Intervention de Alain Juppé

Réunion du 22 mars 2011 à 15h15
Situation en libye — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Alain Juppé, ministre d'État :

Ce n’est pas exact, madame Voynet : des contacts ont été pris, les décisions ont été mûrement réfléchies, et ce n’est pas parce qu’un certain vertige médiatique, né sous l’impulsion de tels ou tels spécialistes de la chose, s’est manifesté qu’il faut parler d’improvisation !

Le Président de la République a reçu les responsables du Conseil national de transition, entretien auquel il était prévu que j’assiste ; étant à Bruxelles, je n’ai pas pu le faire, mais j’ai reçu moi-même ces responsables dans l’après-midi.

C’est donc en toute connaissance de cause que nous avons procédé à cette reconnaissance politique qui, dès le lendemain, le vendredi 11 mars, a été validée par l’ensemble de nos partenaires européens, puisque, dans la déclaration du sommet exceptionnel sur la Libye, figure une phrase dans laquelle le Conseil national de transition est salué comme l’interlocuteur politique valable pour l’Union européenne.

On a par ailleurs reproché à ce conseil de compter dans ses rangs d’anciens ministres du général Kadhafi. Pour ma part, je ne connais pas de révolution où, dans un premier temps, les révolutionnaires n’aient pas été un tant soit peu impliqués dans le régime qui a précédé… Cela a été vrai pour la Révolution française, dans une première étape de son déroulement et, plus généralement, pour toutes les révolutions, y compris à l’Est.

N’utilisons donc pas cet argument pour discréditer le Conseil national de transition. Aujourd’hui, je ne connais pas d’autre interlocuteur qui se soit organisé et manifesté.

« Qui sont ces gens ? », m’a-t-il été demandé à Bruxelles. Eh bien, ces gens, ce sont tout simplement tous ceux qui soutiennent les Libyens en train de se battre pour leur liberté, et pour leur survie à Benghazi, et je crois que nous avons intérêt à continuer à travailler avec eux.

Une troisième question importante, et même décisive, a été plusieurs fois abordée, celle de la chaîne de commandement de l’opération.

La France, dès le départ, a affiché clairement la couleur.

L’OTAN n’est pas l’organisation la mieux appropriée pour piloter politiquement une opération de ce type dans un pays arabe, comme l’a encore redit aujourd'hui la Ligue arabe dans sa réunion du Caire.

Pour nous, l’articulation des responsabilités est claire : c’est une opération sous mandat des Nations unies mise en œuvre par une coalition d’États, qui ne sont pas tous membres de l’OTAN, comme c’est, que je sache, le cas du Qatar et des Émirats arabes unis. Ce sont donc l’ONU et la coalition qui assurent le pilotage politique de l’opération.

Naturellement, à un certain stade, nous aurons besoin de nous appuyer sur la force de planification et sur les capacités opérationnelles de l’OTAN, mais le leadership politique ne sera pas exercé à ce niveau-là.

D’ailleurs, mon homologue britannique William Hague et moi-même sommes en train de constituer un groupe de pilotage politique, dont le nom n’est pas encore déterminé. Ce groupe devrait se réunir cette semaine à Bruxelles, à Londres ou à Paris. Il devrait regrouper les pays intervenant dans l’opération ainsi que des pays arabes, et pourquoi pas des pays africains, ce qui devrait démontrer que la stratégie politique est bien développée à cet échelon-là. Ensuite, je le répète, l’OTAN interviendra en tant que force de planification ou avec ses capacités opérationnelles.

La quatrième question évoquée porte sur le risque d’enlisement. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aimeriez sans doute que je vous indique dès aujourd’hui la suite des opérations. Vous comprendrez bien que je sois dans l’incapacité en cet instant de répondre à cette attente, faute d’éléments.

En tout cas, nous ne voulons pas nous engager dans une action de longue durée. L’opération aérienne sera limitée dans le temps. Nos amis américains ont déjà fait savoir que telle était leur intention. Nous sommes exactement sur la même ligne.

À plusieurs reprises a été posée la question d’une intervention au sol. Elle me surprend beaucoup. En effet, la résolution 1973 du Conseil de sécurité est absolument formelle : il n’y aura pas d’intervention au sol et pas d’occupation de la Libye. L’opération en cours s’inscrit dans ce cadre-là et ne va pas au-delà.

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