ai dit à M. Jégou tout à l'heure, que nous disposons aujourd'hui de résultats qu'il serait vain de contester, puisqu'ils sont contenus dans les chiffres mêmes. Or ce n'est pas moi qui établis ces derniers et qui fais les additions ! C'est l'oeuvre de la Cour des comptes et de la commission des comptes de la sécurité sociale. J'ajoute que ces chiffres sont à votre disposition, comme ils sont à la disposition de tous les citoyens français.

Certes, vous avez raison de souligner qu'il faut se donner des marges de manoeuvre pour la prise en charge de nouveaux médicaments. Le fait de retirer d'une liste certains médicaments dont les mérites ne sont pas aussi grands que ceux de nouveaux médicaments inscrits sur la même liste a pour objet de soigner toujours mieux et de rendre le progrès médical accessible à tous nos concitoyens, au fur et à mesure de l'apparition de nouveaux médicaments.

Sachez, par exemple, que, l'an dernier, plus de deux cents nouveaux médicaments ont obtenu une autorisation de mise sur le marché. Nous avons donc affaire à une sorte de respiration de notre pharmacopée donnant lieu à remboursement. D'ailleurs, je suis sûr qu'au fond de vous-même, monsieur Cazeau, vous qui avez exercé cette noble profession de médecin, vous ne sauriez nier l'intérêt d'incorporer sans cesse de nouveaux médicaments, quitte, effectivement, à rayer des listes ceux qui se révéleraient moins efficaces.

Nous assumons pleinement cette politique, car il en va de la santé de nos compatriotes.

S'agissant des branches vieillesse et famille, je comprends que le réel succès rencontré par les départs en retraite anticipée vous irrite. En effet, pendant cinq ans, le gouvernement que vous souteniez refusait, année après année, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, de prendre cette mesure. Soit dit en passant, il pouvait difficilement agir autrement, tant il est vrai qu'il refusait également, avec tout autant d'obstination, de s'atteler à la réforme des retraites qui était pourtant si nécessaire et que nous avons eu la responsabilité de mettre en oeuvre. Sans cette réforme, en effet, aucun droit à la retraite anticipée n'aurait été possible.

Il faudra d'ailleurs nous expliquer, pour le cas où, par malheur, le parti auquel vous appartenez reviendrait au pouvoir et supprimerait la réforme des retraites, ce que deviendraient alors ces malheureux Français qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans et à qui nous avons permis - nous, pas vous ! - de partir en retraite anticipée.

Telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux orateurs qui se sont exprimés à la tribune tout au long d'un débat dont je veux, une nouvelle fois, saluer la richesse et l'intérêt et qui sera naturellement appelé à se renouveler au cours des mois qui viennent, puisque c'est déjà le deuxième débat organisé sur ce sujet au Parlement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion