Intervention de François Zocchetto

Réunion du 9 février 2005 à 15h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion d'une proposition de loi

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales adoptée par l'Assemblée nationale le 16 décembre dernier.

Voilà dix ans, notre ancien collègue M. Guy-Pierre Cabanel remettait au Gouvernement un rapport intitulé « Pour une meilleure prévention de la récidive », qui comportait vingt propositions et préconisait plus particulièrement l'institution d'un placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des courtes peines privatives de liberté.

Ce bracelet électronique « première manière » a été consacré dans la loi du 19 décembre 1997, qui a résulté d'une initiative sénatoriale.

Le 4 mars 2004, la commission des lois de l'Assemblée nationale constituait une mission d'information - son président et son rapporteur étaient respectivement MM. Pascal Clément et Gérard Léonard - qui était consacrée au traitement de la récidive des infractions pénales. En juillet dernier, cette mission a présenté vingt propositions. La présente proposition de loi reprend les recommandations qui revêtent un caractère législatif, notamment la plus novatrice d'entre elles, à savoir le placement sous surveillance électronique mobile, à titre de mesure de sûreté, pour les auteurs des infractions sexuelles les plus graves.

Ce parallèle entre deux initiatives parlementaires permet de souligner la volonté commune de la représentation nationale de mieux lutter contre la récidive, même si les approches des deux chambres ne se confondent pas.

En 1994, soucieux de prévenir les conséquences criminogènes de l'incarcération, le Sénat avait privilégié un dispositif destiné à s'assurer du contrôle du condamné, tout en évitant la rupture des liens familiaux ou la perte d'un emploi.

Le placement sous surveillance électronique mobile tel qu'il est aujourd'hui proposé par l'Assemblée nationale se distingue, à deux titres, de l'actuel bracelet électronique fixe que nous connaissons déjà : il s'appliquerait d'abord aux condamnés qui ont purgé leur peine ; il reposerait ensuite sur la technique du GPS, susceptible d'assurer un contrôle « en continu » du délinquant.

Si la commission des lois souscrit à l'objectif d'une répression plus rigoureuse des récidives, elle s'est néanmoins interrogée sur plusieurs des dispositions adoptées par les députés et elle vous proposera, en conséquence, de modifier pour une part importante le texte qui vous est soumis.

Avant de présenter la position de la commission, il me semble nécessaire de rappeler et la réalité que recouvre la notion de récidive en matière pénale.

Les principes qui régissent la récidive dans notre droit s'inspirent de l'adage latin bien connu errare humanum est, perseverare diabolicum. La récidive ne se confond pas avec toute répétition d'infractions. Elle répond à des conditions précises, définies aux articles 132-8 et suivants du code pénal.

L'état de récidive légale suppose, d'une part, une condamnation définitive - c'est le premier terme de la récidive - et, d'autre part, une infraction commise ultérieurement - c'est le second terme de la récidive.

La première condamnation doit être pénale, définitive, toujours existante et, enfin, prononcée par un tribunal français.

Le second terme de la récidive, constitué par la nouvelle infraction, répond à des conditions différentes selon qu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure à dix ans.

Dans ce dernier cas, pour qu'il y ait récidive légale, le délit doit avoir été commis dans un délai inférieur à cinq ans et être identique ou assimilé par la loi à la première infraction commise.

Lorsque la récidive légale est constatée, l'auteur de l'infraction encourt le doublement de la peine prévue par le code pénal.

Ainsi définie, la récidive se distingue du concours d'infractions, qui vise plusieurs infractions entre lesquelles n'est pas intervenu un jugement définitif ; dans ce cas, les peines peuvent se cumuler dans la limite du maximum légal de la peine la plus sévère.

La récidive se distingue également de la réitération d'infractions, qui concerne des infractions ayant fait l'objet de condamnations définitives sans que les conditions de la récidive légale soient réunies. Dans cette hypothèse, chaque infraction est traitée individuellement, sans aggravation du plafond de la peine.

Il est essentiel de bien faire la distinction entre récidive, d'une part, et réitération et concours d'infractions, d'autre part, de manière à éviter que certains jugements soient mal compris dans l'opinion publique.

L'aggravation de la peine encourue pour la récidive légale se traduit dans la pratique judiciaire moins par un allongement de la peine prononcée que par la condamnation à une peine d'emprisonnement ferme. Le juge n'est d'ailleurs pas toujours en mesure de relever l'état de récidive légale, faute de disposer des informations nécessaires dans le casier judiciaire, compte tenu du délai de dix mois existant en moyenne entre le prononcé d'un jugement et son inscription dans le casier.

Les données issues du casier judiciaire font apparaître un taux de récidive légale limité pour les condamnations délictuelles. Je vous surprendrai peut-être, mes chers collègues, mais ce taux était, en 2002, de 5, 3 % en matière délictuelle et de 2, 6 % en matière criminelle.

Cependant, la notion statistique de « recondamnation », qui concerne le nombre de personnes faisant l'objet d'une nouvelle condamnation dans un délai déterminé, permet une approche moins juridique et beaucoup plus réaliste de ce phénomène.

Ainsi, sur la base d'une étude qui a permis de suivre jusqu'en 2000 des personnes qui ont été condamnées en 1996, il est possible de dresser quatre constats.

Premièrement, la probabilité d'une nouvelle condamnation apparaît élevée : un tiers des personnes condamnées en 1996 ont fait l'objet d'une nouvelle condamnation dans les cinq années qui ont suivi. Et cette proportion atteint 45 % pour les mineurs, ce qui ne manque pas de retenir l'attention.

Deuxièmement, la nouvelle infraction présente souvent des similitudes avec la précédente : 41 % des personnes condamnées reproduisent une infraction de même nature. La part des nouvelles condamnations pour une deuxième infraction à caractère sexuel n'apparaît, en revanche, pas particulièrement élevée puisqu'elle n'est que de 1, 3 % ; ce pourcentage va donc à l'encontre d'une idée reçue.

Troisièmement, le délai qui sépare le prononcé d'une condamnation et la commission de la nouvelle infraction est en moyenne de quinze mois, ce qui signifie que la récidive se fait assez rapidement.

Enfin, quatrièmement, le taux de retour devant la justice des personnes qui ont déjà été condamnées à une peine d'emprisonnement ferme dépasse 55 %. En d'autres termes, lorsqu'on a fait l'objet d'un emprisonnement, on risque malheureusement beaucoup plus de commettre de nouvelles infractions et d'être à nouveau condamné.

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