Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 4 juillet 2007 à 21h30
Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel, président  :

de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. On a commencé à le faire depuis deux ans en France, très timidement. Il faut dire que l'on était un peu mis le dos au mur ! Il suffit de prendre le texte initial de la directive « services » et de regarder le texte qui a été finalement adopté, pour constater que les critiques exprimées durant le débat référendaire ont été prises au sérieux.

Je pourrais prendre également l'exemple de la création, l'année dernière, du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, pour aider la reconversion professionnelle des travailleurs, ainsi que celui du lancement, en septembre dernier, du dialogue direct - grâce à M. Barroso - entre la Commission européenne et les parlements nationaux au sujet de la subsidiarité et de la proportionnalité, qui doit encourager un recentrage de l'action européenne vers les domaines où il est vraiment nécessaire que sa compétence s'exerce.

L'Europe n'est pas sourde. Elle a déjà commencé à tenir compte du message. Le mandat donné à la CIG marque une étape dans cette réorientation.

Ce mandat conserve la substance du traité constitutionnel - ce qui était le plus important -, c'est-à-dire la réforme du fonctionnement de l'Union, qui n'était pas la cause du vote négatif des Français. En même temps, il contient des inflexions importantes qui montrent que les préoccupations exprimées lors des référendums, en France comme dans les autres États membres, ont été entendues.

C'est ainsi, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, que la concurrence « libre et non faussée » ne figure plus parmi les objectifs de l'Union.

Cela ne veut pas dire - heureusement ! - qu'il n'y aura plus de politique de la concurrence dans l'Union, mais cela signifie que l'on a écouté ceux de nos concitoyens qui ne comprenaient pas que la concurrence « libre et non faussée » apparaisse comme une fin en soi.

Pour ma part, j'ai toujours été un adepte de la formule de Jacques Delors selon laquelle l'Europe doit reposer sur un triptyque : concurrence, coopération et solidarité.

Je crois que la nouvelle rédaction va dans le sens d'un tel équilibre : la concurrence est un moyen, un aiguillon indispensable, mais elle ne doit en aucun cas apparaître comme un dogme qui serait exclusif d'autres préoccupations.

Le nouveau protocole sur les services publics - un protocole, je le rappelle, a la même valeur que le traité qu'il complète - va très exactement dans ce sens et constitue, me semble-t-il, un progrès très significatif.

Ce protocole pose quatre principes que je me permets de citer.

Premièrement, « le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général ».

Deuxièmement, la prise en compte des « situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ».

Troisièmement, un « niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel ».

Quatrièmement, la pleine compétence des États membres en ce qui concerne les services non économiques d'intérêt général.

Avec ce texte, nous nous trouvons bien devant un nouvel équilibre entre les impératifs de la concurrence et ceux des services publics. Nous constatons donc que les préoccupations des citoyens ont été écoutées.

Certains diront peut-être que, avec tout cela, nous en restons aux orientations générales. Mais, encore une fois, nos concitoyens n'ont pas voté contre la présidence stable du Conseil européen ou l'extension du vote à la majorité qualifiée ; ils ont voté contre une certaine façon de construire l'Europe, où ils ne se retrouvaient pas suffisamment, voire pas du tout pour certains d'entre eux !

C'est donc bien sur le terrain des orientations qu'il faut leur répondre, et ne croyons pas que celles qui sont retenues par les traités soient sans conséquences politiques et juridiques sur le fonctionnement de l'Union !

Le mandat de la CIG tient compte également des critiques sur le risque de voir l'Union s'ériger en une sorte de « super État » difficilement contrôlable ; ces critiques ont été, d'ailleurs, plus entendues aux Pays-Bas plus qu'en France !

Mais, là également, les inquiétudes des électeurs n'ont pas été ignorées. La terminologie « constitutionnelle » disparaît, la « clause de flexibilité » permettant d'étendre les compétences de l'Union est beaucoup mieux encadrée. Le contrôle de subsidiarité confié aux parlements nationaux est complété par une modalité supplémentaire qui - si j'ai bien compris - s'ajoute aux dispositions prévues par le traité constitutionnel. J'aimerais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, avoir confirmation sur ce point.

Dans le dispositif élaboré par la Convention, deux étapes étaient prévues.

La première, appelée familièrement le « carton jaune », permettait aux parlements nationaux d'alerter la Commission au sujet de la subsidiarité. Il servait à mettre en garde lorsque l'on estimait que la Commission excédait sa compétence ou qu'elle allait beaucoup trop loin dans les détails. Si un tiers des parlements nationaux alertait la Commission, celle-ci devait réexaminer sa proposition.

Puis il y avait une seconde étape éventuelle, appelée le « carton rouge ». Mais attention, un malentendu s'est instauré, ces derniers temps, entre le « carton rouge » du traité constitutionnel et le « carton rouge » des Néerlandais !

Le « carton rouge » du traité constitutionnel donnait la possibilité aux parlements nationaux de saisir la Cour de justice des Communautés européennes après l'adoption définitive du texte, un peu comme l'Assemblée nationale et le Sénat peuvent saisir en France le Conseil constitutionnel.

Dans le mandat de la CIG, une nouvelle modalité apparaît, que l'on pourrait appeler le «carton orange » : si une majorité des parlements nationaux alerte la Commission, et s'ils reçoivent l'appui soit de 55 % des États membres, soit de la majorité du Parlement européen, la Commission doit alors retirer purement et simplement son texte.

Cette nouvelle modalité, assez compliquée à mettre en oeuvre, me paraît destinée à jouer de manière très exceptionnelle. Comment imaginer, en effet, que l'on mette fin purement et simplement au processus législatif engagé dans le cadre des institutions européennes ?

Tout va bien si elle s'ajoute au « carton jaune » et au « carton rouge » prévus par le traité constitutionnel, mais si elle s'y substituait, ce ne serait plus un progrès.

Je souhaite donc que vous nous confirmiez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que le « carton orange » s'ajoutera bien au « carton jaune » et au « carton rouge », sans les remplacer.

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