Je passe sur l’attitude des États-Unis, dont le gouvernement, entre le département d’État et le Pentagone, a paru pour le moins partagé et dont le président vient de rappeler que l’engagement restera limité. La responsabilité de la France et celle de la Grande-Bretagne n’en sont que plus grandes. Connaissant votre attachement à cette relation franco-britannique, je suis sûr que vous saurez peser pour que cet axe se maintienne.
Je ne dirai rien de la prise de position du secrétaire général de la Ligue arabe, qui, le 20 mars, a condamné des frappes sur des cibles militaires qu’il paraissait avoir approuvées la veille. Ses propos ont, paraît-il, été mal interprétés. Je m’en réjouis, mais tout cela montre quand même que le terrain n’est pas extrêmement solide.
Monsieur le Premier ministre, ce contexte international doit rester présent à notre esprit.
Bien entendu, les frappes en Libye ne doivent concerner que des cibles militaires et en aucun cas des infrastructures civiles. De surcroît, il faut éviter les dommages collatéraux sur les civils – je reprends l’expression de M. Jean-Louis Carrère –, d’autant plus que c’est la condition de la réussite politique. Civils de tous bords, car la « responsabilité de protéger » est globale et concerne tous les Libyens, comme il est rappelé dans le préambule de la résolution : « réitérant la responsabilité des autorités libyennes de protéger la population libyenne, réaffirmant que les parties au conflit armé ont la responsabilité primordiale de prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection des civils ». J’arrête là ma citation. Elle a tout de même le mérite de la clarté.
À ce stade, deux hypothèses peuvent être formulées : ou bien le régime du colonel Kadhafi s’effondre sous la pression de la contestation populaire et sous le poids de ses propres contradictions. Cette issue est hautement souhaitable. C’est un vœu que vient de réitérer le Président Obama, mais ce n’est qu’un vœu, car cet objectif ne figure pas dans la résolution 1973. On ne peut interpréter l’expression « user de tous les moyens nécessaires » au-delà de ce qu’implique l’objectif de protection des civils, par exemple pour une politique de « regime change », comme disent les Anglo-Saxons, ou de changement de régime, pour ceux qui ne parlent pas l’anglais !