Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Repousser l’âge de la retraite sans décote de 65 à 67 ans, c’est s’attaquer à celles et ceux qui ont subi les horaires contraints, le travail haché, l’emploi au rabais, les tâches usantes et les métiers pénibles.

Avec cet article 6, vous vous attaquez à ceux dont les retraites ne se chiffrent qu’en centaines d’euros, à ceux qui ont besoin de notre solidarité. Vous vous attaquez aux salariés pauvres, pour en faire des retraités encore plus pauvres.

Dans quel monde vivons-nous pour ne pas entendre la parole d’hommes comme Jack Ralite et Pierre Mauroy ? Ils nous ont parlé de ce monde ouvrier où l’on ne ménageait pas sa peine, au point de finir brisé par une vie de travail.

Ces gens qui ne pouvaient plus « arquer », selon l’expression de Pierre Mauroy, pour certains d’entre nous, c’était nos parents et nos grands-parents. Ce sont les mêmes que votre réforme pénalise, alors que, pour eux, la retraite en bonne santé est souvent un luxe.

L’allongement de la durée de la vie ne concerne pas tout le monde. Vous le savez, entre un ouvrier et un cadre, la différence d’espérance de vie est de sept ans. Et l’espérance de vie de ceux qui ont dû lutter, chaque jour, pour ne pas sombrer le lendemain est encore plus courte. Ces chiffres auraient dû inspirer, aussi, une vraie réforme des retraites.

Enfin, les femmes seront les premières victimes de cette mesure. Elles sont aujourd’hui 60 % à prendre leur retraite à l’âge de 65 ans, et la grande majorité sont au chômage depuis vingt ans. C’est une injustice de plus dans la longue litanie des avanies que subit une femme dans l’emploi : salaire moindre, carrière minimale, horaires décalés, temps partiel subi.

Voilà pourquoi, au lieu de garder les yeux fixés sur les chiffres, vous auriez dû poser votre regard sur les hommes et les femmes qui font notre pays.

Ils vivent de leur travail, quand d’autres vivent de leur exploitation. Les hommes dont nous vous parlons n’appartiennent pas au passé. Ils sont les chevilles ouvrières du niveau de vie de notre pays. Ils n’appartiennent pas au monde d’hier : ils formeront le gros des troupes du monde de demain tel que le MEDEF en rêvait, et tel que vous le réalisez. Ils seront même de plus en plus nombreux, à l’avenir, tant vous avez cassé la politique de l’emploi, avant de vous en prendre aux retraites.

Vous parlez beaucoup de la préservation des droits des jeunes générations. Mais que faites-vous, dans les faits, pour les jeunes ?

Aujourd’hui, au sein d’un marché du travail qui rejette les jeunes et les seniors, le nombre d’annuités cumulées par les salariés ne cesse de baisser. Repousser l’âge de la retraite sans décote, c’est entraîner mécaniquement la baisse des pensions. Vous le savez !

Quand l’emploi est là, il est souvent précaire, partiel et discontinu, et cela se ressent au niveau des cotisations. Avec cet article, nous parlons bien de leur future retraite ; je ne suis pas certaine que cela les rassure.

Si l’objectif est de favoriser la précarité et de développer la pauvreté, il faut reconnaître que vous savez vous y prendre. Monsieur le ministre, avec l’article 6, vous érigez l’injustice en méthode de gouvernement ! Voilà pourquoi le groupe socialiste ne le votera pas.

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