Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 4 juillet 2007 à 21h30
Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Le nouveau traité permettra de réconcilier les Français qui ont dit « oui » et les Français qui ont dit « non » lors du référendum sur le traité constitutionnel. Comme l'a dit le Président de la République, lors de son discours de Strasbourg, l'enjeu maintenant est de réconcilier l'Europe avec les citoyens.

Ces dernières années, l'Union européenne s'est sans doute trop concentrée sur les questions institutionnelles, s'éloignant ainsi des préoccupations de la plupart des citoyens. Pour donner un sens à l'Europe, il ne suffit donc pas de réformer ses institutions. Il faut aussi que l'Europe sache susciter l'adhésion des citoyens en se donnant les moyens de répondre à leurs angoisses, à leurs inquiétudes et à leurs attentes.

Il faut donc partir de ces préoccupations pour rétablir la confiance. Quelles sont-elles ?

Je mentionnerai quatre domaines où les attentes des citoyens sont particulièrement fortes.

Le premier concerne la croissance et l'emploi. Nous le savons, c'est la principale préoccupation des Français. Pendant longtemps, la construction européenne a été synonyme de progrès et de prospérité. Aujourd'hui - il faut en prendre acte - l'Europe ne répond plus aux attentes et aux inquiétudes des citoyens dans un contexte marqué par l'atonie de la croissance, la persistance du chômage et les délocalisations. Pis, l'Europe apparaît non plus comme une chance, mais comme une menace au regard de la mondialisation.

Or l'Europe peut être un formidable levier pour adapter la mondialisation et résister à la toute-puissance du marché, comme le disait Nicolas Sarkozy. Elle peut être un atout pour la croissance économique et la création d'emplois. Encore faut-il qu'elle en ait la volonté et qu'elle se donne les moyens de réaliser ses objectifs. Le bilan de la stratégie de Lisbonne s'est révélé très décevant, et la zone euro n'a pas rattrapé son retard en matière de croissance et de création d'emplois.

Dès lors que la politique monétaire se décide à l'échelon européen, on ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur les moyens de rendre plus efficaces les dispositifs de coordination entre la politique budgétaire, la politique monétaire et la politique de change.

De même, comment préserver, au delà de la diversité, l'originalité du modèle social européen, qui figure au coeur de l'identité européenne ? Dans une Europe élargie, plus hétérogène, la dimension sociale doit rester au centre du projet européen. À cet égard, le nouveau traité comporte des avancées, comme l'introduction d'une clause sociale horizontale et l'ajout d'un nouveau protocole soulignant la spécificité et le rôle essentiel des services publics.

Deuxième domaine où les attentes des citoyens sont très fortes : l'immigration et les questions de sécurité et de justice.

Sur ces questions, des progrès ont été enregistrés ces dernières années, par exemple avec le mandat d'arrêt européen, qui a remplacé la procédure d'extradition. Pour autant, l'unanimité, qui régit très largement ces matières, constitue un sérieux frein dans une Europe à vingt-sept.

Le nouveau traité permettra de remédier à ces difficultés de deux manières différentes : d'une part, il étend le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil ; d'autre part, il rend plus aisé le recours aux coopérations renforcées.

Le troisième défi, monsieur le ministre, mes chers collègues, est de bâtir une véritable politique étrangère et de défense.

Pendant que l'Union européenne discute pour savoir quel titre il faut donner à son ministre des affaires étrangères - surtout pas « Haut commissaire », nous l'avons compris, monsieur le ministre ! - les États-Unis, la Russie et les nouvelles puissances émergentes, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, n'attendent pas.

Or nous avons besoin d'une Europe forte, capable de faire entendre sa voix sur la scène internationale, au Proche- Orient, dans les Balkans ou ailleurs.

Ainsi, concernant l'avenir du Kosovo, en cas d'échec du Conseil de sécurité des Nations unies, les États membres de l'Union européenne seront-ils capables de se saisir de ce dossier et de conserver une approche commune ?

Qu'en est-il des relations avec la rive sud de la Méditerranée et avec l'Afrique, qui présentent une importance particulière pour notre pays ?

Le Président de la République a lancé récemment l'idée d'une union méditerranéenne, sur le modèle de l'Union européenne, pour rapprocher les deux rives de la Méditerranée. Peut-être pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour concrétiser ce projet et comment ce dernier s'articulera avec le processus de Barcelone et le partenariat euro-méditerranéen ?

Mes chers collègues, l'Europe de la défense a beaucoup progressé ces dernières années.

Le nouveau traité permettra de nouvelles avancées, avec notamment la « clause de solidarité » et les « coopérations structurées ».

Pour autant, un fait récent laisse songeur, je veux parler de l'annonce du déploiement d'éléments du système de défense anti-missiles américain en Pologne et en République tchèque.

Comment expliquer que, sur un sujet de cette importance, monsieur le ministre, qui concerne directement la protection du territoire et des citoyens européens, il n'y ait qu'un accord entre les États membres, à savoir ne pas en parler ? On voit bien qu'il y a encore du chemin à faire pour aller vers une défense européenne réellement autonome.

Enfin, le quatrième enjeu est celui de l'élargissement de l'Union.

L'Europe doit un jour tracer ses frontières pour approfondir son projet. Disons-le clairement : tout État qui respecte les critères n'a pas vocation à faire partie de l'Union européenne ! Non, l'adhésion à l'Union européenne n'est pas un droit, mes chers collègues, c'est un acte de foi qui suppose l'adhésion à des valeurs communes, mais aussi le maintien de l'élan d'intégration.

Cela ne veut pas dire pour autant que l'Union européenne ne doit pas approfondir ses relations avec ses voisins sur la base d'un partenariat privilégié. Une réflexion sur les frontières de l'Union est donc indispensable.

Sur tous ces sujets, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, qui a décidé récemment de constituer des groupes de travail pour suivre les travaux de la Conférence intergouvernementale, la politique étrangère et de sécurité commune ou encore le projet d'Union méditerranéenne, entend participer activement à la réflexion.

En attendant, le nouveau traité permettra à l'Europe de sortir de l'impasse institutionnelle dans laquelle elle était plongée depuis deux ans et rendra son fonctionnement plus efficace, plus démocratique et plus transparent.

Pour consolider l'Union, il ne suffit pas pour autant de perfectionner ses institutions. Il faut, dans le même temps, resserrer ses liens avec les citoyens.

Cela passe par des progrès tangibles, qui manifestent, aux yeux des citoyens, que la construction européenne leur est utile, qu'elle est à leur service, qu'elle apporte des réponses à leurs préoccupations. Pour ce faire, inspirons-nous, monsieur le ministre, de la méthode de Jean Monnet !

C'est donc autour de projets concrets, en matière industrielle et technologique comme Galileo, en matière énergétique ou de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, ou encore en développant les échanges culturels et universitaires, à vingt-sept ou par une avant-garde de pays décidés à avancer, que l'on parviendra réellement à réconcilier l'Europe avec les citoyens.

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