Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 17 décembre 2004 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2004 — Discussion d'un projet de loi

Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, ma présence parmi vous aujourd'hui, à l'occasion de l'examen par votre assemblée du projet de loi de finances rectificative pour 2004, ne s'inscrit pas dans les usages qui veulent que le ministre délégué au budget en soit chargé. C'est donc, en toute logique, Jean-François Copé, que je suis heureux d'avoir à mes côtés et qui vous présentera tout à l'heure les détails de ce projet de loi.

Si j'ai tenu à venir devant vous ce matin, c'est pour deux raisons.

D'une part, je voudrais revenir brièvement sur l'adoption hier soir par votre assemblée d'un complément à la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, portant sur les éventuels surplus de recettes. C'est, en effet, un sujet qui me paraît exemplaire de la bonne gouvernance des finances publiques que nous souhaitons, avec Jean-François Copé, adopter.

D'autre part, je souhaite profiter de cette occasion pour partager avec vous à la fois ma lecture du contexte économique, en revenant en particulier sur les indicateurs les plus récents, et le cadre dans lequel, avec l'ensemble de mes ministres délégués, j'entends inscrire mon action.

Nous le savons, la bataille de l'emploi se gagnera par la croissance. Cette croissance, nous l'avons retrouvée en 2004, même si l'INSEE parle d'une « reprise bousculée » pour la fin de cette année.

Bien sûr, vous le savez comme moi, prévoir la croissance est un art difficile. Néanmoins, je crois que nous avons de vraies raisons de garder confiance dans les perspectives économiques pour 2005.

Cette année, en effet, nous avons vu repartir la consommation et les investissements. La consommation devrait croître d'au moins 2 % en 2004 en France, soit deux fois plus que dans le reste de l'Europe. Les investissements se sont nettement redressés : près de 3 % de hausse cette année pour l'ensemble des entreprises d'après les dernières estimations de l'INSEE, ce qui représente en réalité une hausse de 5 % en valeur pour les investissements de la seule industrie.

Les derniers indicateurs témoignent ainsi d'un rebond très sensible de la croissance en fin d'année, après le trou d'air enregistré cet été. Les dernières prévisions de l'INSEE et de la Banque de France font respectivement état d'une augmentation de la croissance de 0, 6 % et de 0, 8 % au quatrième trimestre. Compte tenu de ce rebond et du grand nombre de jours travaillés cette année, la croissance devrait bien avoisiner 2, 5 % sur l'ensemble de l'année 2004.

Cet acquis de l'année 2004, c'est la première dynamique qui fonde notre confiance pour l'année qui vient. Pour autant, je ne mésestime en rien les risques extérieurs qui pèsent sur l'économie de notre pays.

Aujourd'hui, le premier risque, c'est le dollar. Nous devons gérer ce risque ensemble avec nos partenaires européens pour agir plus efficacement à l'échelle mondiale. La prochaine échéance importante sera la réunion du G7 en février prochain. Car toute solution ne pourra venir que des deux rives de l'Atlantique, en coopération avec l'Asie. C'est ce à quoi nous travaillons.

Le second risque, qui constitue mon autre sujet de vigilance, reste le prix du pétrole. L'accalmie récente qui a vu le prix du baril revenir à des niveaux proches des prévisions inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005, c'est-à-dire 36, 5 dollars, reste toutefois fragile et ne doit pas nous conduire à l'inaction. C'est pourquoi nous devons relancer activement les économies d'énergie et, parallèlement, le développement des énergies renouvelables, comme le Gouvernement s'y est déjà engagé.

Mais, si nous sommes confiants pour 2005, c'est aussi parce que le Gouvernement s'est employé à soutenir la consommation et l'investissement depuis deux ans : la forte revalorisation du SMIC - une augmentation de 5, 8 % en juillet 2004 pour le SMIC horaire, après celle de 5, 3 % en juillet 2003 ; les mesures récentes en faveur des donations et du déblocage des fonds d'épargne salariale ; la baisse des prix dans la grande distribution qu'il convient de conforter.

Ces mesures ont déjà commencé à porter leurs fruits en 2004 et devraient continuer de le faire dans les prochains mois. C'est ce que laisse anticiper le rebond de la consommation à l'oeuvre en cette fin d'année qui enregistre une hausse de 0, 6 % au quatrième trimestre.

Si l'on ajoute à cela les bénéfices des mesures adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005 - je pense notamment à la réforme des droits de succession et à la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés -, je crois que notre objectif de croissance de 2, 5 % pour 2005 reste à notre portée, si les tensions récentes sur le prix du pétrole et le dollar s'atténuent.

Au-delà de ce panorama rapide de la conjoncture économique dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances rectificative pour 2004, je souhaite vous présenter brièvement le cadre général qui guidera mon action à la tête du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et qui fondera les mesures que je vous présenterai dans quelques semaines.

Les objectifs et l'action du Gouvernement au service de l'emploi sont clairs.

Ce que nous voulons pour notre pays, c'est une croissance durable et riche en emplois. Au-delà des chiffres, ce qui importe, en effet, c'est bien le nombre de nos concitoyens qui auront trouvé ou retrouvé du travail dans les mois à venir. Nous le savons. Nous devons impérativement traiter le mal français du marché de l'emploi qui exclut de l'activité les seniors, les jeunes et nos concitoyens les moins qualifiés.

Je souhaite donc que la stratégie économique sur laquelle je fonderai mon action repose sur trois piliers.

Premier pilier : la mobilisation pour l'emploi. Depuis 2002, le Gouvernement a beaucoup oeuvré pour lever les contraintes inutiles et revaloriser le travail. Surtout, dans le prolongement du plan de cohésion sociale et des mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005, le Premier ministre vient d'engager, la semaine dernière, une nouvelle étape dans cette lutte pour l'emploi avec le « contrat 2005 ».

Vous le savez, ce qui est proposé par Jean-Pierre Raffarin sur les 35 heures est considérable pour dynamiser l'emploi. Car un des éléments clés de la croissance de demain, c'est bien de permettre aujourd'hui aux Français qui le souhaitent d'innover, de prendre des risques, de travailler plus et de gagner davantage. C'est ce que permettront les accords sur le temps choisi présentés par Jean-Pierre Raffarin et dont la mise en oeuvre redonnera du pouvoir d'achat aux Français et relancera la consommation.

Pour ma part, j'entends bien utiliser tous les leviers possibles pour tirer parti des importants gisements d'emplois identifiés par de nombreux rapports. A nous maintenant de les mettre en oeuvre !

Deuxième pilier : l'insertion de notre pays dans une compétition internationale de l'intelligence. Aujourd'hui, partout dans le monde, de jeunes économies, bouillonnantes d'idées, de projets, affichent d'insolentes performances de croissance.

C'est un vrai défi pour d'anciennes nations industrielles comme les nôtres que de tenir leur rang dans la compétition internationale de l'intelligence.

Soyons clairs, la chance d'une ancienne nation, c'est de ne pas partir de rien.

La France a accumulé des atouts et des capitaux dont nous devons absolument tirer un meilleur parti : un extraordinaire capital humain, des infrastructures de qualité, des formations d'excellence, des laboratoires de recherche.

Quand je parle de capital humain, je pense non seulement à ces chercheurs d'exception, tels Laurent Lafforgue, mathématicien, médaille Fields 2002, et Albert Fert, physicien, médaille d'or du CNRS 2004, mais aussi aux équipes de l'Institut de recherche pour le développement qui travaillent sur l'efficacité des trithérapies géniques, espoir de la lutte contre le sida en Afrique.

Notre responsabilité, en association avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, est d'assurer que ce gisement de matière grise, constitué au fil des décennies, soit mobilisé au mieux, avec nos voisins européens.

Nous devons concevoir une stratégie industrielle renouvelée, capable de créer durablement des emplois et de relever le défi de la mutation du paysage productif international.

Je m'en suis entretenu, dès mon arrivée, avec Jean-Louis Beffa qui doit remettre dans les semaines à venir un rapport au Président de la République.

Il est nécessaire de permettre aux recherches tant publique que privée d'accentuer leurs efforts et de mieux travailler ensemble.

Vous le savez, les brevets doivent être moins taxés pour encourager nos laboratoires. Nous travaillons avec vous sur ce point. Dès 2005, nous ferons passer le taux d'imposition de 19 % à 15 %, soit près d'un quart de prélèvements en moins. Cette mesure, qui devrait redonner de l'air aux entreprises innovantes, est un geste fort pour favoriser l'implantation sur notre sol de centres de recherche et de développement. C'est un objectif stratégique essentiel.

Troisième pilier de mon action, enfin : concilier le soutien à la croissance et l'assainissement des finances publiques.

Pierre Mendès France le disait d'une formule : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent. »

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, malgré les efforts engagés par le Gouvernement depuis deux ans et demi, la situation de nos finances publiques est un combat de chaque jour.

Les chiffres ne sont que trop connus : 1000 milliards d'euros de dette publique, soit près de 16 000 euros pour chaque Français, soit plus d'un an de SMIC !

Réduire la dette et les déficits n'est pas une obsession purement comptable. C'est la condition première pour rétablir la confiance de nos concitoyens dans leur avenir et dans celui de leur nation. C'est le bon sens.

Le désendettement doit donc être une priorité.

A cette fin, je continuerai les opérations de cession d'actifs de l'Etat et nous utiliserons prioritairement les produits de ces cessions pour désendetter l'Etat, comme nous venons de le faire dans le cadre de la nouvelle opération de cession d'une partie du capital d'Air France.

Il faut aussi adopter une gestion active du patrimoine de l'Etat.

Assainir durablement nos finances publiques, c'est aussi et avant tout maîtriser la dépense publique.

Chaque année, nous dépensons ainsi près de 100 milliards d'euros de plus que la moyenne des pays européens. C'est pourquoi la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat se poursuivra ces prochaines années.

Nous ne transigerons pas, Jean-François Copé et moi-même, sur l'objectif de ramener le déficit des comptes publics sous la barre des 3 %.

Nous venons de recevoir de la part de la Commission un geste de confiance fort avec la suspension de la procédure pour déficit excessif. Cette confiance n'est en rien une incitation au laxisme.

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