Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 9 février 2005 à 15h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nos collègues députés Pascal Clément et Gérard Léonard nous invitent à partager leurs certitudes.

Je ne ferai aucun procès d'intention et ne prétendrai pas que ce texte n'est motivé que par une volonté d'affichage. En effet, la situation actuelle est telle - je pense à l'émotion que suscitent en permanence dans l'opinion des crimes et des délits non sanctionnés - que nous pouvons comprendre leur démarche et, d'une certaine façon, y souscrire.

Le problème est réel : 20 % des peines ne sont pas exécutées ; on dénombre 30 % de récidivistes ; les travaux d'intérêt général ne sont souvent accomplis que très longtemps après le prononcé de la sanction.

Mais, à ces certitudes, il est possible d'opposer quelques réserves.

Le droit pénal est extrêmement délicat à manier : nous touchons là une matière très sensible, qui met en jeu des principes fondamentaux, notamment la liberté. Aussi mon approche sera-t-elle très nuancée : le groupe auquel j'appartiens cultive cette vertu, même si cela ne constitue toutefois pas un critère d'adhésion !

La nature des problèmes que pose ce texte diffère selon qu'il est question de l'aggravation des sanctions, du bracelet électronique - notre groupe a d'ailleurs été précurseur en la matière - ou du dispositif socio-judicaire.

Sur l'aggravation des peines, c'est-à-dire les délits assimilés, la commission des lois a adopté le dispositif proposé, auquel nous sommes à notre tour favorables. J'en profite pour rendre hommage à la qualité du travail accompli par la commission des lois, qui - et c'est bien là le rôle du Sénat - a tempéré l'ardeur quelque peu intempestive de l'Assemblée nationale, en apportant sérénité et calme au débat.

La commission des lois a clarifié la notion de réitération : dans sa rédaction initiale, si ma mémoire n'est pas défaillante, le texte contenait le mot « antécédents », qui pouvait prêter à interprétation. Il est apparu en outre que la réitération permettrait de prononcer des peines beaucoup plus lourdes que le concours réel d'infractions, qui entraîne une confusion des peines.

J'en viens au sursis avec mise à l'épreuve. Les différentes personnes entendues sur la question se sont accordées à reconnaître que cette mesure était peu efficace dans les faits : faute de moyens de contrôle, elle se réduit à un sursis simple. Il nous est proposé qu'après deux sursis avec mise à l'épreuve une condamnation ferme soit prononcée. Nous sommes favorables à ce dispositif et approuvons les observations formulées par la commission des lois à ce sujet.

Nous n'avons pas la même position à l'égard du mandat de dépôt obligatoire à l'audience, qui conduit en fait, si je puis dire, à renverser la charge de la preuve. En effet, il reviendrait désormais au magistrat de justifier l'absence de dépôt. Cette mesure troublerait, selon moi, l'ordre pénal. Je ne pense pas qu'il faille aller si loin car nous sommes dans l'improvisation complète.

Le procureur général de Paris, M. Jean-Louis Nadal, ne déclarait-il pas que la meilleure sanction est celle qui est le mieux adaptée à la gravité des faits et surtout à la personnalité du prévenu ? Le principe de l'individualisation de la peine doit donc être maintenu. Or, s'il était adopté, ce texte rétrécirait considérablement le champ d'action du juge en la matière.

Les orateurs précédents ont largement évoqué le problème du bracelet électronique, je ne m'y attarderai donc pas. Quelle est la situation actuelle ? Qu'apporte le nouveau bracelet électronique par rapport à l'ancien dispositif ? Ne risque-t-on pas de susciter des conflits entre la juridiction de jugement et la juridiction de l'application des peines ?

Des expériences ont actuellement lieu en Floride et à Manchester, ville que l'on salue d'habitude pour d'autres raisons !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion