Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Cet amendement prévoit l’exclusion des salariés de l’industrie alimentaire du champ d’application des mesures de l’article 6.

Pour expliquer notre vote, je prendrai l’exemple précis d’une entreprise de taille moyenne qui, en fait, appartient à un groupe à vocation internationale.

La société Fralib, qui est implantée dans les Bouches-du-Rhône et dont la spécialité est de fabriquer des sachets de thé et d’infusion, fait partie du groupe Unilever.

Cet ensemble étonnant possède un grand nombre de marques alimentaires – par exemple les marques de glaces Frigécrème et Miko, rachetées à prix d’or aux héritières Ortiz, qui se contentent de toucher les royalties –, de lessive et de produits de nettoyage. Avec Unilever, on peut donc tacher ses vêtements, mais aussi les nettoyer, signe d’une intégration verticale très au point !

Fralib, pour sa part, produit les infusions Éléphant et les thés Lipton. Le syndicat CGT précisait, dans un communiqué récent, ce que signifient les gains de productivité dans cette entreprise en lutte :

« En France, en ce qui concerne les effectifs, en 1989 ils étaient répartis sur deux sites de production, un au Havre et un à Marseille, donc les coûts – comme ils disent – liés aux infrastructures étaient multipliés par deux. Nous étions, au total, 286 salariés sur deux sites. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un site, celui de Gémenos, et nous sommes 185 salariés. Unilever fait donc l’économie de coûts structurels d’un site et nous sommes 101 salariés de moins. »

Les syndicalistes poursuivent en ces termes, évoquant les salaires :

« Pour ne prendre qu’un exemple, si les salaires avaient suivi la progression du SMIC, le coefficient 170 serait aujourd’hui à 2 142 euros, soit 600 euros de plus que le salaire actuel ! Un coefficient moyen de 200 était, en 1989, à 1 240 euros ; il se situait à 68 % au-dessus du SMIC. Il est aujourd’hui à 1 708 euros et n’est plus qu’à 16 % au-dessus du SMIC.

« Bien évidemment, il s’agit de salaires bruts. Il faut donc rajouter à cela que, sur cette même période, nos cotisations sociales ont augmenté de 6 % et que, aujourd’hui, nos patrons ont des exonérations de cotisations sur les salaires jusqu’à 1, 6 fois le SMIC. Le salaire du PDG d’Unilever Monde était mensuellement de 393 500 euros, soit 273 fois le SMIC. »

Ils terminent leur analyse en soulignant les gains de productivité et l’intensification des cadences :

« En 1989, l’ensemble des productions des deux sites était de 1, 58 milliard de sachets de thé par an. Aujourd’hui, nous sommes à 1, 53 milliard, soit pratiquement le même niveau de production, mais avec un seul site et 100 salariés de moins. »

En vingt ans, la productivité par salarié a donc augmenté de 50 %. Dans le même temps, le salarié rémunéré selon le coefficient 170, qui touchait autrefois 46 % de plus que le SMIC, ne perçoit plus aujourd’hui que 3, 5 % de plus que le salaire minimum. Si les gains de productivité avaient été affectés aux salaires, ceux-ci auraient augmenté dans les mêmes proportions.

Les patrons et l’État ont aussi d’autres cordes à leur arc. Développer la précarité – par le recours à des contrats à durée déterminée, à l’intérim –, la flexibilité des horaires et leur annualisation a permis d’une part d’obtenir la suppression des pauses et la polyvalence sur les postes, d’autre part d’augmenter la productivité en allongeant le temps d’utilisation des machines.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en rajouter concernant la réalité actuelle du monde du travail, particulièrement dans cette profession.

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