Intervention de François Patriat

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Monsieur le ministre, mes collègues vous ont dit à maintes reprises, mais sans doute pas encore suffisamment, en quoi cette réforme était injuste, inégalitaire, inefficace.

Je souhaiterais envisager votre projet, notamment l’article 6, sous un autre aspect, qui est celui de la vertu et du courage dont se pare aujourd’hui le Gouvernement.

Ainsi, cette réforme serait courageuse ! À mes yeux, le courage, c’est de dire la vérité et non pas d’apporter des réponses péremptoires à des questions posées, en occultant toutes les autres solutions et en ne gardant que les éléments choisis.

Le courage, monsieur le ministre, ce n’est pas de proposer des réformes qui n’étaient pas inscrites dans le programme du candidat Sarkozy et d’apporter une réponse idéologique sans se préoccuper des conséquences.

En ce qui concerne ce débat sur l’article 6, les Français ont compris ce que signifiait la retraite à 62 ans, ils ont saisi le message subliminal leur disant qu’il fallait tenir compte de l’allongement de la vie, mais ils n’ont pas tous pris la mesure des conséquences de la retraite à taux plein à 67 ans. Quand ils le découvrent, croyez-moi, ils ont une autre vision de ce texte de loi ! Le courage eût été de le leur dire.

Depuis 2007, avez-vous répondu par le courage ?

Est-ce du courage, au moment de la crise financière, de financer les pertes des banques avec l’argent des contribuables, sans contreparties en matière de crédit pour l’économie, de fermer le marché du travail avec la défiscalisation des heures supplémentaires ?

Est-ce du courage de répondre au chômage des jeunes par l’extension du travail le dimanche, qui touche surtout les femmes au statut précaire et subissant des temps partiels imposés ?

Est-ce du courage, au cœur de la crise, d’étrangler les collectivités locales, ce qui diminuera les services offerts aux Français qui en auraient le plus besoin ?

Est-ce du courage, sur le pouvoir d’achat, de répondre par une révolution fiscale à l’envers qui favorise la rente la plus improductive avec le bouclier fiscal et, dans le même temps, de supprimer la demi-part pour les parents isolés et d’augmenter le forfait hospitalier ?

S’agissant du financement des retraites, monsieur le ministre, est-ce du courage, au lieu de rassurer les Français et de leur proposer une nouvelle perspective vers plus d’égalité et d’équité en saisissant une chance historique de rétablir les distorsions, mises en lumière par la crise, qui existent dans le partage du travail et du capital, d’aggraver la situation par une réforme inefficace et impossible à mettre en œuvre de manière pérenne ?

Est-ce du courage de faire croire aux Français que, cette réforme étant votée, elle résoudra tout ? Non !

Vous savez très bien que, dans les années qui viennent, le modus operandi que vous avez retenu aujourd’hui entraînera encore d’autres réformes, plus injustes, dans le système que vous avez voulu défendre.

Mes chers collègues, une reprise et une croissance sans emploi risquent de durer encore longtemps. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est l’OCDE et le directeur du FMI. Cela revient à dire que vous ferez reposer les efforts sur les salariés, alors qu’ils seront moins nombreux et leurs carrières plus discontinues.

Ainsi, vous vous mettez sciemment et avec cynisme en situation, dans deux ans, cinq ans ou dix ans, de leur redemander à nouveau d’augmenter leur contribution, tandis que la croissance remplira les caisses de ceux qui tireront le profit de la croissance sans emploi.

C’est bien pourquoi les Français, notamment les jeunes, se mobilisent. Ils ont compris que cette mère des réformes n’était que la première escarmouche, eux qui seront demain 250 millions de par le monde à arriver sur le marché du travail, alors qu’il faudra vingt ans pour retrouver les 40 millions d’emplois perdus par la crise financière.

Ils ont compris que votre réforme est idéologique, qu’elle est placée sous le signe non pas du courage, contrairement à ce que vous dites aujourd’hui, mais de l’injustice et de la vérité dissimulée.

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