Oui, nous avions raison !
La pratique, celle d'aujourd'hui plus encore que celle d'hier, nous conforte dans ce choix, tant elle concentre le pouvoir, accentue le caractère monarchique de nos institutions et l'exercice personnel du pouvoir. Le peuple l'approuve ? Il est bien tôt pour le dire ! Quant au Parlement, il est de fait d'ores et déjà confiné dans un rôle subsidiaire d'enregistrement de la volonté présidentielle.
Notre conception d'une avancée démocratique, c'est la reconnaissance de la diversité des sensibilités politiques, leur nécessaire représentation au Parlement et nous continuerons de mener ce combat, non pas pour une opposition à « Sa Majesté », mais pour un véritable pluralisme. Car le pluralisme n'est pas assuré puisque notre courant politique n'est représenté ni au bureau de l'Assemblée nationale, ni au sein de la délégation parlementaire pour le renseignement !
Mme Hélène Luc. N'est-ce pas, monsieur Karoutchi ?
Monsieur le Premier ministre, hier, vous avez fait un discours, mais en réalité nous sommes déjà passés aux actes, de l'idéologie à la pratique.
Pourfendeur des idéologies - sous-entendu d'une certaine gauche dogmatique - le Président de la République a décliné sous toutes ses formes le triptyque « travail-autorité-mérite », assorti de l'identité nationale - ce qui donne des ailes à M. Retailleau - et du volontarisme politique.
C'est encore ce que nous avons entendu hier : en fait, une habile adaptation populaire du credo de Mme Parisot. On retrouve d'ailleurs tous les thèmes de la politique décomplexée dont vous nous parlez annoncés dans le livre du MEDEF, Besoin d'air, publié en janvier 2007 et que vous avez certainement lu comme moi.
Ce volontarisme politique a incontestablement séduit, mais que restera-t-il de l'illusion des mots, sinon les actes ? Or les actes commencent à se voir.
Comme le Président de la République, vous voulez une « rupture ». Je vous l'accorde, les politiques passées n'ont pas réussi. Mais vous venez d'être au pouvoir, vous et les nombreux ministres qui étaient déjà au gouvernement ces dernières années. On pourrait résumer ainsi ce que dit le Président de la République : « Plus vite, plus fort, plus loin ». Et c'est ce que vous confirmez déjà !
Les exonérations de cotisations sociales pour les patrons, vous en avez instituées vous-même en 2005, et d'autres avant vous d'ailleurs ! Le coût est élevé pour la collectivité et le résultat nul en matière de création d'emplois.
Vous voulez faire beaucoup plus, non pas pour aider les PME, dont vous parlez à satiété, comme vous l'avez d'ailleurs fait pendant cinq ans, mais au bénéfice des fonds d'investissement.
Vous annoncez donc de nouveaux profits pour les actionnaires. Or qu'ont-ils fait pour l'emploi ? Hélas, les suppressions d'emplois succèdent aux suppressions d'emplois : 10 000 à Airbus ; 10 000 à PSA ; 1 500 à Alcatel ; 3 500 au Crédit lyonnais, et j'arrête là l'énumération. Nous vendons nos entreprises à qui veut bien les acheter, peut-être même au moins offrant.
La diminution du nombre de chômeurs ne correspond pas à des créations d'emplois car, vous le savez bien, le nombre d'emplois continue de diminuer. D'ailleurs, les chiffres du chômage sont pour l'instant contestés.
Comme vous le savez aussi, les profits sont de plus en plus accaparés par les actionnaires et de moins en moins réinvestis.
Au fait, où est l'interdiction des « parachutes dorés » ?
Pour notre part, nous proposons « sans complexe » de rémunérer plus le travail que les actionnaires, pour revenir à un partage travail-capital plus favorable au travail.
Comme vous le savez encore, monsieur le Premier ministre, entre 1998 et 2005, les revenus des plus riches ont progressé de 19 % - et même de 42 % pour la toute petite fraction des très riches - contre 5, 9 % pour les revenus moyens, tandis que les 90 % des moins riches n'ont eu droit qu'à une augmentation de 4, 7 % en sept ans. C'est sans doute l'illustration du « travailler plus pour gagner plus » !
Qui plus est, vous supprimez les droits de succession, au motif louable que ceux qui ont acquis un petit « bien » doivent pouvoir le laisser à leurs enfants ! Sauf que cette mesure concerne 5 % des patrimoines, les plus élevés s'entend.
Hier, vous avez oublié de parler du bouclier fiscal à 50 % et de l'allégement de l'ISF. Mais vous l'avez fait aujourd'hui, comme vous n'avez cessé de le faire précédemment.
Travailler plus ! À ceux qui n'ont ni patrimoine immobilier ni portefeuille d'actions, vous avez fait miroiter les heures supplémentaires. Miroir aux alouettes ! Qui décide des heures supplémentaires ? Globalement, le patronat n'utilise pas le quota dont il dispose. C'est de la propagande pure et simple, destinée à enfoncer le clou de la disparition à terme de la durée légale du travail.
Je pense que la véritable armée de Français qui travaille à temps partiel contraint voudrait bien travailler au moins 35 heures pour être payés au moins au SMIC !
Le SMIC ? Parlons-en ! Il concerne 2, 5 millions de salariés, 20 % des ouvriers, 20 % des femmes, 30 % des moins de vingt-cinq ans.
L'augmentation du pouvoir d'achat n'était-elle pas un engagement du candidat Nicolas Sarkozy ? Le minimum aurait été de donner un coup de pouce au SMIC, ce qui n'aurait été que simple justice et aurait été, de plus, utile pour dynamiser la croissance ! Mais sans doute les salariés qui travaillent - durement pour beaucoup - en usine ou dans la grande distribution ne le méritent-ils pas ! Pourtant, comment peut-on vivre avec moins de 1 500 euros par mois ?
C'est donc sans complexe que nous continuerons à mener ce combat.
Monsieur le Premier ministre, votre perception de l'intérêt des services publics passe par le prisme de la dépense publique et non par celui de leur utilité. Nous avions bien entendu le candidat Nicolas Sarkozy s'engager à supprimer un poste sur deux des fonctionnaires partant en retraite : nous ne sommes pas sourds ! Mais nous avions cru entendre que cela ne concernait ni l'école ni l'hôpital, à l'égard desquels il avait la plus grande compassion. Résultat immédiat : pour l'instant, 10 000 postes d'enseignants en moins. Cela commence mal, car nos concitoyens savent que ce n'est pas la bonne réponse à la demande d'une école de qualité. Je vous propose de faire l'inverse, et de recruter des enseignants, des infirmières, des personnels d'accompagnement dont nos services publics ont tant besoin.
La recherche et l'université étaient, au moins me semble-t-il, dans les priorités du candidat Nicolas Sarkozy. Mais je ne vois pas, dans la précipitation de la concertation, immédiatement suivie d'un projet de loi sur l'université, la prise en compte des énormes problèmes de notre système d'enseignement supérieur, et en premier lieu l'échec.
Vous aimez les comparaisons avec d'autres pays ! S'agissant de l'enseignement supérieur, nous dépensons beaucoup moins que nombre d'autres pays européens.
Quant à la recherche, ce que nous pouvons craindre, c'est l'abandon de la maîtrise publique.
Or la longue tradition rentière du patronat français et la non-pertinence des fonds d'investissement pour financer la recherche fondamentale sont, hélas, des obstacles de taille à la mise en oeuvre des promesses présidentielles d'un investissement « sans précédent » pour la recherche, même avec des exonérations et crédits d'impôt de toutes sortes.
Je vous propose sans complexe la mise en oeuvre d'une fiscalité plus juste avec une progressivité accrue des prélèvements et la diminution des impôts indirects.