Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon collègue Brice Hortefeux m'a fait part du contenu et de la qualité de vos débats sur l'article 9. C'est maintenant au nom de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que je vais vous donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements déposés à cet article.
S'agissant de l'amendement de suppression n° 200, vous me donnez l'occasion, madame Assassi, de rappeler la portée de l'article 9.
Cet article tend à fonder la prévention de la délinquance sur l'éducation. Je m'étonne de la position de principe adoptée par le groupe CRC à son égard, au vu de la teneur des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 9 qu'il a défendus ce matin !
Comment en effet imaginer qu'un enfant n'allant pas à l'école pourra ensuite réussir dans la vie ? Notre conviction est qu'il faut apprendre aux enfants, dès leur plus jeune âge, les règles indispensables à la vie en société ; notre conviction est qu'il faut prévenir l'absentéisme scolaire, qui est fréquemment le premier signe de la dérive d'un enfant.
Or le nombre d'élèves en situation d'absence non régularisée représente de 2 % à 5 % des effectifs scolarisés. Au mois de novembre 2005, la proportion d'élèves se trouvant dans cette situation dépassait 13 % dans un établissement sur dix ! Les maires doivent donc être dotés d'outils leur permettant de mieux traiter l'absentéisme scolaire, en étroite relation avec les responsables de l'éducation nationale.
Tel est précisément le sens de l'article 9. Nous sommes donc, bien évidemment, défavorables à l'amendement n° 200.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 100, dont M. le rapporteur vient de rappeler l'objet.
En matière de prévention de la délinquance, les maires sont confrontés non seulement à des cas d'enfants non scolarisés, mais également à des cas d'enfants en cours de déscolarisation à la suite d'une exclusion, temporaire ou définitive, ou d'un abandon en cours d'année scolaire. Ce sont autant d'enfants qui risquent d'être livrés à eux-mêmes, voire à de petits caïds de la rue.
L'amendement n° 100 vise donc à ce que le maire soit informé de ces exclusions et de ces abandons. Cela permettra de passer le relais rapidement et de mobiliser tous les acteurs.
S'agissant de l'amendement n° 175 rectifié ter de M. Türk, l'article 9 du projet de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, précisera les conditions de mise en oeuvre du traitement automatisé des données sur les enfants d'âge scolaire domiciliés dans la commune. Il paraît tout à fait opportun de préciser, dans l'esprit de l'article 29 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le contenu de ce décret. Nous sommes donc favorables à l'amendement n° 175 rectifié ter.
En ce qui concerne l'amendement n° 294 rectifié bis, il vise à ce que le maire soit informé non pas de tous les cas d'absences injustifiées, mais seulement lorsque cela est vraiment nécessaire, c'est-à-dire quand le directeur d'établissement saisit l'inspecteur d'académie pour que celui-ci adresse un avertissement aux personnes responsables de l'enfant. Cette saisine interviendra lorsque les parents auront donné un motif d'absence inexact ou en cas d'absence injustifiée d'au moins quatre demi-journées dans le mois.
Le Gouvernement, monsieur le rapporteur, est favorable à cet amendement du groupe de l'UMP. Il est utile que le maire soit informé par le chef d'établissement dès la saisine de l'inspecteur d'académie, c'est-à-dire sans attendre que celui-ci prononce effectivement l'avertissement.
S'agissant de l'amendement n° 138 rectifié, il illustre le souci d'équilibre et de respect des compétences spécifiques de l'éducation nationale et du maire qui doit présider à nos travaux. Ses auteurs craignent que la transmission au maire de la liste des élèves domiciliés dans sa commune ayant fait l'objet d'un avertissement n'entraîne une confusion des responsabilités, or cette crainte ne me semble pas justifiée. Il s'agit, pour le maire, non pas de s'immiscer dans les mécanismes de régulation interne de l'éducation nationale, mais de mettre en oeuvre, s'il l'estime nécessaire - et seulement dans ce cas -, les mesures que le projet de loi met à sa disposition, notamment l'accompagnement parental prévu à l'article 6.
Quant à la précision relative à la communication de la liste apportée par l'amendement, elle relève du décret en Conseil d'État dont M. Türk a proposé de préciser le contenu à l'amendement n° 175 rectifié ter. Nous souhaitons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 86, présenté par M. About et relatif aux formations mises en oeuvre dans le cadre du plan régional de développement des formations professionnelles. Il convient d'être clair : la formation professionnelle n'a pas pour finalité première de prévenir la délinquance, mais il est évident qu'elle y concourt. Un jeune bien formé, inséré sur le marché du travail, risquera moins de tomber dans la délinquance : on peut parler de « congruence » des objectifs.
Pour autant, je conçois que la rédaction actuelle de l'article soit perfectible. Sur ce plan, il me semble que l'amendement n° 19 présenté par la commission des lois permettra de lever toute ambiguïté : c'est bien l'insertion sociale, objet de la formation professionnelle, qui constitue la meilleure prévention de la délinquance.
Voilà pourquoi nous souhaitons le retrait de l'amendement n° 86, au bénéfice de l'amendement n° 19, auquel nous sommes donc favorables, pour les raisons que je viens d'indiquer.
Enfin, je remercie M. Bockel d'avoir déposé l'amendement n° 158 rectifié bis, sur lequel nous émettons un avis favorable. Le président Jean-Claude Gaudin en soulignait tout l'intérêt ce matin, en faisant référence à une expérience pilote menée à Marseille. Cet amendement tend à répondre à un défi : aujourd'hui, 6 % des jeunes quittent l'école sans qualification ; en incluant les jeunes qui n'ont ni CAP, ni BEP, ni baccalauréat, ce sont 18 % des jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme reconnu.
Vous nous proposez, monsieur Bockel, d'inscrire dans la loi l'engagement de l'État aux côtés des écoles de la deuxième chance. La loi pérennisera ainsi une expérience qui donne de très bons résultats, en encouragera le développement et en facilitera le financement. Les qualifications délivrées au titre de ces formations pourront également être reconnues dans le cadre d'un cahier des charges qui en garantira la qualité, sous le contrôle du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, institué par la loi Fillon de 2004, ainsi que des comités régionaux de coordination emploi-formation professionnelle.
C'est donc un dispositif à la fois ambitieux et exigeant que vous nous présentez, monsieur le sénateur. La rédaction pourra être affinée au cours de la navette parlementaire afin de tenir compte des inquiétudes formulées par M. le rapporteur, mais le Gouvernement est, en tout état de cause, pleinement favorable à cette mesure.