J'en viens, mes chers collègues, au contexte économique.
La commission des finances avait salué le principe de précaution mis en oeuvre par Francis Mer et Alain Lambert pour l'appréciation du taux de croissance prévisionnel comme - c'est au moins aussi important, messieurs les ministres - pour la fixation prévisionnelle du coefficient d'élasticité des recettes fiscales par rapport à la croissance.
Volontairement, un coefficient bas avait été retenu, et c'est dans une large mesure ce qui nous permet aujourd'hui d'engranger des plus-values fiscales.
Pour l'année 2005, j'estime depuis le début du processus budgétaire, et j'ai eu l'occasion de le dire à maintes reprises à l'ancien ministre d'Etat et à l'ancien secrétaire d'Etat, que l'on ne s'est pas astreint au même principe de précaution.
Certes, escompter un taux de croissance de 2, 5 % était tout à fait défendable l'été dernier, mais on eût quand même été bien inspiré de se fonder sur un taux moindre, car on eût alors été contraint de définir des enveloppes de dépenses plus basses.
Je souscris à ce que j'ai entendu tout à l'heure à propos de la future gestion budgétaire des programmes.
Ce serait une bonne chose, messieurs les ministres, mes chers collègues, qu'au moment de l'élaboration du projet de loi de finances deux parts soient distinguées, l'une ferme, l'autre optionnelle.
Depuis plusieurs années déjà, nous disons que c'est dans cet ordre qu'il faut traiter la question, certes irritante, certes désagréable, mais nécessaire, des gels et annulations de crédits. Plutôt que d'accorder aux ministres dépensiers des enveloppes qui sont réduites ou en partie gelées presque dès le 1er janvier, mieux vaudrait, psychologiquement et réellement, prévoir des enveloppes fermes auxquelles s'ajouteraient des enveloppes conditionnelles si le taux de croissance et l'élasticité des recettes fiscales dépassaient certains caps.
Cela pourrait revenir au même, mais serait, à mon avis, beaucoup mieux vécu, car l'ensemble des acteurs des finances publiques et du jeu économique seraient ainsi associés à la tenue des objectifs et les ministres dépensiers aussi bien que ceux de Bercy seraient en quelque sorte intéressés à la bonne marche de la politique économique et à l'atteinte des objectifs du Gouvernement en termes d'économie, de finances publiques, d'investissement et d'emploi.
A la vérité, nos doutes sur la conjoncture sont partagés, parce que nous sommes dans un monde ouvert. Si l'on est optimiste, on se dit que la France se porte mieux que l'Allemagne et, si l'on est pessimiste, on se dit qu'elle se porte moins bien que la Grande-Bretagne. C'est cette situation intermédiaire qui mérite aujourd'hui d'être mise en valeur.
Nos amis allemands ont adopté fin novembre un collectif budgétaire qui prévoit un déficit fédéral de 43, 5 milliards d'euros. Soit dit en passant, c'est moins que notre propre déficit, qui est un peu inférieur à 45 milliards d'euros pour l'année 2005, alors que l'on raisonne en fonction d'une population plus forte. Mais peu importe : le déficit fédéral est de 43, 5 milliards d'euros dans le collectif contre seulement 29, 3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances initial, ce qui traduit un très important dérapage des finances publiques de nos amis allemands.
Il ne faut pas s'en réjouir, car les difficultés économiques allemandes sont les nôtres et l'imbrication de nos économies est telle que nous ne sommes pas indemnes de ce qui affecte notre partenaire d'outre-Rhin.
Cependant, si l'on examine maintenant la Grande-Bretagne, on constate que son déficit pourrait, certes, dépasser 3 % du produit intérieur brut en 2004, mais que la croissance devrait, elle, atteindre, si je ne m'abuse, 3, 25 % en 2004, alors que beaucoup d'experts n'anticipaient qu'un taux de 2, 5 %.
Mes chers collègues, entre 3, 25 % et 2, 4 % ou 2, 5 % pour la France, le différentiel est tout de même particulièrement important !
J'en termine, si vous le voulez bien, par les questions de méthode législative.
Un collectif budgétaire « voiture-balai », dernier train des administrations qui viennent solliciter à la dernière minute leurs ministres en leur disant qu'il faut à toute force obtenir des autorisations du Parlement, sinon rien n'ira plus, est, c'est vrai, de très mauvaise méthode.
Bien des sujets abordés dans ce collectif auraient pu, monsieur le ministre, être traités en temps utile et sans précipitation si les administrations avaient bien voulu en saisir en temps utile leur propre ministre - je crois qu'il y a là d'abord une question d'autorité au sein de la machine gouvernementale - puis si le Gouvernement avait bien voulu saisir, en temps utile aussi, le Parlement - notamment les commissions des finances - pour lui permettre d'étudier les sujets au fond.
Ces articles divers - soixante dans le projet de loi initial, quarante-deux articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale -, nous allons les aborder, cela va de soi, monsieur le ministre, dans un esprit de confiance, mais aussi sans complaisance.