Intervention de Robert Badinter

Réunion du 9 février 2005 à 15h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Article 7

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je souhaite intervenir à propos de cette innovation technologique qui, je dois le dire, m'a plongé dans la confusion, et dont je voudrais que la Haute Assemblée mesure bien la portée.

Je le rappelle, nous avons été unanimes à soutenir la proposition, devenue loi, de l'un de nos anciens et remarquables collègues, M. Guy Cabanel, concernant l'utilisation du bracelet électronique. Aujourd'hui, cette possibilité n'est certes pas assez utilisée - 700 unités seulement - mais elle se développe.

Le bracelet offre une solution de substitution à l'emprisonnement en permettant de placer celui qui le porte sous surveillance immédiate et directe.

Ici, nous sommes en présence d'un procédé tout à fait différent : on entre dans un système qui est en pleine expérimentation, notamment en Floride - chacun le sait, du coté du gouverneur Bush, on est attentif à tout ce qui permet de durcir la répression - mais surtout en Grande-Bretagne, à Manchester.

C'est au cours de la discussion qui s'est instaurée au sein de la commission des lois que, pour la première fois, nous avons eu des précisions techniques. Je dis très simplement que je trouve extraordinaire que l'on ait songé à insérer dans le code pénal un procédé sur lequel il faut, à n'en pas douter, nous interroger, car il pose des problèmes considérables !

Vous avez raison, monsieur le rapporteur, des interrogations surgissent au sujet des coûts, mais aussi de la technique et du droit.

Je laisse de coté le problème des coûts pour exposer ce que j'ai découvertconcernant l'expérience de Manchester.

Concrètement, il s'agit non pas d'un bracelet électronique, mais d'une sorte de chaînette en acier que l'on porte en permanence à la cheville - il n'y a aucune équivoque possible, le poignet se disant wrist en anglais et la cheville ancle - qui n'est pas aussi petite qu'on pourrait le croire, et d'un appareil qui est à peu près de la taille d'un portable, porté à la ceinture, relié de façon permanente à des satellites et à un centre d'observation. De la sorte, on parvient à une observation constante de la personne. Ses déplacements sont enregistrés toutes les quinze secondes, dès qu'elle franchit une distance de deux mètres, et s'inscrivent sur un écran.

On mesurera que ce n'est pas rien. Il ne s'agit plus du tout du bracelet électronique de notre ami Guy Cabanel ; c'est un procédé de surveillance dont, pour ne pas employer l'adjectif totalitaire, je dirai qu'il est total : deux mètres et toutes les quinze secondes.

Les Anglais utilisent ce procédé dans l'expérience qui est en cours, dont les résultats ne sont pas encore connus - j'ai envoyé des mails à Manchester, mais je n'ai pas encore eu de réponse -, pour veiller à ce que le porteur de ce dispositif complexe, fixé en permanence pendant trois ans à la cheville et à la taille, ne se déplace ou pénètre à l'intérieur d'une zone interdite.

Cela ne peut pas ne pas poser des problèmes, sur lesquels on doit s'interroger.

Le premier, il a d'ailleurs été révélé par la commission, est qu'il faudrait tout de même connaître les résultats obtenus dans le cadre de cette expérience qui est en cours en Angleterre. Je crois qu'un parlementaire a été envoyé en mission. Attendons au moins de savoir quelles informations il en rapportera. Au besoin, faisons venir devant la commission des lois le spécialiste britannique de la question.

Le deuxième problème est majeur. Il est particulièrement délicat de demander à une personne qui a été condamnée de porter un bracelet, fixé sur lui et visible à sa cheville dès qu'il s'assoit, si je pars du principe que c'est un homme...

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