Intervention de Odette Terrade

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite, amendement 715

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Nous souhaitons que le report à 67 ans de l’âge auquel les salariés pourront percevoir une pension de retraite sans décote ne s’applique pas aux personnels de manutention et de nettoyage des aéroports ouverts à la circulation du public et qui dépendent de la convention collective du 1er octobre 1985.

L’atteinte aux droits de ces salariés est constante. Pour l’illustrer, mes chers collègues, je souhaite vous faire part d’une anecdote édifiante et symbolique.

Au mois de mars dernier, le groupe Aéroports de Paris – ADP – avait demandé l’expulsion des locaux jusqu’alors occupés gratuitement par les syndicats de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, et ce depuis 25 ans. Alors que 90 000 salariés travaillent sur ce site, les unions locales sont appelées à jouer un rôle grandissant dans l’organisation des travailleurs, la formation syndicale, le conseil des salariés et les luttes à venir. L’émiettement des salariés entre des centaines d’entreprises sous-traitantes rend d’autant plus nécessaire l’existence de structures syndicales interprofessionnelles.

Les dirigeants d’ADP sont les principaux responsables de la précarisation des travailleurs de Roissy. Ils encouragent le recours à la sous-traitance et multiplient les « marchés ». Comme vous, ils veulent faire payer la crise du capitalisme aux salariés, en dégradant leurs conditions de travail et en revenant sur tous les acquis sociaux. L’union locale de la CGT les gênait donc tout particulièrement, puisqu’elle compte plus de 5 000 adhérents. Généreusement, ils lui ont proposé un relogement pour un loyer prohibitif de 5 000 euros mensuels, sans prendre en considération les frais de stationnement.

Le militantisme syndical fait l’objet de nombreux actes de répression dans les entreprises et les tribunaux, ce qui témoigne d’un durcissement sans précédent de la lutte des classes dont le présent projet de loi est l’écho.

Par ailleurs, les activités de nettoyage correspondent à des métiers à forte composante féminine.

Rappelons que, en 2004, seulement 44 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète, contre 86 % des hommes ; en 2005, le montant de leur pension de base était inférieur de 23 % à celui des hommes. Par ailleurs, 60 % des allocataires du minimum vieillesse sont des femmes.

Malheureusement, la réforme que nous examinons sera une régression supplémentaire pour les retraites des femmes, qui ont déjà subi celle de 1993 instituant le calcul sur les vingt-cinq, et non plus dix, meilleures années, ainsi que l’indexation sur les prix, et non plus sur les salaires, qui touche particulièrement les femmes qui cumulent bas salaire, chômage et temps partiel subi.

La réforme de 2003 a amplifié le phénomène en accroissant le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une pension de retraite à taux plein. Elle a instauré dans le public et a maintenu dans le privé un système de décote qui pénalise de manière disproportionnée les carrières incomplètes.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que, aujourd’hui, les femmes valident au moins autant de trimestres que les hommes et que la durée d’assurance des femmes est supérieure à celle des hommes de dix-sept trimestres en moyenne pour les générations récentes, tout en précisant que ces données figurent dans le rapport du COR, le Conseil d’orientation des retraites. Seulement, cette affirmation est fausse.

En effet, les rapports du COR comportent des indications très différentes. Certes, les écarts entre les durées validées par les hommes et les femmes se réduisent lentement au fil des générations, mais on est loin d’atteindre, aujourd’hui comme dans un futur proche, des durées équivalentes. À l’heure actuelle, à 30 ans, les hommes ont déjà validé deux trimestres supplémentaires par rapport aux femmes.

En 2004, les femmes parties à la retraite totalisaient toujours vingt trimestres – c’est-à-dire cinq annuités – de moins que les hommes. Rappelons que cinq annuités manquantes entraînent une décote de 25 % sur une pension déjà plus faible puisqu’elle est proratisée. Une telle discrimination est inadmissible.

Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de prendre en compte ces inégalités et de voter l’amendement n° 715.

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