Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'accord des vingt-sept a au moins un mérite, celui d'exister. Après plus de deux ans de paralysie, l'Union européenne envisage quelques réformes institutionnelles.
Nous ne pouvons pas nous en plaindre, car nous pensons que cela était nécessaire. Un refus de principe de telles réformes constituerait une erreur, d'autant que les conclusions du Conseil européen contiennent des éléments positifs.
Ainsi, la présidence du Conseil européen cessera d'être tournante tous les six mois ; elle sera stabilisée. De même, le nombre de commissaires, qui est aujourd'hui trop important, sera enfin réduit. En outre, la concurrence « libre et non faussée » cessera d'être incluse dans les objectifs de l'Union. Toutefois, ce progrès restera optique, car la notion demeurera évidemment dans les traités, comme c'est le cas depuis 1957. Par ailleurs, le champ du vote à la majorité qualifiée sera étendu aux questions de coopération judiciaire et policière, et la répartition des compétences sera éclaircie. L'Union se dotera d'une personnalité juridique unique et mettra fin à l'incompréhensible système des « piliers ». Enfin, le « Haut représentant pour la PESC » verra ses pouvoirs accrus et sera doté d'un service diplomatique.
Tout cela n'est pas négligeable et ne peut pas être écarté d'un revers de main. Les chefs d'État et de gouvernement ont signé un mandat pour une nouvelle conférence intergouvernementale, afin de commencer à travailler sur un nouveau « traité réformateur », qui serait adopté à la fin de 2007. La ratification aurait lieu à temps pour les élections européennes de 2009.
L'accord a été conclu après que la présidence allemande a convaincu la Pologne de lever son opposition à la proposition du système de vote à la double majorité au Conseil.
Face à un nouveau rejet du président polonais, M. Lech Kaczynski, Mme Angela Merkel a menacé de convoquer une CIG sans son voisin de l'Est réticent. Un porte-parole du gouvernement allemand, M. Ulrich Wilhelm, a précisé que la Pologne aurait ensuite « la possibilité de rejoindre le consensus européen à l'automne à la CIG ».
En échange, une extension du système actuel a été négociée, ce qui permet à la Pologne et à l'Espagne de bénéficier d'un nombre important de voix comparativement aux plus grands États-membres.
Le système de vote à la double majorité, requérant l'assentiment de 55 % des États-membres et de 65 % de la population européenne, ce qui tend par conséquent à favoriser les grands États-membres, entrera en vigueur à partir de 2014 seulement, lorsque l'Union européenne aura établi la planification de son budget à long terme pour la période 2014-2020.
De plus, et cela a été indiqué par plusieurs de mes collègues, le nouveau système de vote s'appliquera pendant une période de transition entre 2014 et 2017, mais tout État-membre pourra, s'il le souhaite, exiger que l'ancien système de vote soit encore utilisé.
Par ailleurs, une malheureuse et complexe clause spéciale facilite la formation d'une minorité de blocage au cours de cette période. La Pologne a également réussi à obtenir une clause de solidarité en matière d'énergie, afin de soulager ses préoccupations s'agissant de ses relations difficiles avec la Russie.
Nous ne sommes pas seulement pragmatiques et « euro-réalistes ». Nous sommes aussi et surtout des militants de l'Europe politique, de l'Europe intégrée, qui n'avons pas abdiqué l'ambition fédéraliste des pères fondateurs.
De ce point de vue, monsieur le secrétaire d'État, nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un accord qui est d'une singulière médiocrité et qui marque une régression considérable par rapport aux travaux de la Convention européenne.
Le terme « constitution » est lui-même abandonné. Cela n'est pas forcément choquant, car il s'agissait d'un traité constitutionnel, et non d'une véritable constitution, qui aurait supposé l'existence d'un État et d'un peuple européens.
Mais nous n'en sommes même plus là : le nouveau traité sera présenté sous la simple forme d'amendements aux traités existants. Il a pour vocation non pas de donner une cohérence et une colonne vertébrale à l'Europe politique, mais, plus modestement, et sans doute trop modestement, de permettre un fonctionnement plus efficace des institutions communautaires.
En ce sens, il ne s'agit guère plus que d'un règlement intérieur de l'Union européenne. D'ailleurs, Tony Blair l'a avoué lui-même en déclarant : « La chose la plus importante ici, c'est que le traité constitutionnel a été mis de côté, nous en sommes revenus à un traité conventionnel. »
Ainsi, les symboles de l'Union européenne - je pense notamment à l'hymne et au drapeau européens, ainsi qu'à la Journée de l'Europe, le 9 mai - ne figurent même plus dans les traités. En outre, à la demande des frères jumeaux qui dirigent la Pologne, la double majorité est reportée à 2014, voire à 2017. De même, et cela a été souligné, le vote à la majorité qualifiée n'est pas appliqué aux matières fiscale et sociale. De plus, le terme « ministre des affaires étrangères » n'a pas été retenu, ce qui est très significatif de la volonté des ministres nationaux de ne pas abandonner un pouce de terrain dans ce domaine, tout comme l'est également le refus du vote à la majorité qualifiée en cette matière
Si la Charte des droits fondamentaux a enfin une force contraignante, elle n'est pas intégrée dans les traités, même si une référence y est faite. Par ailleurs, et cela a également été indiqué, elle n'est pas applicable au Royaume-Uni.