Intervention de Annie David

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Annie DavidAnnie David :

Deux ans, ce n’est sûrement rien pour vous, monsieur le ministre ; pour d’autres, cela représente au contraire beaucoup.

Il en est ainsi pour les salariés des industries de fabrication de la chaux, dont les difficiles conditions de travail suffisent, à elles seules, à justifier le maintien de l’âge légal de 60 ans pour l’ouverture du droit à la retraite et celui de l’âge de 65 ans pour la suppression de la décote. J’ajoute que les salaires ne suivent pas toujours…

De surcroît, ces salariés ont connu des vagues de licenciements en 2009. En effet, les deux plus grands producteurs mondiaux de chaux, Lhoist et Carmeuse, qui possèdent des sites de production en France, ont congédié plusieurs centaines de salariés, invoquant la crise touchant le domaine de la sidérurgie. Leur production aurait ainsi chuté, respectivement, de 15 % à 20 % et de 30 % à 50 %.

S’il est vrai que les entreprises de la sidérurgie sont de grandes consommatrices de chaux dans leurs processus de fabrication d’acier, la chaux est également utilisée dans de nombreux autres secteurs : dans l’agriculture, pour amender les sols acides, dans les travaux publics, pour réaliser des routes ou des chemins, en médecine ou encore en plongée sous-marine, pour ses propriétés d’absorption du dioxyde de carbone, très utiles pour les appareils respiratoires en circuit fermé, dans la décoration d’intérieur, pour assainir l’atmosphère, réduire l’humidité et éviter ainsi la condensation de l’eau, son velouté sans égal rendant en outre la chaux très esthétique !

À côté de ces utilisations classiques sont apparus, ces dernières années, de nouveaux marchés relatifs à l’environnement, notamment tout ce qui concerne le traitement des fumées – la chaux neutralise les fumées chargées en acide ou en chlore – ou celui des eaux usées, par la floculation des boues.

Les possibilités pour compenser la crise de la sidérurgie ne manquent donc pas. En outre, Lhoist et Carmeuse avaient transféré de nombreux postes à des tiers. Ils ont pourtant refusé de les confier à nouveau à leurs salariés, faisant purement et simplement le choix de les licencier, en dépit de la demande appuyée des syndicats.

Ces entreprises ont ainsi, comme tant d’autres, porté un coup à notre système de retraite par répartition. Et que faites-vous, monsieur le ministre ? Vous demandez à ces salariés, dont certains se trouvent en situation d’inactivité forcée, de faire encore des efforts !

Certes, il est trop tard pour réparer, les conséquences d’un licenciement sur la vie familiale et sociale étant dévastatrices, mais il serait normal d’exiger de ces entreprises, dont le comportement égoïste, irresponsable et injuste n’a plus à être démontré, qu’elles participent effectivement à l’effort de financement des retraites ou, du moins, qu’elles ne pénalisent pas leurs salariés.

D’ailleurs, la convention collective de la profession, dominée notamment par les grands groupes cimentiers, vient juste de mettre en place une commission mixte nationale destinée à traiter les questions relatives à la formation professionnelle et à l’évolution des emplois. Elle ne prévoit pas, faut-il le dire, de mesures spécifiques relatives à l’âge de départ à la retraite, quand bien même une bonne partie des salariés de la profession ont connu des carrières longues et ont probablement fait jouer le dispositif prévu par la loi de 2003.

Pour autant, malgré l’absence d’analyse de la situation spécifique des salariés de ce secteur en matière d’espérance de vie, il est évident que le recul de l’âge légal de la retraite à 62 ans aura notamment pour conséquence de réduire sensiblement la durée de perception des pensions par les retraités de la branche.

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