Intervention de Guy Fischer

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme cela a déjà été dit, cet article tend à relever de deux années l’âge permettant de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, quelle que soit la durée de cotisation atteinte.

Avec cet article, la retraite sans décote des Françaises et des Français recule de deux années et passe de 65 à 67 ans. Mais modifier ce seul paramètre n’est pas tenable quand tous les autres restent inchangés.

D’une manière autoritaire et sans fonder votre décision sur les réalités du monde du travail, vous avez décidé de relever ce curseur de la retraite sans décote.

C’est un pas de plus vers l’érosion de tous les droits sociaux qui ont été conquis au cours du XXe siècle.

Les idées libérales que vous défendez, dans votre vie de ministre comme dans votre carrière privée, sont pour vous les seules valables, votre totem en quelque sorte. En revanche, la solidarité, la retraite par répartition, la sécurité sociale, le service public et toutes les formes de redistribution ont vécu.

Avec vous, les riches sont plus riches et les pauvres sont plus pauvres. Avec votre politique, les inégalités se creusent chaque jour davantage.

Le président actuel figurera dans les livres d’histoire comme le président des riches ; dès à présent, c’est certain ! Quant à votre gouvernement, on s’en souviendra comme celui du recul des acquis sociaux, de la politique de classe et du repli sécuritaire et xénophobe.

Nous connaissons vos formules creuses, comme celle de l’« immobilisme » que vous nous avez servie, aujourd’hui encore. Selon vous, nous serions pour l’immobilisme parce que nous voulons que nos concitoyens conservent des droits. Nous serions pour l’immobilisme simplement parce que nous voulons que les travailleurs puissent profiter de quelques années de vie sans travail. Nous serions pour l’immobilisme, parce que nous voulons qu’ils puissent, eux aussi, profiter un peu des fruits de l’amélioration de la qualité de la vie et de la productivité.

Non, monsieur le ministre, ce n’est pas de l’immobilisme ! C’est une vision de la vie différente de la vôtre.

Pour nous, l’argent est un outil absolument nécessaire pour vivre, un « valet », pourrions-nous dire, mais il ne sera jamais notre maître.

Sans entrer dans un profond débat philosophique, je dirai que le but de la vie, pour nous, est simplement de vivre. Le travail est un moyen de gagner sa vie, mais ce n’est pas le but de la vie. La plupart des Françaises et des Français, surtout les plus pauvres d’entre eux, aspirent avant tout à vivre dignement.

Nous n’avons pas à avoir honte, après 40 années de travail, de vouloir arrêter de travailler. Le droit à la retraite est un droit fondamental ; si cet objectif, pour vous aussi, était prioritaire, il pourrait être largement financé. Tout est question de choix !

En 2007, le seul objectif de vie que vous proposiez aux Français était le travail. Le slogan de M. Sarkozy, lors de son élection à la présidence de la République, était alors : « Travailler plus pour gagner plus ». Or cette promesse, qui conduit à une double impasse, a été doublement trahie.

Première impasse : le travail n’a jamais été aussi malade et insuffisant dans notre pays. Le travail, qui peut être une source d’épanouissement, devient de plus en plus une machine à broyer les salariés, qui sont pressés, puis jetés. Par ailleurs, le travail devient de plus en plus rare. Le chômage est désormais systémique, et cela ne va pas s’arranger. Il n’y a pas de travail pour tous, et celui qui existe est dégradé. Et tout cela pourquoi ? Pour que le capitalisme boursier dégage encore plus de profit à court terme !

Deuxième impasse : les Françaises et les Français n’ont pas vu la couleur de la deuxième partie du slogan, car ils n’ont jamais gagné plus. En France, les salaires sont beaucoup trop bas au regard du coût de la vie, et sont restés bloqués depuis des années. Pourquoi ? Pour que le capitalisme boursier engrange encore plus de profits à court terme !

Les richesses produites augmentent, mais nos concitoyens s’appauvrissent. Au profit de qui cet argent est-il détourné ?

Votre texte va dans le même sens. L’abaissement des retraites participe de cette idée que prône le FMI et que vous appliquez, selon laquelle il faut taxer le travail, plutôt que le capital. Mais le relèvement des bornes auquel vous procédez se traduira par une casse sociale, dont les effets n’ont pas fini de se faire sentir.

Pensez-vous vraiment que les entreprises vont tout d’un coup, comme par magie, et pour respecter la lettre de votre texte, se mettre à embaucher et à garder dans leurs murs des salariés de plus de 55 ans ? Pensez-vous vraiment qu’elles se mettront du jour au lendemain, pour vous être agréables, à embaucher des jeunes afin qu’ils puissent commencer, plus tôt qu’aujourd’hui, à engranger les années de cotisation nécessaires ? Nous savons bien que non !

Nous voterons donc contre cet article 6.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion