Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Mais si, nous en parlons, monsieur Gautier, mais je n’entrerai pas dans une polémique stérile. Nous illustrons notre argumentation d’exemples qui montrent quelles seront les conséquences de ce projet de loi sur certaines catégories professionnelles, sur des hommes et des femmes qui aiment leur travail mais ne veulent pas pour autant être sacrifiés sur l’autel de la réforme que propose le Gouvernement.

J’en viens à mon explication de vote. La convention collective des ouvriers du bâtiment de la région d’Île-de-France est relativement récente puisqu’elle a été signée au milieu des années quatre-vingt-dix. Elle comporte des clauses spécifiques au regard des pratiques qui sont mises en œuvre dans le reste du pays.

Ainsi, elle règle fondamentalement les questions d’organisation du travail, de rémunération et de relation entre les parties dans les contrats de travail du secteur. La convention collective du bâtiment fixe les conditions dans lesquelles les salariés les plus âgés sont appelés à quitter une entreprise.

Le secteur a bien entendu adhéré au dispositif des carrières longues, qui s’est d’ailleurs révélé moins favorable aux salariés que ces derniers pouvaient l’espérer. La convention sanctionne le licenciement d’un salarié âgé de plus de cinquante-cinq ans en majorant le montant de l’indemnité de licenciement à laquelle il a droit.

Comme la convention nationale, elle reconnaît la pénibilité des activités professionnelles, qui s’appuie sur deux critères principaux.

Le premier est le taux d’accidents du travail de la branche, qui n’a pas d’équivalent dans notre pays. Certes, des efforts ont été accomplis pour les réduire, mais on ne peut néanmoins pas accepter les 130 000 accidents du travail recensés en 2008 sur 1, 6 million de salariés. Et l’on peut encore moins accepter le nombre d’accidents du travail mortels, qui a diminué, mais qui s’élève encore, malheureusement, à 158 chaque année. Le quart des accidents reste dû à des chutes sur les chantiers et un dixième des décès est provoqué par ce que l’on appelle « une masse en mouvement » : je vous laisse imaginer l’horreur que cela recouvre.

Le second critère est la progression du nombre de personnes atteintes d’une maladie professionnelle. On recense une véritable explosion des incapacités de travail temporaires et une hausse très préoccupante des maladies professionnelles déclarées, notamment de celles qui sont dues à l’amiante pour les ouvriers plombiers et électriciens, mais aussi des troubles musculosquelettiques qui sont en croissance constante.

Ces données changent l’apparence du portrait social du bâtiment. Si la prévention des accidents de travail a progressé dans ce secteur, si les consignes de sécurité sont mieux respectées, les accidents dangereux semblent plus nombreux. Cela s’explique par le fait que le secteur se développe, depuis plusieurs années, sur les gains de productivité et sur la polyvalence des salariés. Ces derniers doivent de plus en plus souvent effectuer des tâches épuisantes, avec des outils qui, dans bien des cas, ne leur permettent pas de travailler plus vite et mieux.

L’augmentation des cadences de production est au cœur de l’accidentologie de ce secteur et de ces nouvelles manifestations, notamment en termes de maladies professionnelles.

Il convient de garder toutes ces données présentes à l’esprit, car nous parlons d’hommes et de femmes, d’être humains, qui vont devoir demain travailler deux années supplémentaires si nous votons le recul de l’âge de départ de la retraite sans décote.

Je n’ignore pas que, dans ce secteur comme dans d’autres, l’incapacité professionnelle sera prise en compte, mais combien de salariés seront-ils concernés ?

Afin de maintenir le droit social dans les limites de l’humain, notre groupe vous propose cet amendement que nous vous demandons d’adopter.

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