Nous avons attendu que les conditions très fermes que nous avions posées soient remplies pour augmenter les effectifs. Au demeurant, les pays, notamment l'Italie, l'Espagne et la Suède, qui, à la même date, annonçaient l'envoi de leurs contingents posaient les mêmes conditions que nous, mais peut-être pas aussi ouvertement. Lorsque nous avons obtenu satisfaction sur ces différents points, lesdits pays ont immédiatement confirmé le déploiement de leurs forces, ce qu'ils n'avaient pas fait quelques jours auparavant.
Nous avons exigé que notre mission soit très précisément définie, car nous refusons d'envoyer des hommes avec pour seule consigne de se référer à une résolution qui, par nature, demeure relativement floue. Un militaire sur le terrain a besoin de savoir très exactement ce qui lui est demandé.
Aujourd'hui, la mission est explicite, à la fois « positivement » et « négativement » : nous savons ce que nous ferons et ce que nous ne ferons pas. Ainsi, nos forces assureront le soutien de l'armée libanaise, mais elles n'auront pour fonction ni de désarmer le Hezbollah ni de surveiller la frontière syrienne.
Par ailleurs, nous avons effectivement accepté de prendre en charge la mission confiée à la force navale transitoire, en attendant que les Allemands prennent la relève. Notre tâche a été facilitée, car une frégate de la force Baliste était déjà sur place ; celle-ci se consacre à la zone des 6-12 milles nautiques des eaux territoriales libanaises.
Nous avons également insisté sur l'importance de la chaîne de commandement, qui doit garantir et l'efficacité de l'opération et la sécurité des forces engagées. Plusieurs d'entre vous ont, à juste titre, rappelé les catastrophes qui ont, pour certaines, occasionné la mort de plusieurs dizaines de nos militaires. L'une des causes était justement le trop grand flou dans ce domaine, et c'est précisément ce que nous ne voulons plus.
Nous avons obtenu satisfaction auprès du Département des opérations de maintien de la paix. En temps habituel, il ne possède pas de cellule qui soit consacrée à la conduite d'une seule opération, puisqu'une soixantaine d'officiers suivent simultanément les dix-sept opérations onusiennes. Or, aujourd'hui, il existe bien une cellule spécifiquement dédiée à l'opération au Liban.
De la même façon, nous voulions que des consignes explicites soient données pour le cas où nos forces seraient au contact d'éléments s'apprêtant à faire usage de leurs armes. Eh bien ! la force létale devient un moyen d'action possible pour la FINUL : nos militaires auront le droit de tirer à balles réelles s'ils sont attaqués, ce qui n'est pas l'usage dans les règles de fonctionnement normal de l'ONU.
Par ailleurs, il est impensable que des militaires chargés d'une mission soient empêchés d'aller en patrouille tout simplement parce que des personnes se mettent en travers de leur route. Tel ne sera pas le cas au Liban : la FINUL pourra se déplacer librement dans sa zone d'opération sans être bloquée et faire usage de toute la force nécessaire à la réalisation de sa mission.
Monsieur Zocchetto, nous avons exigé la plus grande sécurité pour nos militaires. Le résultat des négociations me semble conforme à nos voeux. De plus, nous disposons d'une force de réserve, sous le commandement du général Pellegrini, qui est capable de réagir rapidement face à toute dégradation des conditions de sécurité. Le premier bataillon français en fera d'ailleurs partie.
Pour des raisons à la fois psychologiques et d'efficacité, nous voulions ne pas être les seuls à participer à cette opération : nous souhaitions que le plus grand nombre de pays, européens ou non, y prennent part. De ce point de vue également, nous sommes très satisfaits des contributions annoncées, en particulier au niveau de nos partenaires européens. Nous désirons que certains pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU annoncent également quelle sera leur contribution et précisent la forme qu'elle prendra.
Tous ces éléments sont très importants, notamment au regard des enjeux de l'opération ; ceux-ci sont au nombre de trois.
Le premier enjeu, c'est, bien entendu, la souveraineté du Liban. Or il n'y a pas d'État souverain lorsque l'armée de cet État n'est pas la seule en mesure de détenir la force sur l'ensemble du territoire. Nous nous réjouissons que, pour la première fois depuis quarante ans, l'armée libanaise puisse se déployer dans le sud du pays.
Le Liban doit également se reconstruire. Une nouvelle fois, me direz-vous ! Effectivement, une telle situation s'est déjà produite trop souvent. Mais nous savons que les Libanais en ont la volonté, qu'ils en sont capables, et la communauté internationale doit leur apporter son aide.
Le deuxième enjeu, c'est la stabilité de tout le Moyen-Orient. En effet, s'il n'y a pas au Liban une zone de paix et de stabilité, il n'y en aura pas ailleurs. À l'évidence, l'amélioration de la situation dans ce pays ne réglera pas tous les problèmes du Moyen-Orient. En tout état de cause, si nous n'intervenons pas au Liban, cette zone deviendra l'une des plus dangereuses et explosives, monsieur Mauroy. Car c'est aussi de la lutte contre le terrorisme qu'il s'agit. Or cette lutte pour notre protection passe non seulement par des actions directes, comme en Afghanistan, mais aussi par la solution apportée à des crises, dont certaines, nous le savons très bien, servent de prétexte au développement du terrorisme.
La question du terrorisme ne se règlera pas simplement par les armes : il faut développer chez les peuples un sentiment de justice, notamment en favorisant l'essor économique.
Je souhaite donc que tous soient davantage mobilisés non seulement au Liban, mais également dans toutes les « zones grises » où prospèrent les conditions du terrorisme. Pour ce faire, nos partenaires européens doivent se mobiliser et consacrer les moyens financiers nécessaires afin que leur pays puisse réellement contribuer à l'élaboration de la défense européenne.
Madame Kammermann, l'action que nous allons mener au Liban coûtera environ 120 millions d'euros au budget de la défense ; il convient de distinguer le coût de l'opération Baliste et celui du renforcement de la FINUL. Nous espérons que cet engagement financier donnera lieu à quelques remboursements de la part de l'ONU.
Je suis bien consciente que ces fonds proviennent de la nation française et que nous devons en être économes. Mais ce n'est pas considérable lorsqu'il s'agit de protéger ceux qui ont subi les effets de la guerre et ceux qui sont exposés au risque terroriste. Nous savons tous, au lendemain de l'anniversaire du 11 septembre, ce que signifie cette menace.
Tout cela justifie que nous soyons encore plus reconnaissants à nos militaires des risques qu'ils prennent au nom de la France et pour la paix.