Intervention de Annie David

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Annie DavidAnnie David :

Cet amendement me tient à cœur, moi qui suis issue d’une vallée où les papeteries, encore florissantes voilà quelques années, ont toutes mis la clé sous la porte. Des centaines de salariés ont ainsi été jetés à la rue, par des entreprises parfois bien peu scrupuleuses.

Cet amendement appelle plusieurs observations. Je vais un peu m’éloigner des seules considérations professionnelles et faire appel à votre mémoire.

Rappelez-vous, mes chers collègues, les discussions que nous avons eues la semaine dernière. Les arguments avancés par M. Fourcade pour justifier son opposition à l’adoption des amendements de suppression de l’article 5, dans son intervention en séance publique, sont très révélateurs quant aux enjeux du débat. Il déclarait en substance : une hausse de deux ans de l’âge légal suffirait à stabiliser le rapport entre les dépenses de retraites et le PIB dans les deux prochaines décennies ; ce relèvement doit être le point de départ de la réforme. Voilà ce que dit le FMI, dont le directeur général, on le sait, est d’une grande compétence... Je m’appuie sur ce rapport pour voter contre ces amendements.

Ainsi donc, une hausse de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite est le point de départ d’une réforme tendant non pas à garantir le pouvoir d’achat des retraités, mais à stabiliser le rapport entre dépenses de retraites et produit intérieur brut dans les deux prochaines décennies : voilà, vous en conviendrez, une position particulièrement intéressante.

Mes chers collègues, vous usez et abusez de la démographie en passant allégrement de l’espérance de vie à la naissance, seule donnée à peu près valable, à l’espérance de vie générale à tel âge de la vie, en omettant bien d’autres éléments d’analyse de l’espérance de vie. Or, les projections démographiques montrent que le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans, comme celles de plus de 62 ou de 67 ans, devrait s’accroître assez sensiblement. Cela est dû au départ de ceux qui ont eu le bonheur de profiter de la retraite à 60 ans avant 2010, aux progrès de la médecine. Par ailleurs, l’état sanitaire général de la population s’est amélioré, en dépit des attaques dont il fait l’objet au travers des lois de financement de la sécurité sociale successives et des réformes régulières de l’assurance maladie ou des hôpitaux.

Du fait de cette réforme, que votera M. Fourcade, mais aussi sans doute MM. About et Longuet, l’accroissement de la population éligible aux pensions de retraites sera donc contenue à une part stabilisée du PIB. En d’autres termes, on va conserver la taille du gâteau mais, chaque année, on découpera un nombre de parts plus élevé.

En clair, mes chers collègues, vous allez sciemment adopter une réforme qui réduira durablement le pouvoir d’achat des retraités, en contenant le montant des retraites dans les limites de la part qu’elles représentent aujourd’hui dans le PIB. Et cette réforme parviendra d’autant plus à ce résultat que le sous-marin de la réforme Balladur de 1993, agissant sur les modalités de revalorisation des pensions, torpille chaque année un peu plus le pouvoir d’achat des retraités.

Le maintien en l’état de la part relative actuelle des retraites dans le PIB reviendra au bas mot en 2030, alors que les pensions représenteront 380 à 400 milliards d’euros au lieu de 450 à 500 milliards d'euros, à une perte sèche de 20 % du pouvoir d’achat des retraités.

Pour notre part, nous ne souhaitons pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, une telle perspective pour les salariés de ce pays, futurs retraités.

Cette remarque vaut singulièrement pour les salariés de l’industrie papetière. L’espérance de vie de ces derniers est largement mise en question par les produits chimiques, dont use et abuse ce secteur industriel et dont nombre sont utilisés sans aucun respect du principe de précaution. Elle est également mise à mal par leurs conditions de travail : afin de rentabiliser l’outil de production, la coulée de la pâte à papier étant continue, ces salariés accomplissent les 3x8, travaillent sept jours sur sept, au péril de leur santé.

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