Intervention de Simon Sutour

Réunion du 4 juillet 2007 à 21h30
Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Enfin, nous devons souligner une grave lacune : le protocole sur les services publics, qui est très faible, ne cache pas l'absence de dimension sociale et écologique ou de réformes de la gouvernance énergétique.

Au total, mes chers collègues, il s'agit bien d'un « mini-traité pour une mini-ambition » et d'un projet qui s'inscrit plutôt dans la lignée du si contesté traité de Nice !

Aussi le portrait dressé aujourd'hui du Président de la République en « sauveur de l'Europe » est-il quelque peu exagéré. Bien entendu, il ne s'agit pas de nier la part qu'il a prise dans cet accord. Il a fait preuve d'une énergie dont Jacques Chirac n'était à l'évidence plus capable depuis le 29 mai 2005.

Le Président de la République a concrétisé le retour de la France en Europe et a imposé sa conception d'un traité simplifié, même si, comme l'a justement observé M. Jean-Claude Juncker, ce texte, avec ses clauses d'« opt-out », ses bizarreries et ses obscurités, est en réalité plus illisible encore que le traité constitutionnel européen.

En effet, ce traité « réformateur », qui vient amender les traités existants, a ainsi manqué un des objectifs de la déclaration de Laeken, qui était celui de la simplification.

Nous le disons souvent, le mieux est l'ennemi du bien. Le traité constitutionnel européen, qui était décrié pour sa longueur et sa complexité, sera remplacé par un texte amendant une fois de plus les traités existants, avec plus de déclarations, de nouveaux protocoles et un mode de vote au Conseil que même les experts ont du mal à comprendre.

En la matière, le Premier ministre belge sortant, M. Guy Verhofstadt, n'a donc pas eu tort d'évoquer un « traité des notes de bas de page ».

Une étape fondamentale sera donc de rendre ces traités plus lisibles et de séparer la partie constitutionnelle des éléments de nature législative, y compris par des modes de révision différenciés.

Le Président de la République française, avec une certaine complicité d'Angela Merkel, a « tordu le bras » aux pays « amis de la Constitution », étrangement résignés, à l'exception de l'Italien Romano Prodi. Il a favorisé l'octroi de belles concessions aux eurosceptiques, britanniques ou polonais. Il n'a proposé aucune vision, son approche a été purement fonctionnaliste et pragmatique.

Il n'y a donc pas lieu de se glorifier de cet accord. En fait, ce Conseil européen ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité.

De plus, il faut noter que la méthode de négociation, au sein du Conseil européen et, bientôt, d'une CIG, a démontré, une fois de plus, les limites d'une approche strictement diplomatique et à huis clos de la révision des traités.

L'observateur garde de cet épisode le même goût amer qu'au lendemain du Conseil européen de Nice : celui d'avoir assisté à des marchandages entre intérêts nationaux sans hauteur de vue et à l'écart - j'insiste sur ce point - de tout débat public.

Ce ne sont pas tant les acteurs réunis autour de la table à Bruxelles qui sont en cause - nombre d'entre eux étaient empreints de volontarisme -, c'est bien plutôt la dynamique intergouvernementale inhérente à ce type de négociation.

Comment a-t-on pu oublier si vite que du chaos de Nice est sortie l'idée de la Convention qui, malgré certaines faiblesses, a eu le grand mérite d'associer parlementaires européens et nationaux aux représentants des gouvernements et d'ouvrir ses débats au public ?

Un accord est intervenu, mais quel aurait été cet accord si le Conseil ne s'était pas fondé sur le texte du traité constitutionnel établi à l'origine par la Convention ? Quelles autres « lignes rouges » aurait-il dû tenter, en vain, de dépasser ?

L'Union européenne doit préserver et améliorer la méthode de la Convention. Le fait que l'accord trouvé dans la nuit du 23 juin 2007 ait repris la majeure partie de son travail en a démontré l'utilité.

Cela nous conduit d'ailleurs à évoquer - et je le regrette - un bémol supplémentaire : le Conseil semble avoir abandonné l'idée d'une clause de rendez-vous pour prendre le temps de se pencher sur la partie des traités concernant les politiques de l'Union.

La troisième partie du traité constitutionnel a suscité de nombreuses réactions pendant la campagne référendaire, en 2005, en France.

Pour prendre en compte l'ambition de nouveaux objectifs affichés ou, au minimum, actualiser son contenu par rapport à l'évolution de l'acquis communautaire, il était devenu indispensable que sa révision fasse l'objet d'un débat public, éventuellement au sein d'une convention revisitée.

L'Europe élargie a besoin de rendre visible le projet européen qu'elle souhaite porter dans le contexte géopolitique du XXIe siècle et montrer ce qui fait sa pertinence dans la mondialisation.

Sans cela, la distance entre ce projet et le citoyen européen ne cessera de s'accroître et, dans ce cas, aucune démarche diplomatique, fût-elle la plus créative, ne pourra relancer le moteur de l'Union européenne.

Au final, notre ligne de conduite partira de ce constat, celui d'un verre à moitié plein, ou à moitié vide.

L'accord trouvé repose à la fois sur une avancée et sur un recul. L'avancée réside dans le fait que le futur traité devrait reprendre pratiquement les neufs aménagements institutionnels proposés par le traité constitutionnel européen, mais seulement ceux-là.

La marche arrière est incarnée par le recul de l'esprit européen, l'abandon des symboles de l'Union et l'isolement du Royaume-Uni.

L'Union européenne se trouve à un tournant de son histoire, tiraillée entre une inexorable marche en avant et un repli sur des simples fonctions de marché intérieur, qui correspondent à la vision britannique et à celle de certains pays de l'Est. Le rejet de l'idée d'une représentation diplomatique de l'Union est, à ce titre, symbolique du refus de faire de l'Union un véritable acteur international crédible.

Les socialistes attendront donc, d'abord, le résultat de la CIG sous présidence portugaise qui, on le sait, peut être pire...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion