Il y a les faits et le droit. Pour notre part, monsieur le Premier ministre, nous pensons que nous ne pouvons nous contenter des faits. La République et la démocratie - et c'est ainsi qu'elle se définit depuis l'Antiquité - réclament une loi écrite.
Nous sommes intéressés par les modifications institutionnelles que vous proposez. Face à un Président de la République qui exerce l'essentiel du pouvoir exécutif, il faut des contrepoids, des équilibres, qui sont essentiels à la liberté et à la démocratie. Nous voulons construire un pouvoir nouveau et équilibré. Cela passe naturellement par un renouveau profond du Parlement. Il reviendra aux parlementaires, avec le Gouvernement, de faire des efforts pour entrer dans le nouveau système politique.
Une rénovation en profondeur du Parlement est nécessaire, c'est évident. Monsieur le Premier ministre, je ne reprendrai pas l'intégralité de vos propositions. Celles-ci sont intéressantes et méritent d'être étudiées. Peut-être faudra-t-il aller plus loin. Une loi électorale plus juste est indispensable, car nous ne pouvons nous contenter de la situation actuelle si nous voulons parvenir à un système politique équilibré. Le rôle du Sénat doit être repensé, et nous sommes prêts à y travailler avec vous. Une place plus grande doit être faite à nos concitoyens.
En 1958, il fallait brider un Parlement tout-puissant et incapable, dans son omnipotence, de fixer le cap pour la France. Aujourd'hui, il faut recréer un Parlement fort de sa représentativité et de sa capacité à contrôler le pouvoir exécutif, qui fasse contrepoids au pouvoir présidentiel.
Monsieur le Premier ministre, vous avez indiqué que le Président de la République, le Gouvernement et vous-même entendaient créer une commission de la réforme constitutionnelle, dont la mission serait d'examiner ces questions et de formuler des propositions pour rénover nos institutions.
La Constitution, monsieur le Premier ministre, qui appartient à tous, est l'affaire de tous. Cette commission serait présidée par un ancien Premier ministre. Un ancien ministre de la culture ou de l'éducation nationale pourrait y siéger. Or nous pensons qu'il n'est pas souhaitable que seules deux familles politiques soient représentées au sein de cette commission, à laquelle participeront bien naturellement des personnalités indépendantes et reconnues pour leurs capacités dans le domaine constitutionnel. En effet, comme ce fut le cas pour le Comité consultatif constitutionnel en 1958, cette commission doit représenter toutes les familles politiques. C'est l'une des conditions pour que nous puissions tous, demain, nous approprier les institutions de la République.
Je ne souhaite pas revenir sur tous les sujets que vous avez abordés dans votre discours, monsieur le Premier ministre, et je me contenterai simplement d'en évoquer quelques-uns. Vous comprendrez aisément que, au nom des sénatrices et des sénateurs du groupe Union centriste-UDF, je vous parle de la relance de l'Europe.
Relancer l'Europe, c'était une nécessité. Nous reconnaissons le rôle joué ces derniers jours par M. le Président de la République s'agissant du traité simplifié. Nous sommes fiers et heureux de ce mini-traité, qui relance la construction européenne, ainsi que du maintien du couple franco-allemand. Nous nous réjouissons également que les vingt-cinq autres États membres, considérés comme de vrais européens, aient pu participer à cette relance. Tout cela constitue des points extrêmement positifs.
L'Europe, avez-vous dit, monsieur le Premier ministre, doit être le moyen, pour la France, d'asseoir complètement son rayonnement. Comme les autres Européens, nous avons besoin de l'Europe pour promouvoir la vitalité et le développement économique, politique, social et culturel de toute l'Union européenne, qui constitue la seule entité géopolitique capable de nous assurer un devenir autonome dans le contexte de la mondialisation.
Toutefois, pour réaliser ces modifications institutionnelles et ratifier le traité européen, il vous faut une majorité qualifiée. Nous sommes prêts à contribuer à vous l'apporter, avec notre spécificité, nos valeurs et notre autonomie, afin de mener à bien ce travail de reconstruction, sauf si vous refusiez notre aide, monsieur le Premier ministre ! C'est à vous de choisir les personnes avec lesquelles vous voulez travailler ! Pour notre part, nous ne rejetons personne et souhaitons participer à la majorité spécifique des trois cinquièmes dont notre pays a aujourd'hui besoin.
Je souhaite maintenant aborder d'autres projets, pour lesquels la majorité qualifiée ne sera pas nécessaire. Nous les étudierons toujours avec confiance, bienveillance - c'est notre nature ! -, mais aussi avec une grande vigilance.
Tout d'abord, j'évoquerai rapidement les collectivités locales. Nous avons bien compris, en écoutant hier votre déclaration de politique générale, que vous les invitiez à participer à l'effort de discipline financière auquel l'État va s'astreindre.
Avec la décentralisation, les représentants des élus locaux et de l'État peuvent passer beaucoup de temps à se reprocher les problèmes liés aux recettes des collectivités locales. Je souhaite simplement vous dire, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement, s'il veut vraiment compter sur les collectivités locales, doit commencer par ne plus leur imposer des dépenses qu'elles n'auront pas décidées elles-mêmes. §C'est cela la décentralisation, il faut le dire et le redire !
Par exemple, dans le département que j'ai l'honneur d'administrer avec d'autres personnes ici présentes, nous avons pu réduire de 3 000, en une année, le nombre de bénéficiaires du RMI, pour revenir au chiffre de 2004. Mais, chaque mois, le département paye 20 % de plus qu'en 2004 ! C'est un grand mystère, puisque personne ne peut m'expliquer les raisons d'une telle situation.