Monsieur le Président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais commencer par une citation dont vous reconnaîtrez peut-être l'auteur : « Si l'Europe a été tirée dans plusieurs directions opposées par des hommes qui n'avaient pas la même idée de son destin, j'y vois beaucoup de temps et d'efforts perdus, mais rien qui ne contredise la nécessité de s'unir. »
Cette phrase de Jean Monnet est éclairante sur la nature même du processus de construction européenne. C'est en effet un juste rappel de la nature toujours conflictuelle, toujours incertaine, toujours douloureuse même, de cette construction. Ceux qui ont eu la chance de lire les Mémoires de Jean Monnet s'en souviennent d'ailleurs : chaque chapitre de promesses est balancé par la crise suivante, chaque temps d'espoir est suivi de moments de doute. Telle est bien la nature de la construction européenne : instable, mais cette instabilité est génératrice de progrès.
Avant d'entrer dans le coeur de mon propos, et pour apprécier la nature de ces progrès que je suis venu vous présenter aujourd'hui, je citerai un autre grand esprit européen : « la présidence allemande, qui a reçu pendant ces deux jours et nuits passés à Bruxelles le renfort efficace de plusieurs chefs d'État et de gouvernement dont M. Sarkozy, a fait gagner des années à la construction européenne. Que peut-on attendre du compromis ? Tout d'abord un meilleur fonctionnement des institutions, avec un président permanent du Conseil européen, des modalités de vote améliorées, mais seulement à partir de 2014, l'extension du vote à la majorité qualifiée dans certains domaines et des pouvoirs accrus de codécision du Parlement européen. »
Les quelques lignes que je viens de vous lire, mesdames, messieurs les sénateurs, symbolisent parfaitement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. La construction européenne a gagné des années. Je crois que nous sommes plusieurs ici, toutes sensibilités confondues, à nous accorder pour dire que ce simple énoncé, sous la plume d'un grand européen comme Jacques Delors, est en lui-même inespéré.
Certes, le traité simplifié n'a pas l'ampleur symbolique du défunt traité constitutionnel. Des aménagements destinés à satisfaire différentes exigences ont été nécessaires ; j'y reviendrai. Mais souvenons-nous de la situation dans laquelle nous nous trouvions, Français et Européens, il y a quelques semaines. Personne ne pensait à une victoire, si je peux me permettre l'expression.