Et l'on ne saurait oublier qu'une part importante des crédits d'intervention est consacrée aujourd'hui à soutenir la poursuite des politiques de sous-rémunération des salariés du secteur privé, sous-rémunération qui revient bien souvent à ne pas reconnaître les qualifications réelles des salariés.
S'agissant de la consommation populaire, déterminante pour la croissance, comparons encore 1999 et 2004.
En 1999, le pouvoir d'achat et la consommation des ménages avaient progressé respectivement de 2, 8 % et 3, 2 %. Entre 1998 et 2002, le pouvoir d'achat a augmenté en moyenne de 2, 8 % par an pendant cinq ans : c'est la période pendant laquelle il a enregistré la plus forte et la plus longue hausse au cours des vingt-cinq dernières années.
Qu'en est-il en 2004 ? Après une stagnation en 2003, la consommation des ménages n'a augmenté que de 2, 4 % et le pouvoir d'achat de 1, 5 %. Encore faut-il préciser que ce sont là des moyennes : un examen plus attentif montre que le pouvoir d'achat qui a le plus progressé est celui des ménages les plus aisés, largement bénéficiaires des mesures fiscales dont le Gouvernement a pris l'initiative.
Pour ce qui est de l'investissement, autre composante de la croissance, la comparaison est également cruelle : 8, 2 % de hausse en 1999, 10, 2 % en 2000, contre seulement 2, 5 % en 2004 ! Pis, l'INSEE annonce un recul de l'investissement de 3 % en 2005, en décalage sensible par rapport à l'hypothèse qui a servi à la confection de la loi de finances 2005.
Enfin, venons-en au taux de chômage, préoccupation majeure de nos compatriotes. Il est passé de 11, 2 % de la population active à la fin du premier trimestre 1999 à 9, 8 % au premier trimestre 2000 ; il a donc enregistré une baisse de 13 %, avec une régression de vingt points du chômage des jeunes.
À l'inverse, le taux de chômage ne diminue pas depuis un an ; il reste à un niveau proche de 10 %, 9, 9 % exactement en octobre 2004. De surcroît, le chômage des jeunes a de nouveau augmenté de 2, 4 % en un an, sous les effets de la liquidation du dispositif emplois-jeunes et de l'inefficacité des dispositifs de substitution que vous avez validés depuis 2002 !
Dans le même temps, l'exclusion continue, dans notre pays, de gagner du terrain. Ainsi, alors qu'à partir de 1999, et pour la première fois depuis la création du RMI, le nombre d'allocataires avait diminué, il a augmenté de 5 % en 2003, pour atteindre à nouveau le chiffre de 1 million. Selon une étude récente du ministère de l'emploi, de juin 2002 à juin 2004, l'augmentation a été supérieure à 10 %.
Tels sont donc les effets de la politique que vous avez menée depuis deux ans et demi.
Les mauvais résultats économiques se retrouvent malheureusement dans nos comptes publics, qui ont tous « viré au rouge » depuis juin 2002.
En 1999, pour la première fois depuis vingt ans, le solde primaire des comptes publics était positif, permettant la réduction du poids de la dette publique. Ainsi, la dette était passée de 59, 3 % du PIB en 1997 à 56, 8 % en 2001. Au contraire, après avoir terminé l'année 2002 à 58, 8 %, vous allez allègrement franchir la barre des 65 % en 2005, soit huit points de PIB de plus qu'en 2002 !
Mais revenons à l'exécution du budget 2004, que retrace ce projet de loi de finances rectificative.
Relevons d'abord un paradoxe : l'année 2004 sera bien meilleure que ce qui était prévu dans le projet de loi de finances initiale et, pourtant, la croissance ne profite à personne. Pourquoi ?
Le collectif pour 2004 montre bien que le Gouvernement n'a pas su tirer parti du retour, réel bien que tardif, de la croissance. Ce projet de loi n'apporte en effet aucun infléchissement à la politique économique et fiscale, malgré les résultats que je viens de rappeler. S'il faut vous en croire, il suffisait de baisser l'imposition des plus aisés pour libérer les énergies comprimées, d'alléger les contraintes pesant sur les entreprises pour permettre au pays de retrouver une forte croissance.
On l'a vu, la baisse ciblée des impôts des plus aisés n'a pas eu les effets escomptés sur la consommation. Elle ne masque surtout pas l'accroissement des prélèvements sociaux sur les salaires et pensions, la hausse continue des tarifs publics, la dégradation de la qualité des prestations sociales dont souffrent les ménages les plus modestes depuis l'adoption de la réforme des retraites, de celle de l'assurance maladie ou de la loi sur les responsabilités locales, laquelle a surtout consisté à transférer des charges nouvelles aux collectivités locales sans que soient dans le même temps accordés les moyens propres à les compenser.
Je l'ai dit, la croissance sera, en 2004, légèrement supérieure à ce qui avait été prévu lors de l'élaboration du projet de loi de finances. Toutefois, la tendance lourde est préoccupante : le ralentissement est de plus en plus perceptible et la fin de la discussion de la loi de finances 2005 a montré à l'envi que les hypothèses de croissance retenues pour la « construire » étaient parfaitement irréalistes.
Le retour d'une croissance molle est sans effet positif pour les Français, qui ne voient pas leur situation s'améliorer. Quant à l'effet sur les comptes publics, il est quasi inexistant.
Car lorsque le déficit du budget de l'État se réduit, passant de 3, 7 % à 3, 2 % du PIB, grâce aux rentrées fiscales supplémentaires, le déficit public demeure stable, à 3, 6 % du PIB, compte tenu de la dégradation importante des comptes sociaux. Le petit moins sur le déficit de l'État, c'est le petit plus sur le déficit des comptes sociaux !
Le déficit de la sécurité sociale, affiché à 0, 5 % du PIB, s'élèvera, en fait, à 0, 8 % du PIB.