Les députés ont décidé d'inscrire dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, créé au Sénat voilà un an, les irresponsables pénaux au titre de l'article 122-1 du code pénal.
Nous avons longuement discuté de cette question en commission, car cet article pose d'importants problèmes.
L'amendement n° 17 tend à supprimer l'article 14, car nous pouvons lui opposer des objections importantes.
Tout d'abord, cet article affecte la spécificité d'un fichier que le législateur a entendu réserver aux seuls auteurs d'infractions sexuelles ; on a d'ailleurs longuement débattu pour faire accepter ce fichier. Si nous le dénaturions en y intégrant d'autres personnes, on comprendrait moins bien ses finalités. De plus, il semblerait induire une assimilation entre les délinquants sexuels et les irresponsables pénaux, ce qui ne saurait, bien évidemment, être systématique. Je pense que je n'ai pas besoin de vous convaincre sur ce point, mes chers collègues.
En outre, la terminologie même d'« irresponsables pénaux » n'est pas suffisamment précise, car les hypothèses d'irresponsabilité pénale ne se réduisent pas au seul cas prévu par l'article 122-1 du code pénal. En vertu d'autres articles du code pénal, certaines personnes peuvent être déclarées irresponsables pénaux.
Par ailleurs, il ne semble pas justifié de prévoir, pour les irresponsables pénaux, des dispositions plus rigoureuses que celles qui sont actuellement prévues pour les auteurs d'infractions sexuelles. Or, ces personnes seraient systématiquement enregistrées, même si elles ont commis un délit punissable d'une peine égale ou inférieure à cinq ans.
S'il convient de souscrire à l'objectif d'assurer un meilleur suivi de ces personnes, la formule retenue par la proposition de loi n'apparaît pas la plus adaptée. Un dispositif spécifique, comme l'avait d'ailleurs initialement suggéré le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale, serait sans doute préférable. L'Assemblée nationale s'est peut-être laissé entraîner dans une voie qu'elle a pensé être efficace, mais qui nous paraît très dommageable.
A cet égard, les recommandations de la commission « santé-justice » présidée par M. Jean-François Burgelin, dont nous avons parlé au cours de la discussion générale, pourraient utilement éclairer les travaux des parlementaires.
Dans l'immédiat, il semble donc opportun de différer la définition d'un dispositif qui mérite une réflexion plus approfondie. En effet, ce n'est pas parce qu'une personne est déclarée irresponsable pénale au titre de l'article 122-1 du code pénal qu'elle a obligatoirement commis les faits qui sont évoqués dans le dossier. A l'inverse, le véritable auteur des faits peut parfois échapper à des poursuites si l'on considère à tort que la personne déclarée irresponsable pénale était l'auteur des faits.
Vous le voyez, la question n'est pas facile ; il serait audacieux, et même très imprudent, de vouloir intégrer les irresponsables pénaux au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.