Ne nous attardons pas sur l'attitude de la Pologne qui veut déjà revenir sur l'accord de Bruxelles. Ces tergiversations, ces changements, ces manquements nuisent à l'Europe et à son image, et finalement à tous les États membres. N'est-il pas temps de restaurer un code de bonne conduite ? Ne doit-on pas affirmer à ceux qui ne montent pas dans le train des nouvelles mesures européennes qu'ils le rateront ou qu'ils paieront plus cher pour le rattraper ?
Tout doit donc être fait pour que l'Europe avance le plus possible de façon homogène. C'est notre avenir qui est en jeu, car le monde change vite et ne nous attend pas. Mais il faudra sans doute aussi envisager d'utiliser le mécanisme compliqué des coopérations renforcées pour rattraper le temps perdu et laisser en retrait ceux qui ne veulent pas avancer avec nous.
Certes, le couple franco-allemand par ses attitudes nées de ses convictions communes irrite parfois les autres partenaires, mais il reste indispensable et déterminant. Sans un accord entre ces deux pays, tous nos autres partenaires le constatent, rien n'est possible en Europe. Cela n'empêche pas de rassembler d'autres pays désireux d'aller plus vite et plus loin - y compris parmi les nouveaux États membres - pour de nouvelles formes de coopérations. Ces nouveaux membres sont une richesse pour l'Union : par leur adhésion à un projet et à une philosophie communs, ils démontrent l'impact inouï de l'idée européenne ; par leur diversité, ils enrichissent et renforcent l'Union.
Pourtant, au même moment, les peuples européens ont éprouvé pour l'Europe et ses institutions des doutes qu'ils n'avaient jamais ressentis auparavant. Les rejets français et néerlandais ont cristallisé une crise qui a laissé des traces. Néanmoins, aujourd'hui, réjouissons-nous : l'accord sur le traité simplifié marque le renouveau de l'esprit européen. Il faut profiter de cette dynamique pour montrer de manière concrète à nos concitoyens tout ce que l'Europe nous apporte de positif.
Qui ne peut partager les affirmations du Président de la République selon lesquelles les questions concrètes, essentielles, doivent être traitées avec bon sens et réalisme ?
Je pense aux dumpings monétaires, sociaux, écologiques, à la préférence communautaire, à la concurrence, aux politiques industrielles, à la pérennité de la politique agricole commune, à la défense ou aux frontières de l'Union, aux services publics.
Je pense aussi à l'énergie, au développement durable et à la préservation de l'environnement. Les tensions augmentant dans les zones de production, au Moyen-Orient ou en Russie, l'Europe a un intérêt vital à élaborer enfin une politique de l'énergie pour assurer son approvisionnement, diversifier ses sources, développer les énergies renouvelables et donner aussi toute sa place au nucléaire.
Je pense encore à l'indispensable politique européenne de l'innovation, à la constitution d'un droit unique des sociétés, dont l'absence se fait cruellement sentir, au coeur d'un espace monétaire, fiscal et social achevé.
Mais le plus important, le plus fondamental, c'est bien de redonner un élan à la construction européenne. Les peuples se sont désintéressés de l'Europe car elle ne les faisait plus rêver, ils n'en attendaient plus grand-chose. La bureaucratie et la technocratie, devenues synonymes de Bruxelles, lui ont fait beaucoup de mal. Il est temps de redonner aux Européens un espoir, une fierté, un enthousiasme pour cette Union de nations anciennes et chargées d'histoire, qui doivent se rassembler et agir pour un intérêt commun.
Ce sont ces convictions qui nous feront avancer : l'espoir que les pays vivront mieux dans le cadre européen que seuls ; la fierté d'appartenir à une Europe grande et forte, qui pèse dans la mondialisation et qui existe face aux États-Unis, la Russie ou la Chine ; la certitude qu'il existe un futur politique, économique et social européen.
La volonté politique, de toute évidence, apparaît comme le moteur de la renaissance initiée lors de ce Conseil : l'Europe est sortie de l'impasse où l'avait confinée sa crise existentielle. L'état d'esprit bouillonnant et créatif qui a prévalu voilà dix jours est de bon augure pour les présidences suivantes. Le Portugal et la Slovénie, qui précéderont la France, devront poursuivre l'élan amorcé.
L'impulsion salutaire insufflée par le Président de la République rappelle à l'Europe son projet originel, enthousiaste, audacieux, harmonieux, visionnaire. Les Européens convaincus n'espéraient pas ce résultat ; pour eux, c'est un succès considérable.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'esprit européen souffle de nouveau.