Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, parmi les multiples raisons qui ont conduit la France à s'engager, comme elle a su le faire, dans la crise libanaise, j'en distinguerai trois.
La première raison tenait à notre responsabilité particulière et historique à l'égard du Liban. Cette responsabilité a fait de notre pays le premier témoin de l'identité libanaise et le défenseur inlassable de son intégrité territoriale et de sa souveraineté. Cet engagement a constitué l'un des fils rouges de notre diplomatie dans la région, et nous a valu des contrecoups douloureux : comme vous, monsieur le Premier ministre, je pense en particulier à notre ambassadeur, Louis Delamare, assassiné en 1981, et aux cinquante-huit parachutistes tués dans l'attentat du Drakkar, en octobre 1983.
La deuxième raison tenait au Liban lui-même, et à ce qu'il représente. Son pacte fondateur reposait sur le pari d'une forme de convivialité interconfessionnelle qui se voulait, avant l'heure, une réponse audacieuse aux chocs des cultures et des civilisations dont certains veulent faire aujourd'hui le mode de fonctionnement du monde.
Après une guerre civile de quinze années qui a mis en pièces l'État libanais, le pays, enfin libéré de la présence militaire syrienne, entamait une reconstitution politique et économique riche d'espoirs. C'est dans ce contexte que le conflit de juillet est intervenu, rejetant le pays des années en arrière.
Une troisième raison à l'engagement de la France tenait à la nécessaire réaffirmation du rôle de l'ONU dans cette partie du monde. Depuis des années, la crédibilité de l'Organisation des Nations unies y est battue en brèche, tant les multiples résolutions qu'elle a adoptées à l'égard des conflits qui s'y succèdent sont restées lettre morte. La violence y a toujours pris le pas sur le dialogue et détruit la confiance minimale qu'il suppose.
Or la preuve est faite que rien de durable ne peut être obtenu par la force et qu'aucun « nouveau Moyen-Orient » ne peut naître d'une action militaire, quels qu'en soient les initiateurs.
C'est sur la base de ces convictions et de cette responsabilité que notre pays s'est impliqué dans les négociations qui ont conduit à l'adoption, à l'unanimité du Conseil de sécurité, de la résolution 1701, qui doit beaucoup à la persévérance et à l'efficacité de notre diplomatie.
Je tiens à saluer ici, et je crois pouvoir le faire au nom de tous, le succès que cette négociation représente pour notre action internationale, résultat d'un engagement constant et courageux du Président de la République, relayé avec efficacité et talent par votre action, monsieur le ministre des affaires étrangères, et par la vôtre, madame la ministre de la défense, pour tout ce qui concerne le déploiement de nos soldats dans la FINUL renforcée, sous votre autorité, monsieur le Premier ministre.
Cette résolution a certes été, avant tout, une réponse à l'urgence : mettre un terme aux combats et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. Mais, au-delà, elle peut aussi être une base utile pour un règlement plus durable des tensions entre Israël, dont le droit à la sécurité est essentiel, et le Liban, qui doit retrouver une pleine souveraineté sur son sol.
Chacun a pris sa part de responsabilités : le gouvernement libanais, en décidant de déployer son armée sur une partie de son territoire qu'elle avait dû quitter il y a quarante ans ; le Conseil de sécurité lui-même, en déployant une nouvelle FINUL, j'y reviendrai, et en évoquant explicitement, pour la première fois, les fermes de Chebaa, pour étudier une solution provisoire à la délicate question du statut de ce territoire qui alimente depuis des années les tensions entre le Liban, Israël et la Syrie ; Israël enfin, qui a su dépasser ses réticences traditionnelles en acceptant que la sécurité de sa frontière nord soit en partie garantie par la force de l'ONU.
Cette nouvelle force internationale sera renforcée dans ses moyens et ses effectifs. Dans la zone tampon entre le Litani et la Ligne bleue, sa mission sera notamment d'aider l'armée libanaise à s'assurer qu'aucun élément armé - milices ou forces israéliennes - ne soit présent.
Cela revient à dire que ce sont l'armée et le gouvernement libanais qui devront s'assurer, en particulier, du désarmement du Hezbollah, tâche hautement délicate au vu des déclarations récentes de certains de ses responsables. Même s'il devait prendre la forme de l'intégration du mouvement dans l'armée libanaise, ce désarmement prendra du temps et ne pourra résulter que du dialogue politique interlibanais. Autant de raisons pour reconnaître la fragilité du processus.
Dans un tel contexte, l'engagement de la France, à hauteur de 2 000 militaires, dans cette FINUL renforcée justifiait évidemment que la Force puisse s'appuyer sur des règles d'engagement robustes et claires, qui permettent l'efficacité de la mission, d'une part, et la protection des troupes, d'autre part. C'est ce que la France a légitimement exigé et heureusement obtenu. Puisse d'ailleurs ce précédent faire jurisprudence pour d'autres opérations avec des Casques bleus, dans cette région ou ailleurs dans le monde. De telles garanties conditionnent la crédibilité de l'ONU et de l'action multilatérale pour la paix.
Qu'il me soit permis, à cet instant, de souhaiter que, dans quelques semaines, lors de notre discussion budgétaire, et dans quelques mois, lors de la campagne électorale, on se souvienne de notre débat d'aujourd'hui. Qu'on se rappelle que nos armées, pour pouvoir assurer correctement les missions de paix qu'on leur confie, ne doivent pas se voir sans cesse contester les moyens nécessaires