Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 3 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 38

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Pour notre part, nous ne nous faisons pas d'illusions : vos mesures sont calibrées trop largement et leur financement est trop important. Si le dispositif fonctionne, ce que nous souhaitons sincèrement dans l'intérêt des personnes en difficulté, vous ne pourrez pas faire face à toutes les dépenses.

Nous n'excluons pas, si le nombre de radiations de l'ANPE connaît une forte accélération et que les emplois précaires connaissent un développement exponentiel, que l'on nous dise bientôt que la loi de programmation contient des mesures trop larges.

C'est une hypothèse assez crédible. Mais ce n'est pas la seule.

Le précédent gouvernement donnait le sentiment de fonder beaucoup d'espoirs sur le choc démographique à venir. En un mot, les enfants du baby boom de l'après-guerre partant à la retraite devaient libérer des postes pour des classes d'âge beaucoup moins nombreuses ; le problème devait se régler ainsi tout seul.

On estime en effet à 630 000 le nombre de départs annuels à partir de 2006. Il en résulte que le nombre d'actifs, qui s'élève actuellement à 26, 8 millions, cessera d'augmenter à partir de 2015.

Cette thèse simpliste, qui est finalement celle du laisser-faire, est tout à fait à sa place dans un contexte libéral : la nature et le marché vont tout régler !

Malheureusement, les économistes et les démographes, vous le savez comme nous, jettent une douche froide sur cette vision optimiste.

Plusieurs éléments sont à l'oeuvre. Tout d'abord, les entreprises vont chercher des gains de productivité, ce qui ne se traduira pas par des créations d'emplois, mais seulement par celle d'emplois précaires, emplois auxquels votre texte ouvre largement la porte, grâce notamment au contrat initiative emploi, le CIE, au contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, le CI-RMA ou aux dispositions prévues à l'article 37.

En ce qui concerne la population, l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, note que l'inversion démographique des prochaines années risque de se traduire, après une courte baisse du chômage, par un ralentissement de l'activité, de moindres investissements et une remontée du chômage par la suite.

Il n'y a pas de fatalité, mais une véritable incertitude. Ce texte sonne déjà comme un aveu d'échec par rapport à la politique du « tout au secteur marchand » de votre prédécesseur. Mais il reflète aussi le retour brutal à la réalité, la prise de conscience que le chômage ne va pas disparaître, sauf à réussir l'improbable exploit, dans le contexte économique mondial actuel, d'une croissance à 3 % !

Je rappelle à cet égard que, même dans la conjoncture plus porteuse des années 1998 et 1999, il avait fallu faire appel aux emplois aidés, notamment aux emplois-jeunes, pour tirer un bénéfice social de la croissance et l'enrichir en emplois, selon la formule consacrée.

Est-ce finalement ce que vous espérez faire, monsieur le ministre, mais à moindres frais bien sûr et en développant l'emploi précaire ? Est-ce la raison des sommes considérables que vous prétendez engager pour les contrats emploi solidarité nouvelle formule, les actions d'insertion, les emplois destinés aux allocataires de minima sociaux ? Sommes-nous déjà dans la situation d'urgence d'une campagne électorale qui exigerait que, par tous les moyens possibles, l'on occupe tous les demandeurs d'emploi et l'on vide les statistiques du chômage et de l'exclusion ?

Si tant est que la programmation soit une procédure crédible et que nous retrouvions les montants indiqués dès le projet de loi de finances pour 2005, les chiffres que vous nous proposez sont le reflet de votre virage à cent quatre-vingt degrés par rapport au gouvernement précédent. Ils sont aussi la traduction budgétaire de ce que nous évoquions au début de la discussion : le tri des chômeurs que vous vous apprêtez à confier aux maisons de l'emploi et aux intervenants privés entre les employables et les personnes en difficulté, qui seront gérées par le secteur de l'insertion.

Cet article 38, lorsque l'on ne se laisse pas étourdir par les chiffres, est révélateur d'une politique qui ne cède rien en matière de libéralisme.

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