Intervention de François Zocchetto

Réunion du 12 septembre 2006 à 16h00
Situation au proche-orient — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 12 juillet 2006, soit quinze ans après la fin d'une guerre qui avait failli réduire à néant le Liban et fait près de 150 000 victimes, en grande majorité civiles, Israël lançait subitement une action militaire de grande ampleur sur le Liban.

Cette action avait pour but de détruire le Hezbollah, l'organisation islamiste dont l'attitude avait conduit à l'explosion du conflit.

Aux termes d'une intervention militaire musclée, la résolution 1701, dans la rédaction de laquelle la France a joué un rôle important, a été adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Celle-ci demandait un cessez-le-feu immédiat, le respect de la souveraineté du Liban et le respect des résolutions antérieures. Je pense notamment à la résolution 1559, qui comportait deux parties, prévoyant, d'une part, le retrait des forces étrangères du Liban - on pense à la Syrie, cela a été réalisé - et, d'autre part, le démantèlement des forces armées non gouvernementales, notamment le Hezbollah, armé et soutenu financièrement par l'Iran et la Syrie. Vous le savez, cette deuxième partie du dispositif n'a jamais été appliquée.

Au-delà du dénouement consacré par la résolution onusienne, la communauté internationale, dont nombre de Français, s'est émue et a parfois été révoltée par les conséquences désastreuses de cette guerre, qui a laissé exsangue une partie du territoire du Liban, pour un résultat malheureusement fort contesté, le Hezbollah en étant sorti renforcé et légitimé aux yeux de certains.

La position de la France, il faut l'avouer, n'était pas simple, car notre pays est lié de façon extrêmement forte, et pour des raisons différentes, bien entendu, à chacun des protagonistes.

Nous avons en effet une responsabilité forte envers nos amis libanais, en particulier du fait des actions que, dans le passé, nous avons assumées dans la région. Nous avons également une dette imprescriptible envers Israël et son peuple. Enfin, nous avons aussi - faut-il le rappeler ? - un devoir envers le peuple palestinien, qui devrait enfin pouvoir retrouver sa souveraineté dans un État lui-même libre et souverain, pour le développement humain de sa population, qui se trouve aujourd'hui dans une situation de très grande précarité, soit sur le territoire de l'Autorité palestinienne, soit dans d'autres pays, comme le Liban ou la Jordanie, pour ne citer qu'eux.

Chacun ici le sait, l'apaisement durable de la situation au Proche-Orient ne se fera pas sans un règlement de la question palestinienne, qui est aujourd'hui au coeur de tous les maux de cette région. Cette question est en effet le catalyseur de toute la haine des fanatiques contre Israël. Elle est aussi l'expression même du conflit israélo-arabe, qui a fait depuis bien trop longtemps du Liban sa caisse de résonance, au prix de milliers de vies humaines innocentes.

Historiquement, la France s'est battue pour que le Liban soit un État indépendant, surmontant ainsi deux difficultés de taille : la « grande Syrie », d'un côté, l'éclatement communautaire, de l'autre. Tout au long du XXe siècle, et encore aujourd'hui, la France a cherché à garantir l'indépendance de ce pays, la paix sur le sol libanais, ainsi que la cohésion d'une société multiculturelle et multiconfessionnelle. Elle l'a lourdement payé, vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, avec, en 1981, l'assassinat de Louis Delamare, notre ambassadeur, et l'attentat qui, en 1983, devait coûter la vie à 58 parachutistes français.

Nous ne pouvons que saluer le rôle positif que le Président de la République a joué dans l'arrêt des hostilités et dans la négociation de la résolution à l'ONU, tout comme nous pouvons saluer l'engagement important de la France au sein de la FINUL.

Mais je n'aurais garde d'oublier toutes ces Françaises et tous ces Français, les bénévoles et les personnels des deux ministères des affaires étrangères et de la défense, qui ont participé à l'évacuation de ressortissants français et étrangers ainsi qu'à l'acheminement de l'aide humanitaire, et ce malgré l'hostilité manifeste du Hezbollah et, parfois - il faut le dire -, de l'armée israélienne. Ces personnes ont en effet mis leur vie en danger.

Dans ce contexte, je ferai trois brèves remarques.

Tout d'abord, nous n'avons pu que constater avec regret, une fois de plus, l'absence de l'Europe dans la résolution du conflit. Même si, historiquement, tous les pays européens n'ont pas la même responsabilité dans cette zone, nous sommes tous concernés par la paix dans une région dont un embrassement général compromettrait de façon extrêmement dangereuse une paix durable dans le monde.

Cette absence de coordination européenne s'est vue au niveau diplomatique. Si l'Europe avait parlé d'une seule voix, n'en déplaise à M. Tony Blair, un cessez-le-feu serait peut-être intervenu plus tôt. Nous aurions alors pu intervenir plus efficacement au secours des populations déplacées.

Au niveau militaire, l'absence de coordination européenne a conduit à la confusion que nous avons connue à l'occasion de la constitution de la FINUL renforcée et de l'engagement des troupes de plusieurs pays européens au sein de cette force. Ne serait-il pas plus efficace, pour régler ce genre de conflit, de créer une force européenne à vocation d'abord humanitaire, mais aussi militaire, qui interviendrait notamment dans le cadre de missions d'interposition ? Nous devons, plus que jamais, y travailler, et de façon urgente.

Ensuite, monsieur le Premier ministre, au moment de la constitution de la FINUL renforcée, le Président de la République avait marqué ses réserves quant à l'engagement de la France, tant le mandat confié à cette force était peu lisible. Les garanties offertes à nos soldats n'étaient en effet pas suffisantes. Je rappelle que la FINUL doit assurer la sécurisation et la pacification au Sud-Liban et fournir une assistance à l'armée régulière du Liban, qui est chargée en premier lieu du désarmement du Hezbollah.

Cette mission de stabilisation est essentielle, mais les risques pour nos soldats sont importants. Nous avons donc le devoir, nous, parlementaires, de leur assurer des moyens de défense suffisants, je dirai des moyens tout courts, conformément à ce que ne manquera pas de nous proposer le Gouvernement.

Les priorités sont bien sûr de garantir le contrôle sur le Sud-Liban, mais aussi la sécurité d'Israël. Pour cela, il faut rétablir la souveraineté de l'État libanais. Il faut renforcer l'armée libanaise, qui, pendant de trop nombreuses années, a laissé le champ libre à la milice du Hezbollah, alors que celle-ci doit être désarmée sans conditions.

De la même façon, nous devons, comme nous nous y sommes engagés à l'occasion de la conférence de Stockholm, le 31 août dernier, aider à la reconstruction du Liban. Nous ne saurions passer sous silence le fait que les frappes israéliennes ont anéanti ce que quinze ans de paix fragile avaient permis de reconstruire : le tissu économique, les infrastructures, notamment les raffineries, dont l'explosion constitue un drame écologique majeur pour la région, tout comme la marée noire qu'elle a provoquée. Plus généralement, nous devons aider les Libanais, notamment la diaspora, à retrouver confiance dans leur pays.

Enfin, ma dernière remarque portera sur l'Iran, singulièrement la gestion du dossier par le Gouvernement dans la région. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, là est sans doute la source sinon de notre désaccord, du moins de nos interrogations.

Quel ne fut pas en effet notre étonnement de voir M. le ministre des affaires étrangères assis à la table des discussions avec le président iranien, considéré à l'occasion comme un acteur de la stabilité et de la paix dans le monde !

Le régime iranien est dangereux pour Israël, dangereux pour la paix dans la région, dangereux pour la paix dans le monde. Le discours du président iranien, fondamentaliste et anti-israélien, est intolérable, car il nourrit et galvanise les terroristes chiites, et même ceux d'autres confessions.

Concernant le dossier du nucléaire, nous pensons que, bien que la voie diplomatique doive être privilégiée, nous ne pouvons pas laisser l'Iran se doter de la technologie nucléaire à des fins militaires. En effet, nous avons aujourd'hui, nous, les pays qui intervenons dans cette crise du Proche-Orient, une immense responsabilité devant l'humanité entière.

Or, depuis l'intervention américaine en Irak, le constat, qui était évident pour nous, comme vous l'aviez si brillamment exposé, monsieur le Premier ministre, il y a quelque temps, est aujourd'hui partagé par la communauté internationale.

Le terrorisme ne peut pas être combattu efficacement par la seule guerre. La guerre en Irak a laissé à l'Iran la voie libre pour imposer sa domination sur la région. L'Irak est devenu le théâtre quotidien d'attentats sanglants, constituant un terreau fertile supplémentaire pour le terrorisme et une mise en scène permanente de la haine des fondamentalistes musulmans contre l'Occident. Je reprendrai volontiers à mon compte votre propos, monsieur le Premier ministre : la violence nourrit la violence.

Encore une fois, la guerre n'est pas notre seule arme contre le terrorisme, elle doit rester un ultime recours. N'oublions pas que l'aide au développement - plus modeste, plus silencieuse, plus linéaire, sans doute - est un facteur essentiel dans ce combat, en particulier afin d'assurer la sécurité de populations qui sont, en fait, prises en otages par des régimes criminels ou par des groupes de fanatiques armés.

Dans ce contexte, en tant que représentants de la France, nous avons le devoir d'agir pour la paix et la stabilité au Moyen-Orient, et donc pour la paix et la stabilité dans le monde, dans le respect de la souveraineté et de l'identité de chacun.

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