Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 21 octobre 2004 à 15h00
Droits des personnes handicapées — Articles additionnels avant l'article 27

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

... puisqu'il inscrit dans la loi une contradiction majeure entre le principe de l'évaluation personnalisée des besoins, qui appelle une réponse adaptée au projet de vie des personnes, et les financements fermés des enveloppes de la CNSA, qui interdisent de ce fait l'élaboration de réponses à la hauteur de ces besoins.

C'est une mystification pure et simple. Mais nous en avons maintenant quelque peu l'habitude !

Madame la secrétaire d'Etat, il n'est pas convenable de placer les personnes qui sont en situation de handicap dans une position où elles auront enfin la possibilité d'exprimer leurs besoins de compensation et d'aide, pour s'entendre dire ensuite qu'il n'y a pas de financement pour y répondre.

L'opacité du dispositif ne leur permet malheureusement pas encore de se rendre compte de cette situation, mais je redoute les déceptions, voire les désespoirs qu'engendrera la mise en oeuvre de la CNSA.

Il ne s'agit pas d'une simple contradiction issue d'une méthode de travail morcelée et sans cohérence. Finalement, c'est l'expression d'une volonté qui aura pour conséquence de reléguer malgré tout le handicap dans l'aide sociale, et surtout d'opérer très concrètement une étape supplémentaire du démantèlement de notre système solidaire de sécurité sociale.

J'en veux pour preuve, d'abord, le fait que les modalités de financement de la caisse ne reposent pas sur le régime de prélèvements sociaux érigé selon les principes de solidarité nationale et d'universalité.

Ensuite, la spécialisation du champ d'intervention de la caisse ne relève définitivement pas de la définition d'un risque qui résulterait d'un aléa de la vie telle que la sécurité sociale le développe.

Si le statut d'établissement public était retenu pour la CNSA, nul besoin d'autre preuve pour conclure à la sortie pure et simple des risques « handicap » et « dépendance » du champ de la sécurité sociale.

Vous l'aurez compris, nous récusons l'idée de la CNSA. D'abord, parce qu'elle nie les compétences et l'expérience des organismes de sécurité sociale, qui seront précieuses pour mettre en oeuvre des dispositifs fort complexes.

En outre, cette fois-ci, le transfert pur et simple de charges non compensées vers les départements est clairement affiché : après avoir additionné l'enveloppe fermée de la CNSA pour la prestation de compensation, soit 550 millions d'euros, à l'ACTP, dont l'enveloppe n'est pas fermée, versée par les départements, et après avoir évoqué la répartition des crédits entre les aides humaines, techniques, de logement et de véhicule, vous n'hésitez pas à indiquer que « si l'évolution révélait une insuffisance de ressources, il reviendrait aux départements responsables de la prestation de financer le différentiel ».

Dans ces conditions, le dialogue de gestion, censé régler tous les problèmes entre le département et la CNSA, et le rôle imparti à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées sont des leurres de dialogue et de participation.

La garantie de l'égalité de traitement sur le territoire n'aura aucune effectivité dans ce contexte, et vous le savez.

En conséquence, permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, de douter de la sincérité du Gouvernement lorsque vous évoquez le souci de proximité pour désigner les départements comme chefs de file afin de répondre efficacement aux besoins des personnes en perte d'autonomie ou en situation de handicap. Vous ne leur en donnez pas les moyens !

Nous ne nous satisfaisons pas d'une CNSA qui affiche le principe d'une solidarité universelle en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, mais qui, dans les faits, maintien deux dispositifs distincts.

Pour notre part, et cela ne vous surprendra pas, nous restons farouchement attachés à la reconnaissance d'un risque nouveau « handicap-incapacité-dépendance » inclus dans le champ de la sécurité sociale et engageant résolument notre société dans une modernité où les valeurs humanistes sont non seulement respectées, mais mises en pratique

Ce droit nouveau et universel à compensation en raison de la dépendance ne connaît ni de barrière relative à l'âge ni de barrière quant à l'origine ou à la nature de la déficience. II devrait alors être financé de façon pérenne dans le cadre de la solidarité nationale, sur la base de cotisations sociales réformées.

Nous avons la conviction que c'est le seul moyen de répondre dignement et selon les principes républicains de liberté, d'égalité, de fraternité, qui sont la marque de notre humanité, à ce grand défi de civilisation qui est devant nous.

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