Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Nicolas Sarkozy et la majorité UMP sont en train de remettre en cause, sans le dire, le modèle social français : quelques euros de franchise médicale par ci, un peu de travail le dimanche par là, des réductions d’effectifs et des coupes budgétaires tous azimuts... et désormais, la retraite à taux plein à 67 ans !

Au commencement était donc la réforme des retraites. On devrait d’ailleurs dire « une », et non « la » réforme, car chacun sait que les difficultés du système ne seront pas corrigées par votre réforme ; vous-même le reconnaissez, monsieur le ministre.

Si l’ensemble de votre réforme est particulièrement injuste, l’article 6 atteint, pour le coup, des sommets dans l’injustice. En période difficile, les efforts et les sacrifices sont acceptables quand ils sont perçus comme équitables. Il est clair, de ce point de vue, que votre gouvernement souffre d’un déficit chronique de crédibilité.

Le passage à 67 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein pénalisera les plus faibles, c’est-à-dire les personnes qui ont occupé des emplois précaires et celles dont les carrières sont incomplètes. Ne nous y trompons pas : si les carrières longues existent encore, nos concitoyens qui connaissent des parcours professionnels en dents de scie sont de plus en plus nombreux. Ils alternent périodes de travail et de chômage, et parfois même de fin de droits, pendant lesquelles ils perçoivent le revenu de solidarité active.

Quant aux seniors au chômage, ils sont de plus en plus nombreux et elles sont de plus en plus nombreuses. Malgré toutes les belles déclarations, notamment celles du secrétaire d’État chargé de l’emploi que nous avons rencontré récemment, leur taux de chômage a encore augmenté.

Bien évidemment, ces emplois précaires et ces carrières incomplètes concernent en particulier, et singulièrement, les femmes. Je veux attirer votre attention sur quelques-unes des injustices dont elles sont victimes.

En premier lieu, les assurés qui sont aujourd’hui obligés d’attendre l’âge de 65 ans pour prendre leur retraite, parce qu’ils n’ont pas le nombre de trimestres suffisants, sont majoritairement des femmes. En 2009, près du quart des femmes relevant du régime général, soit 22 %, étaient dans ce cas, contre moins de 13 % des hommes.

En second lieu, les assurés qui prennent aujourd’hui leur retraite à 65 ans sans disposer du nombre suffisant de trimestres, ils touchent une pension moyenne inférieure à 400 euros par mois. Comment peut-on vivre avec une telle somme ? C’est tout simplement impossible !

Enfin, les jeunes générations seront, à l’avenir, plus nombreuses que leurs parents à devoir travailler tard, bien après l’âge de 60 ans, et même de 65 ans. Nous y voyons deux raisons.

La première est liée au chômage des jeunes. On le sait, l’insertion professionnelle des jeunes est difficile, non seulement pour ceux qui sortent du système éducatif sans qualification, mais aussi, comme le relate la presse, pour les jeunes diplômés. Et je ne parle pas du scandale des jeunes diplômés résidant dans certains quartiers que l’on appelle pudiquement « sensibles » et qui sont victimes d’une stigmatisation entravant leur insertion professionnelle.

Le chômage de longue durée des jeunes, c’est-à-dire de plus d’un an, a encore augmenté au cours des derniers mois. Les jeunes, eux aussi, restent de plus en plus longtemps au chômage, avant même d’avoir connu une expérience professionnelle un peu stable.

La seconde raison est liée à l’allongement de la durée des études et aux difficultés d’insertion dans la vie professionnelle en début de carrière. Les générations nées dans les années soixante-dix commencent à cotiser pour leur retraite à 21 ans en moyenne. Cela signifie que certains commencent à cotiser à 25 ans ! Étant donné l’augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension à taux plein, ils seront mécaniquement plus nombreux que leurs aînés à devoir « attendre » cet âge de la deuxième borne, 67 ans.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas cautionner ces injustices. C’est pourquoi je vous demande de voter la suppression de l’article 6.

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