Intervention de Dominique Perben

Réunion du 9 février 2005 à 15h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion d'une proposition de loi

Dominique Perben, garde des sceaux :

La présente proposition de loi qui comprend trois séries de dispositions.

Les premiers articles de la proposition de loi sont relatifs à la récidive, à la réitération et au sursis.

L'article 1er, qui est accepté par votre commission, étend les cas dans lesquels certains délits, notamment parce qu'ils sont accompagnés de violences, doivent être assimilés au regard des règles de la récidive.

L'article 2 vise à inscrire dans notre code pénal la notion de réitération, distincte des notions d'« infraction en concours » ou d'« infraction en récidive » et qui n'existe pour l'instant qu'en « creux » dans notre droit, afin d'en préciser les conséquences juridiques.

Votre commission des lois propose d'alléger la rédaction de cet article, certaines phrases lui paraissant ambiguës ou inutiles. Je suis certain qu'une rédaction consensuelle pourra aisément être trouvée lors de la navette parlementaire.

L'article 3 limite le nombre de sursis avec mise à l'épreuve dont peut bénéficier un récidiviste. Il est en effet choquant qu'un multirécidiviste puisse éternellement bénéficier du sursis avec mise à l'épreuve, alors même qu'en matière de sursis simple s'applique la règle « sursis sur sursis ne vaut ».

Je me félicite que cette disposition importante de la proposition de loi recueille l'accord de votre commission.

De même, est très opportun l'article 6, qui permet au tribunal de relever lui-même l'état de récidive, dans le respect du caractère contradictoire des débats et des droits de la défense. Là encore, votre commission des lois est favorable à cette disposition.

L'article 4 prévoit que, pour certains délits de violences ou d'agressions sexuelles commis en récidive, la délivrance d'un mandat de dépôt est obligatoire, sauf décision motivée du tribunal.

Votre commission des lois propose d'étendre cette disposition à tous les cas de récidive délictuelle. Elle prévoit que le tribunal pourra délivrer un tel mandat sans motivation, mais elle ne lui impose plus de motiver l'absence de mandat.

Même si je comprends parfaitement la position de votre commission, il faut reconnaître que l'idée d'une incarcération immédiate - sauf disposition contraire de la juridiction - des récidivistes de faits de violences ou d'agressions sexuelles est en cohérence forte avec la volonté de lutter contre la récidive. C'est pourquoi je ne puis être favorable à l'amendement de votre commission.

L'article 5, qui vise à réduire le crédit de réduction de peine dont peuvent bénéficier les récidivistes, ne recueille pas l'accord de votre commission des lois. Il est pourtant traditionnel que le régime d'exécution de peine d'un récidiviste soit plus sévère. Dès lors, je ne suis pas favorable à la suppression de cet article, et il appartiendra à la navette de trancher ce différend.

La deuxième série des dispositions de la proposition de lois concerne la création du placement sous surveillance électronique mobile.

Réservé aux infractions les plus graves et devant être spécialement prononcé par les juridictions, ce placement paraît sans doute répondre à un besoin.

Toutefois, j'avais indiqué devant l'Assemblée nationale que ces dispositions particulièrement complexes et novatrices devraient être améliorées au cours de la navette afin de renforcer à la fois la cohérence juridique et l'efficacité du dispositif.

C'est dans cet esprit que le Premier ministre a confié, à ma demande, à M. le député Georges Fenech une mission d'information sur le placement sous surveillance électronique mobile, mission qui devra donner lieu au dépôt d'un rapport avant la fin de la présente session.

La commission des lois propose de supprimer les articles de la proposition de loi visant à créer ce placement au motif qu'il lui semble prématuré de les adopter. Sa position doit évidemment être appréciée au vu de l'existence de cette mission, qui permettra au Parlement d'être mieux éclairé au cours des prochains mois.

Au demeurant, ces réticences doivent être relativisées puisque votre commission propose que le placement sous surveillance électronique mobile puisse intervenir dans le cadre de la libération conditionnelle.

C'est pourquoi, s'agissant de ces amendements, je m'en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.

La troisième série des dispositions de la proposition de loi concerne le suivi socio-judiciaire et les irresponsables pénaux.

Nul ne conteste, me semble-t-il, la nécessité d'améliorer les dispositions relatives au suivi socio-judiciaire, qui est encore insuffisamment mis en oeuvre alors qu'il constitue un outil particulièrement utile pour lutter contre la récidive des criminels sexuels.

Il est notamment justifié, comme le prévoit l'article 13 de la proposition de loi, de permettre à des psychologues de participer au traitement des condamnés.

Je suis, par ailleurs, favorable aux deux propositions de votre commission en la matière. La première vise à étendre le champ du suivi socio-judiciaire aux actes de tortures ou de barbarie, ce qui est très opportun. La seconde prévoit de donner une base légale et réglementaire aux traitements inhibiteurs de la libido dont l'efficacité aura été démontrée, ce qui permettra de prendre en compte les résultats d'une prochaine expérimentation en la matière.

J'en termine par la question complexe des personnes déclarées pénalement irresponsables, en raison d'un trouble mental, alors qu'elles ont commis un crime ou un délit et qu'elles sont susceptibles de présenter une dangerosité potentielle très importante, comme nous le rappelle malheureusement l'actualité la plus récente.

Faut-il inscrire ces personnes dans un fichier, et spécialement dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles ? L'Assemblée nationale a répondu par l'affirmative. Votre commission a un avis différent. Je crois, quant à moi, que la réflexion doit se poursuivre, au vu notamment des conclusions du groupe de travail interministériel présidé par l'ancien procureur général près la Cour de cassation, M. Burgelin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise est, je le crois, pragmatique et équilibrée. Elle accroît la sévérité de notre droit dans les situations qui le justifient tout en respectant les principes et traditions juridiques qui sont les nôtres.

Le message, adressé par le législateur aux juridictions en matière de lutte contre la récidive gagne, me semble-t-il, en clarté. II n'est plus dit que le récidiviste peut être sanctionné plus sévèrement, mais que le récidiviste doit être sanctionné avec une plus grande fermeté.

Toutefois, en fonction des circonstances de l'espèce, c'est au seul juge d'apprécier, dans des limites, à la fois plus précises et suffisamment souples, fixées par la loi, la peine la plus adaptée pour réprimer plus fermement le récidiviste dans les conditions les mieux à même d'éviter une nouvelle récidive.

Il me semble que vous tous ici ne pouvez que partager cet objectif et les moyens proposés pour y parvenir. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, ainsi qu'à de nombreux amendements de votre commission des lois.

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