Intervention de Richard Yung

Réunion du 9 février 2005 à 15h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Richard YungRichard Yung :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui concerne la récidive. Elle trouve son origine dans plusieurs études, dont celle de Jean-Luc Warsmann ou celle qu'a réalisée la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Elle vise à renforcer la répression de la récidive en partant de l'idée selon laquelle plus de sévérité empêchera les auteurs des délits et des crimes de repasser à l'acte.

Elle vise aussi à prévenir la récidive à travers le système de placement sous surveillance électronique mobile.

Je partage complètement ce dernier objectif : comment éviter, limiter ces récidives qui sont toujours un drame terrible pour les victimes et, dans le même temps, la marque d'un échec pour le juge et pour l'auteur de la récidive ?

L'opinion publique s'émeut rapidement, parfois de manière erronée, souvent avec justesse, et notre travail, qui n'est pas facile, est de lui montrer que la voie de la vengeance, le prix du sang, ne sont pas les réponses appropriées dans une société telle que la nôtre, qu'il faut rechercher des solutions adaptées, justes et sans compromis, mais aussi efficaces pour la société.

C'est pourquoi je souscris à la proposition d'étendre la définition des délits assimilés qui constituent la récidive, à savoir la traite d'êtres humains, le proxénétisme, la violence volontaire.

Nous ne pouvons passer outre une interrogation sur les causes et les conditions de la récidive. Qu'est-ce qui pousse une personne qui a déjà commis un premier, voire un deuxième ou un troisième crime, qui a été condamnée à ce titre, qui a purgé sa peine, à recommencer très rapidement ? Cela dépasse le bon sens.

De toute évidence, la peur de la peine encourue, même doublée, telle qu'elle est prévue par le code pénal, n'est pas suffisamment dissuasive. D'ailleurs, je ne crois pas que le cumul des peines sans limitation de quantum, tel que le présent texte le propose soit efficace. Le fait de pouvoir condamner un délinquant à soixante ans, quatre-vingt-dix ans ou cent vingt ans d'emprisonnement ne changera rien sur le fond. Il ne s'agit que d'un effet d'affichage qui correspond à une sorte d'américanisation de la société, comme on peut le voir à la télévision.

Les statistiques relatives au taux de récidive ne sont pas très claires. Celles que cite M. le rapporteur font état de 4 % à 5 % en matière de délits et de 2 % en matière de crimes. Ces taux, même s'ils sont inadmissibles, sont relativement faibles. Selon d'autres sources, la probabilité d'une nouvelle condamnation serait de l'ordre de 30 %.

Si nous avons déjà du mal à saisir et à mesurer l'ampleur de la récidive, comment en expliquer la permanence ? En fait, une partie significative des auteurs de ces actes de récidive souffrent de difficultés psychologiques graves et sont souvent, en même temps, physiquement atteints.

Malheureusement, tout le monde le sait, notre système carcéral surpeuplé, le manque d'unités de soins et de psychologues formés, la difficulté de trouver des psychologues qui acceptent d'assurer le suivi des condamnés libérés font de la prison une sorte de nef des fous pour lesquels l'espoir de guérison est faible.

Je ne crois pas à la mesure de la dangerosité du condamné par le juge de l'application des peines, car nous manquons - ce sont les professionnels qui le disent - de critères pour mesurer celle-ci.

S'il était possible de mesurer de façon exacte la dangerosité d'un condamné, la tâche serait évidemment considérablement facilitée, mais, même si c'était le cas, de nombreux condamnés sont en même temps des pervers ou des débiles et, pour eux, il n'existe pas de thérapies connues.

Alors que faire d'eux ? Nous ne sommes pas complètement démunis puisque nous avons le bracelet électronique et la condamnation avec sursis de mise à l'épreuve assortie de toute une série de conditions.

Je suis donc réservé sur la limitation du nombre des condamnations assorties de ce sursis, qui sont des tentatives de préparer la réinsertion du détenu - réinsertion qui viendra tôt ou tard, sauf à garder ce dernier en prison jusqu'à la fin de ces jours - et qui entrent dans le cadre d'une politique visant à désengorger nos prisons.

Cependant, le plus grave dans la proposition de loi est évidemment, plusieurs orateurs l'ont relevé, l'instauration du placement sous surveillance électronique, système qui soulève de sérieux doutes, que je rappelle seulement puisqu'ils ont déjà été exposés.

D'abord, nous ne disposons pas des connaissances techniques nécessaires sur le fonctionnement du système, sauf ceux d'entre nous qui naviguent en mer et qui utilisent le GPS depuis de nombreuses années ; mais c'est une chose de l'utiliser pour naviguer, c'en est une autre de l'appliquer à des êtres humains !

Ensuite, ce système sera de toute évidence extrêmement coûteux. Au vu du faible nombre de condamnés à qui on fait porter le bracelet électronique, on peut d'ailleurs présumer que le GPS, qui nécessitera une infrastructure et un suivi par des agents de police beaucoup plus lourds, connaîtra encore moins de succès.

Ce système a en outre pour effet d'ajouter une nouvelle peine à celle qui a déjà été purgée.

Enfin, il ne constitue aucunement une aide à la réinsertion.

Il ne sera peut-être pas complètement inutile, mais il permettra tout au plus de savoir que la personne se trouvait tel jour et à telle heure en tel endroit, c'est-à-dire qu'il servira d'auxiliaire de justice si, par hasard, il devait y avoir une enquête sur un délit ou un crime commis à cet endroit.

Il ne s'agit donc ni d'un système d'aide à la réinsertion, ni d'un système qui respecte l'intégrité et la vie privée de la personne.

Dernière observation : autant la proposition tendant à permettre le recours à des psychologues aux côtés des médecins pour la mise en oeuvre de l'injonction de soins me paraît opportune, autant l'inscription des irresponsables pénaux au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, que prévoit l'article 15, me paraît une mauvaise mesure, tant pour les irresponsables pénaux que pour l'avenir et la crédibilité du fichier.

Je voudrais, pour terminer, rendre hommage au travail important qui a été fait par la commission des lois et par son rapporteur, dont plusieurs des amendements nous semblent aller dans le bon sens.

Pour notre part, nous avons déposé des amendements de suppression de tous les articles qui nous paraissent inutiles ou dangereux et que je viens de mentionner. Nous présenterons par ailleurs plusieurs amendements visant à renforcer à la fois le caractère préventif des mesures proposées et le contrôle sur les prisons. Nous serons très attentifs au sort que connaîtront ces amendements dans la discussion des articles.

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