Intervention de Robert Badinter

Réunion du 9 février 2005 à 15h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Article 2

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Il va de soi que nous soutenons la position de la commission des lois, favorable à la suppression de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 2 et à celle du second alinéa, qui a d'ailleurs plongé un certain nombre de juristes dans la perplexité.

Un système pénal dans lequel la réitération, telle qu'elle est définie dans ce texte, exclurait le principe de non-cumul et la confusion des peines, c'est-à-dire un système, comme à l'américaine, où l'on ajouterait les peines les unes aux autres pourrait entraîner des conséquences que chacun d'entre nous peut mesurer. Cela paraît extraordinaire au regard de l'équilibre du droit pénal.

Prenons le cas d'une personne condamnée pour excès de vitesse sous l'emprise de l'alcool, soit à une peine d'emprisonnement ferme de trois à six mois ou d'emprisonnement avec sursis, soit à une forte amende.

Après que la condamnation est devenue définitive, ce délinquant commet trois vols de voitures ou de motos. Nous nous trouvons, en l'espèce, en présence d'un cas de réitération.

Si nous nous en tenions uniquement aux règles applicables, le plafond de la peine encourue par l'auteur des actes incriminés ne pourrait être supérieur à celui de la peine la plus forte prévue pour les vols commis. Mais si l'on décide que les peines peuvent s'ajouter les unes aux autres - il peut arriver que les procédures se déroulent dans des tribunaux différents -, la peine encourue pourrait s'élever, à défaut de jonction des procédures, au double - c'est-à-dire à cinq ou six ans - de la peine maximale que l'auteur des infractions encourait si l'affaire était jugée en une seule fois.

Je vois mal comment cette disposition pourrait être maîtrisée. Je partage donc pleinement l'avis de la commission sur ce point : adopter une telle mesure reviendrait à s'engager dans une voie qui appellerait une très profonde réflexion.

La suppression se justifie pour une raison simple : définir un comportement, dans un code pénal, sans l'assortir de sanctions est une démarche intéressante du point de vue intellectuel, qui trouverait sa place dans un très bon article de doctrine - je suis certain que M. le rapporteur serait disposé à le faire - mais si l'on commence à énumérer dans le code pénal, qui est le code des peines, les différents comportements non punissables, chacun peut mesurer combien l'inflation législative, d'un seul coup, sera encore plus difficile à contrôler !

Nous soutenons la position de la commission pour la raison suivante : s'il est souhaitable de clarifier les concepts, ceux-ci n'ont pas leur place dans le code pénal.

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