Hélas, il n'existe pas d'explications simples à un phénomène qui est d'une grande complexité.
Le fait de persévérer dans la délinquance peut être associé à certains troubles de comportement, s'agissant notamment des auteurs d'infractions sexuelles, qui représentent désormais entre 20 % et 25 % de la population pénitentiaire. La commission regrette que, à l'issue de leur détention, ces personnes ne fassent pas l'objet, faute de moyens suffisants, du suivi nécessaire. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.
En outre, le caractère dissuasif du système répressif souffre des difficultés d'exécution de la sanction pénale. Cette situation trouve en particulier son illustration dans le fait que les obligations du sursis avec mise à l'épreuve apparaissent parfois comme assez théoriques. En effet, de nombreux magistrats nous ont expliqué qu'ils prononçaient des sursis avec mise à l'épreuve, mais qu'ils ne se préoccupaient pas de l'obligation ; ainsi le sursis avec mise à l'épreuve se transforme en un sursis simple et l'objectif tendant à assurer un suivi du condamné après sa condamnation n'est pas atteint.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale comporte trois titres : le premier est consacré à la répression de la récidive, le deuxième, à la surveillance électronique mobile, le troisième, au suivi socio-judiciaire.
Le titre Ier de la proposition de loi prévoit une série de dispositions destinées à renforcer la répression de la récidive.
Il s'agit tout d'abord de l'extension des catégories de délits assimilés, au sens de la récidive légale, permettant le doublement des sanctions encourues.
Ainsi, la traite des êtres humains et le proxénétisme constitueraient une même infraction au regard de la récidive. J'aurais tendance à dire : comment n'y a-t-on pas pensé plus tôt ? En effet, de telles infractions méritent sans aucun doute une attention particulière au regard de la récidive. Or, aujourd'hui, le code pénal ne prévoit rien de ce point de vue !
De même, les infractions de violences volontaires aux personnes ou commises avec la circonstance aggravante de violence seraient assimilées et tomberaient ainsi dans le champ de la récidive légale.
L'article 2 de la proposition de loi tend à définir, à droit constant, la notion de réitération, dont l'interprétation est aujourd'hui parfois source de confusion.
L'article 3 prévoit de limiter à deux le nombre de sursis avec mise à l'épreuve susceptibles d'être prononcés à l'égard d'un prévenu en situation de récidive et à un seul sursis avec mise à l'épreuve lorsque la récidive concerne les crimes les plus graves.
L'article 4 permet l'incarcération dès le prononcé de la peine des condamnés en situation de récidive légale pour des infractions sexuelles ou des faits de violence volontaire ou commis avec la circonstance aggravante de violences, le tribunal conservant la faculté de ne pas délivrer le mandat de dépôt par une décision spécialement motivée.
L'article 5 limite le crédit de réductions de peine annuelles et mensuelles pour les détenus récidivistes.
Enfin, dans l'article 6, l'Assemblée nationale propose que le tribunal correctionnel puisse relever d'initiative l'état de récidive légale, sans l'accord du prévenu.
Le titre II de la proposition de loi aborde le thème du placement électronique mobile à titre de mesure de sûreté pour les auteurs des infractions sexuelles qui ont été punis à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans. Rappelons que, à la différence de l'actuel bracelet électronique fixe, qui constitue une mesure alternative à l'incarcération, ce dispositif tend à s'appliquer à des personnes ayant déjà purgé la totalité de leur peine.
Selon la proposition de loi, le placement serait décidé par la juridiction de jugement, mais il appartiendrait à la juridiction de l'application des peines de le mettre en oeuvre, après évaluation de la dangerosité de l'intéressé par une commission des mesures de sûreté.
Le placement sous surveillance électronique mobile pourrait être ordonné pour une durée de trois ans renouvelable en matière correctionnelle et de cinq ans renouvelable en matière criminelle. La durée totale du placement ne pourrait excéder vingt ans pour un délit et trente ans pour un crime.
J'ajoute que, selon l'article 16 de la proposition de loi, ce placement pourrait s'appliquer de manière rétroactive aux personnes déjà condamnées au moment de l'entrée en vigueur de la loi.
Enfin, dans son titre III, la proposition de loi prévoit plusieurs mesures nouvelles relatives au suivi socio-judiciaire.
Les mesures proposées à cet égard tendent d'abord à donner aux psychologues la possibilité de participer au dispositif de l'injonction de soins, dans le cadre du suivi socio-judiciaire. Est également prévu l'élargissement du fichier des auteurs d'infractions sexuelles - fichier que nous avons créé ici, au Sénat, par la loi du 9 mars 2004 - aux personnes déclarées pénalement irresponsables en raison de l'abolition de leur discernement, et ce quelle que soit par ailleurs l'infraction qu'elles seraient supposées avoir commise.
Quelle est la position de la commission des lois sur ce texte ? En cet instant, je la résumerai en disant qu'elle partage la volonté des députés de lutter plus efficacement contre la récidive, mais qu'elle a souhaité tenir compte des critiques formulées contre plusieurs des dispositions de la proposition de loi par un très grand nombre d'acteurs de l'institution judiciaire entendus au cours des auditions.
Tout d'abord, la commission souscrit à l'objectif d'une répression rigoureuse des récidivistes et elle approuve ainsi trois des articles adoptés par les députés, qu'elle vous propose d'entériner sans modification.
Il s'agit : de l'extension des délits assimilés au regard de l'application des règles de la récidive, à savoir la traite des êtres humains et le proxénétisme, d'une part, les violences volontaires, d'autre part ; de la limitation du nombre de condamnations assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve, ce qui consacre d'ailleurs complètement la pratique actuelle des magistrats ; de la faculté, pour la juridiction de jugement de relever l'état de récidive à l'audience, et il s'agit là, tout simplement, d'inscrire dans le code pénal la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
En revanche, la commission des lois s'est longuement interrogée sur le placement sous surveillance électronique mobile, sur la réalisation duquel pèsent plusieurs incertitudes.
Les premières sont d'ordre technique et financier.
Il convient tout d'abord de relever que la technique du GPS, sur laquelle reposerait ce système, dépend aujourd'hui du système satellitaire américain. Elle présente, à ce titre, des limites au regard des principes de confidentialité et d'indépendance dans le traitement des données concernant les personnes condamnées. Cela a été souligné par certains membres de la commission des lois, notamment par notre collègue président de la CNIL.
Par ailleurs, le coût de ce dispositif reste une inconnue, étant entendu, toutefois, que le projet devrait mobiliser des moyens humains importants, en particulier si le principe d'une surveillance continue devait être retenu. On dit souvent qu'il faudrait trois personnes à temps plein pour en surveiller une autre avec le système du GPS.
D'autres incertitudes, non moindres, sont d'ordre juridique.
Les procédures retenues par l'Assemblée nationale semblent très lourdes et très complexes. En tout état de cause, il aurait été préférable d'inscrire le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire.
Plus généralement, c'est la finalité du dispositif qui a suscité notre perplexité. L'effet préventif du bracelet électronique mobile demeure controversé. Selon certains psychiatres, il serait vraiment dissuasif. Pour d'autres, aucun dispositif, quel qu'il soit, ne saurait empêcher un déséquilibré de commettre une nouvelle infraction. Il serait donc utile d'évaluer l'impact possible de ce bracelet sur le comportement des délinquants sexuels.
En effet, nous avons affaire, en matière de crimes sexuels, d'actes de torture ou de barbarie, de meurtres particulièrement horribles, à des comportements par nature imprévisibles, caractérisés par des pulsions. Beaucoup de spécialistes, notamment des psychiatres, s'accordent à dire que ce n'est pas le port d'un bracelet qui empêchera la récidive.
En fait, la commission des lois considère que cette technique pourrait surtout être utilisée dans le cadre d'une enquête policière afin d'identifier, grâce à l'émetteur, l'auteur d'une infraction. Ce n'est pas rien ! Aussi une réflexion plus approfondie sur le placement sous surveillance électronique mobile demeure-t-elle nécessaire.
Au reste, le rapport de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'achevait par le souhait d'un « vaste débat national » sur le placement sous surveillance électronique mobile. L'Assemblée avait donc bien conscience qu'il était un peu prématuré d'envisager un tel dispositif.
Par ailleurs, notre collègue député M. Georges Fenech s'est vu confier par le Premier ministre une mission temporaire auprès du garde des sceaux afin d'étudier « la définition d'une procédure juridique organisant ce placement et précisant les modalités de son suivi ». Cette mission vise également à s'assurer de « la faisabilité et de la fiabilité technique du dispositif », à évaluer son coût dès à présent et à voir si des dispositifs analogues ont été mis en oeuvre à l'étranger.
La technique du bracelet électronique mobile existe, mais seulement à l'état d'expérimentation : dans l'Etat de Floride, aux Etats-Unis, et dans la région de Manchester, au Royaume Uni. Il serait sans doute très utile de tirer les leçons de telles expériences.
En outre, il convient de mentionner les travaux, actuellement en cours, de la commission santé-justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, ancien procureur général près la Cour de cassation. Ils apporteront également, d'ici un mois et demi ou deux, des éclairages très intéressants, en particulier sur les moyens de mieux prévenir le risque de récidive des personnes reconnues irresponsables sur le fondement de l'article 122-1 du code pénal.
Nombreux sont donc les travaux qui sont actuellement menés sur les sujets que nous abordons aujourd'hui.
Dans ces conditions, après un large échange de vues, la commission des lois a estimé à l'unanimité qu'il était prématuré de retenir le régime juridique prévu par les députés pour le placement sous surveillance électronique mobile. C'est pourquoi elle a déposé des amendements tendant à la suppression des articles 7 et 8, qui tendent à instituer le dispositif, ainsi que l'article 16, qui en prévoit la rétroactivité. Sur ce dernier point, tout le monde s'est accordé à considérer que ne pouvait subsister dans le texte une disposition qui est, par nature, anticonstitutionnelle.
A ce stade, l'intérêt éventuel de cette nouvelle technique pourrait être validé dans le cadre de la libération conditionnelle, étant rappelé que cela suppose l'accord du condamné. Nous ferions ainsi oeuvre utile puisque, je l'ai rappelé, les conditions de la récidive se trouvent plus facilement réunies lorsque la personne condamnée se retrouve, du jour au lendemain, dehors, sans logement, sans famille, sans environnement, c'est-à-dire en cas de sortie « sèche ». Permettons que, dans le cadre de ce que nous appelons le « sas de sortie », on puisse utiliser ce bracelet électronique mobile.
Je conclurai mes propos en évoquant les autres amendements de la commission.
Ils répondent à trois séries de considérations.
Tout d'abord, il convient de lever certaines ambiguïtés relatives à la notion de réitération, en simplifiant considérablement le texte de l'Assemblée.
Je vous proposerai par ailleurs, mes chers collègues, de préserver le principe de l'individualisation de la peine, en particulier dans la décision de décerner un mandat de dépôt à l'audience.
Enfin, je vous demanderai d'étendre le champ d'application du suivi socio-judiciaire et de renforcer l'efficacité de l'injonction de soins.
Sous réserve de ces modifications, qui transforment, certes, la physionomie du texte, la commission des lois vous invite à adopter la présente proposition de loi.