Intervention de Philippe Douste-Blazy

Réunion du 12 septembre 2006 à 16h00
Situation au proche-orient — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous apporter, après le Premier ministre et le ministre de la défense, quelques précisions sur la situation au Liban.

Je tiens tout d'abord à remercier les orateurs qui se sont exprimés au nom de l'amitié franco-libanaise, et au premier rang M. Gouteyron, président du groupe d'amitié.

J'ai également été très sensible aux remerciements que vous avez tous adressés à nos personnels. Effectivement, ceux-ci ont travaillé tout l'été, que ce soit à Beyrouth, à Nicosie, ou encore à Tel-Aviv, car lors du blocus imposé par Israël au Liban, nous avions besoin de communiquer avec les autorités israéliennes afin de sécuriser les « corridors humanitaires ».

Pour être bref, je dirai que nous cherchons à atteindre quatre objectifs.

Notre premier objectif est évidemment de consolider le cessez-le-feu qui a été rendu possible par la résolution 1701, votée à l'unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies dans la nuit du 11 au 12 août dernier, à New York. La diplomatie s'est mobilisée pour faire voter cette résolution. Il faut maintenant qu'elle s'engage à la faire respecter sur le terrain.

Aujourd'hui, les hostilités ont cessé, mais je tiens à insister sur l'importance de la levée du blocus israélien, aérien et maritime, au Liban, à la fin de la semaine dernière, ce qui représente une application très importante de la résolution 1701. Mais la situation reste très fragile.

Il faut donc consolider ces acquis en progressant sur les autres volets de ladite résolution, ce qui passe par la poursuite du fameux « double mouvement », à savoir le déploiement de l'armée libanaise au sud du pays et le retrait israélien, avec une FINUL renforcée. Cela est en bonne voie. Mais cette consolidation passe aussi par l'achèvement du retrait des troupes israéliennes au sud de la « ligne bleue ». Je suis sûr que celui-ci pourra être réalisé rapidement.

Le deuxième objectif concerne le processus politique : le Président de la République l'a toujours dit, la moindre présence d'une force multinationale sur le terrain est impossible sans processus politique.

Ce processus politique est inscrit dans la résolution 1701 Il concerne, bien évidemment, le sort des prisonniers libanais retenus en Israël, la libération immédiate et sans condition des deux prisonniers israéliens, la question des fermes de Chebaa, ce problème étant inscrit pour la première fois, noir sur blanc, dans une résolution des Nations unies, et le désarmement du Hezbollah, sur lequel je reviendrai. C'est le plan en sept points du gouvernement de Fouad Signora qui a été repris.

Cela implique également une lecture très attentive du rapport qu'établira le secrétaire général des Nations unies après la longue tournée qu'il va effectuer dans la région.

Le troisième objectif, c'est la reconstruction du Liban. Lors de la conférence de Stockholm, 940 millions de dollars ont été annoncés à cette fin, dont 40 millions d'euros pour la France.

Pour autant, nous réfléchissons déjà, avec les autorités libanaises, à la reconstruction du Liban sur le long terme ; une réunion sur ce thème pourrait se tenir à Beyrouth, si les conditions sont favorables, ou à Paris.

Le Premier ministre a chargé M. Jean-Pierre Jouyet, chef de l'Inspection des finances, d'une mission interministérielle sur ce sujet. Celui-ci vient de se rendre au Liban pour procéder à une première évaluation de la situation et des besoins du pays dans les différents domaines liés à la reconstruction.

Permettez-moi de formuler une remarque : s'il faut financer la reconstruction du Liban, la France, l'Union européenne et la communauté internationale seront présentes. Mais nous aimerions, je le dis à titre personnel, que les pays du Golfe soient également présents.

Le quatrième objectif dépasse le cadre du Liban puisqu'il concerne l'émergence d'une solution globale au Proche-Orient, évoquée par MM. Bret, Gouteyron et Mauroy.

Le conflit au Liban a permis de mettre en relief l'imbrication des crises qui existent au Moyen-Orient et, notamment, le conflit israélo-palestinien, qui est la clef de toutes ces crises. Il n'y aura jamais de stabilité dans cette région tant que le conflit israélo-palestinien ne sera pas réglé. Or celui-ci, comme le conflit israélo-libanais, ne peut recevoir de solution militaire. Il est donc urgent de créer les conditions d'une relance des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Différentes initiatives ont été prises. Ainsi, la Ligue arabe a proposé que le Conseil de sécurité ouvre la voie à une résolution permettant de relancer le processus de paix. L'Égypte a, quant à elle, suggéré au Conseil de sécurité d'organiser une discussion entre les deux parties.

Il faut cependant rester prudent, car la pire des choses serait une division de la communauté internationale sur ce sujet au sein du Conseil de sécurité. Malheureusement, nous avons assisté à des échecs successifs au cours des dernières années.

Le Président de la République a proposé une voie qui, une fois de plus, devrait être suivie par la communauté internationale : demander au Quartet de donner une nouvelle impulsion à la relance du processus de paix. Cette proposition sera débattue lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, où je me rendrai la semaine prochaine aux côtés du Président de la République.

Dans ce contexte, l'annonce par le président Mahmoud Abbas de la mise en place, tant attendue, d'un gouvernement d'union nationale représente une évolution importante pour la région, car elle peut permettre de sortir de l'impasse dans laquelle se trouvait le processus de paix depuis les élections générales palestiniennes et la victoire du Hamas.

La communauté internationale espère ainsi faire admettre à l'ensemble des Palestiniens trois principes : la reconnaissance d'Israël, celle des accords signés entre Israël et l'OLP et, comme l'a dit le président de la commission des affaires étrangères du Sénat à plusieurs reprises, au cours de cette année, le renoncement explicite et public à la violence.

Je compte me rendre très prochainement - probablement vendredi, samedi et dimanche prochain - dans les territoires palestiniens et en Israël pour faire le point de la situation avec les principaux acteurs du processus de paix.

En conclusion, permettez-moi de revenir sur deux sujets qui ont été abondamment évoqués par les orateurs : d'une part, le Hezbollah et, d'autre part, le rôle joué par les pays limitrophes du Liban, c'est-à-dire l'Iran et la Syrie.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Pierre Mauroy, se sont interrogés à propos du désarmement du Hezbollah. Le désarmement de toutes les milices, y compris du Hezbollah, est prévu dans la résolution 1701 ; celle-ci tient compte des accords de Tahef et fait mention de la résolution 1559 des Nations unies visant le désarmement de toutes les milices, donc le Hezbollah.

Tel est l'objectif non seulement de la communauté internationale, mais aussi, et surtout, des Libanais, qui ont engagé un dialogue national au début de l'année, lequel doit se poursuivre.

On me dit souvent que je serais naïf de croire au désarmement du Hezbollah. Or la solution purement militaire n'est pas possible ; nous avons pu le constater avec Israël, qui connaît mieux que personne chaque mètre carré du Sud-Liban.

La seule solution, c'est celle qui a été retenue le 16 août au soir, lorsque l'ensemble du conseil des ministres libanais a approuvé la résolution 1701, qui prévoit le désarmement du Hezbollah. Or des ministres présents étaient proches du Hezbollah. L'unique possibilité, c'est de faire passer le Hezbollah de sa condition de milice armée à celle de parti politique. C'est tout l'enjeu, c'est tout l'espoir de la diplomatie française, derrière le Président de la République.

Le dialogue national qui a été engagé permet de mener une réflexion sur la stratégie du gouvernement libanais en matière de défense nationale et d'organisation de l'armée libanaise. Comme plusieurs d'entre vous l'ont dit, en particulier M. Gouteyron, ce qui est en cause, c'est la souveraineté libanaise. Or il n'y a pas de souveraineté d'un pays sans armée. Ce sont les Libanais qui devront décider de la manière de conduire à bon port le désarmement des milices. Le conflit l'a montré, nous ne trouverons d'issue à cette situation que par la voie du dialogue.

Enfin, nous attendons une pleine contribution des pays de la région à la mise en oeuvre de la résolution 1701. Toute violation de cette résolution risquerait de compromettre le cessez-le-feu, donc la recherche d'une solution durable. Parmi ses dispositions figure l'embargo sur les armes. Je peux comprendre les Israéliens, qui ne voulaient pas lever le blocus tant qu'ils n'étaient pas sûrs de la mise en place d'un embargo sur la livraison d'armes.

J'en viens à l'Iran et à la Syrie. Comme l'a rappelé M. Vinçon, l'Iran aspire à se voir reconnaître un rôle régional de premier plan. Nous devons, M. le Premier ministre l'a souligné, l'encourager par le dialogue à assumer ses responsabilités en agissant en faveur de la stabilité.

Nous serons vigilants et attentifs aux gestes que feront les autorités de Téhéran pour faire baisser la tension au Liban, comme dans le reste de la région. Ce sera l'occasion de mesurer la volonté de l'Iran de jouer à l'avenir un rôle constructif dans la recherche de la paix.

Évidemment, nous avons pris connaissance du rapport de M. El Baradei, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui indique que l'Iran ne joue pas le jeu : aujourd'hui, l'Iran n'est pas en conformité avec la résolution 1696 votée par le Conseil de sécurité le 31 juillet dernier, résolution qui oblige ce pays à suspendre ses activités d'enrichissement de l'uranium.

À ceux qui parlent de l'esprit de Münich, à ceux qui souhaitent une confrontation, je dirai que, jusqu'au dernier moment, il faudra que la France et les amis de la France continuent à croire au dialogue, car le choc des civilisations, qui oppose, d'un côté, l'Orient et, de l'autre, l'Occident, serait dramatique pour l'ensemble de la planète. Tendons la main à l'Iran pendant qu'il en est encore temps et demandons-lui de savoir raison garder.

Monsieur Zocchetto, je n'ai pas rencontré le Président iranien, mais je me suis entretenu avec le ministre iranien des affaires étrangères à Beyrouth. Permettez-moi de trouver votre propos paradoxal : vous doutez du bien-fondé du dialogue et de la diplomatie en Iran au moment même où vous soulignez qu'aucune solution militaire ne peut régler le problème du Moyen-Orient. Nous n'y parviendrons que par le dialogue !

Madame Voynet, la France a soutenu, à plusieurs reprises, la proposition du président égyptien, M. Moubarak, visant à préserver le Moyen-Orient d'armes de destruction massive.

S'agissant de la Syrie, l'expérience conduit à la vigilance. Les autorités de Damas doivent respecter les règles du jeu fixées par la communauté internationale.

Nous avons fait voter, à l'unanimité, la résolution 1595, y compris par la Ligue arabe, qui était présente au Conseil de sécurité. Il faut que la Syrie respecte cette résolution, qui a créé une commission d'enquête internationale sur l'assassinat de députés, de journalistes, de civils et du Premier ministre Rafic Hariri. Cela vaut également pour les résolutions 1701 et 1550.

Comme l'a dit le Président de la République, le retour de la Syrie dans le concert des nations ne pourra intervenir que si celle-ci remplit les obligations internationales qui s'imposent à elle comme aux autres pays.

En situation de crise, lorsqu'on voit clair au départ, on est suivi par les autres. Or je pense que le Président de la République a vu clair dans cette crise dès le début, et ce pour l'unique raison qu'il s'est situé dans la droite ligne du respect des principes universels de notre pays : le respect de la souveraineté des peuples, le respect de la souveraineté territoriale d'un pays et le respect de l'indépendance nationale. De plus, le Liban est un ami de toujours.

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