À ceux qui prétexteraient qu'il faut bien faire fonctionner l'Union, je répondrai qu'avant d'être un fonctionnement, une construction, l'Europe doit être un projet partagé, un projet consenti par les peuples.
Or, derrière cette fonctionnalité, je ne vois pas de rupture ; c'est la même finalité, la même visée historique d'une Europe fédérale, avec les mêmes méthodes des petits pas et de l'engrenage.
En réalité, le compromis de Bruxelles est une nouvelle contribution à ce grand oeuvre ! Pour tous ceux qui ont voté « oui », le traité simplifié est une bonne nouvelle ; il n'y a pas de changement de direction et la logique fédérale va continuer à se déployer.
Mais alors, mes chers collègues, il ne faudra pas faire mine de s'étonner des admonestations de Bruxelles, qui déjà s'accumulent, sur la position française - juste, à mon sens -pour un euro au service de l'économie, sur les comptes publics, sur la Turquie, sur cette idée folle - pensez donc ! - qu'aurait eue le Président de la République française d'une Europe plus protectrice de ses citoyens, ou encore sur la pêche.
Demain, au ministère de l'agriculture et de la pêche, où je me trouverai avec plusieurs de mes collègues, nous essayerons, en présence de M. Michel Barnier, de défendre nos pêcheurs Que dira-t-on aux pêcheurs d'anchois et de thon ? Qu'on n'y peut rien, qu'on n'a plus le pouvoir, qu'au nom d'un intérêt communautaire supérieur - lequel ? - il faut renoncer à défendre nos intérêts nationaux ?
Hubert Védrine, dans son dernier livre, Continuer l'Histoire, a écrit de très belles phrases sur ce sujet.
Pourtant, il me semblait que les lignes avaient bougé. La leçon commune du référendum et des présidentielles, c'est, comme l'a justement dit Nicolas Sarkozy dans son discours d'investiture, que « les Français ne veulent plus que l'on décide à leur place ! »
Tant que l'on n'aura pas abandonné la chimère fédérale, tant que l'on n'aura pas redéfini les frontières de l'Europe - bien sûr, sans la Turquie - tant que l'on tentera de relancer la construction européenne en l'absence de consentement populaire, il manquera à l'Europe une vraie légitimité politique.
C'est la raison pour laquelle il me paraît difficile, voire impossible, de faire l'économie d'un référendum sur ce texte.
Une autre Europe est possible, une autre Europe est souhaitable, une Europe respectueuse des démocraties nationales et fondée sur des coopérations différenciées.