Monsieur le président, monsieur le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honoré de m'exprimer devant la Haute Assemblée pour la première fois. C'est avec émotion et un sentiment très particulier que j'aborde ce débat, qui intervient à un moment où nous avons une occasion véritable de relancer l'Europe, de reprendre notre place au coeur de la construction européenne et de restaurer une dynamique franco-allemande au service d'un avenir européen commun, d'un nouvel esprit européen, dynamique retrouvée dès la visite de Nicolas Sarkozy à Angela Merkel, le jour même de son investiture, comme l'a justement souligné M. de Montesquiou.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vos analyses et vos commentaires me confortent, dans leur grande majorité, dans l'idée que l'accord qui a été obtenu à Bruxelles est un très bon accord. Trouver un compromis ambitieux à vingt-sept est en soi un succès. Comme l'a souligné M. Jean François-Poncet, la France est revenue au coeur de l'Europe après le « non » au référendum, sur la base d'une idée initiée par le Président de la République.
Je ne reviendrai pas sur tous les points évoqués dans chacune des interventions très riches que nous avons entendues ce soir, mais permettez-moi, cependant, de formuler quelques remarques et de répondre aux questions soulevées sans, je l'espère, trop vous lasser...
Tout d'abord, je note que nous partageons le même soulagement, celui qu'a exprimé tout à l'heure Bernard Kouchner.
Soulagement pour l'Europe, bien sûr, après deux ans de panne politique et, au-delà, après quinze ans de doute institutionnel. Dès les lendemains de Maastricht, nous avons, en effet, été confrontés à la difficulté permanente de définir des institutions adaptées aux élargissements successifs. Nous avons essayé à Amsterdam, à Nice, lors de la Convention sur l'avenir de l'Europe, de la Conférence intergouvernementale de 2004, sans réussir, il faut le reconnaître, à stabiliser le dispositif.
Comme l'a fait remarquer M. Fauchon, le char était embourbé. Il s'est remis en mouvement, et ce en deux mois, ce qui constitue, me semble-t-il, un très grand progrès.
Aujourd'hui, nous sommes parvenus à un accord destiné à rendre les institutions plus efficaces et plus démocratiques pour les vingt-sept États. Comme vous l'avez tous souligné, c'est, bien entendu, essentiel pour le fonctionnement de l'Union européenne, mais, peut-être plus encore, pour que l'élargissement soit enfin accepté et approfondi.
Soulagement aussi pour la France, qui apparaissait en panne d'ambition et d'influence et qui, pour nos partenaires, a aujourd'hui retrouvé les deux.
C'est la proposition d'un traité simplifié présentée par le Président de la République qui a rassemblé les Européens, dépassant là aussi la confrontation entre les dix-huit pays qui avaient été ratifié la constitution - M. Haenel a eu parfaitement raison de souligner les efforts qu'ils ont consentis -, ceux qui l'avaient rejetée par référendum, dont la France, et ceux qui ne l'avaient pas ratifiée, ces derniers n'étant pas les plus faciles à convaincre, comme vous l'avez parfaitement indiqué, mesdames, messieurs les sénateurs.
L'accord intervenu sur cette base justifie pleinement le choix de la voie parlementaire pour la ratification, que certains d'entre vous ont évoquée. Il n'y a aucun déni de démocratie. Nous sommes en démocratie parlementaire, et j'observe d'ailleurs qu'au moins vingt-trois États membres sur vingt-sept ont déjà fait ce choix.
Le Président de la République a été très clair durant la campagne électorale, et on ne peut que constater que la démocratie sort renforcée de l'accord de Bruxelles, avec l'extension du contrôle des parlements nationaux - j'y reviendrai ultérieurement - et la procédure de codécision du Parlement européen.
Bernard Kouchner a décrit le déroulement du Conseil européen, où la France est apparue dans son meilleur rôle, engagée politiquement au service d'un accord, en parfaite entente avec l'Allemagne grâce au rôle déterminant d'Angela Merkel, comme l'ont justement souligné MM. Jean François-Poncet et Denis Badré.
Soulagement, enfin, pour les Français. Mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart de vos interventions me laissent à penser que nous pouvons désormais dépasser les oppositions du « oui » ou du « non », exprimées lors du référendum de 2005, pour nous retrouver très largement sur la construction d'une Europe plus politique et plus solidaire, d'une Europe qui protège ses citoyens.
M. Hubert Haenel l'a dit, certains de nos concitoyens ne se reconnaissaient plus du tout dans le fonctionnement de l'Union européenne. C'est bien ce manque de protection, cette insuffisance de politique concrète, une certaine dérive libérale qui ont entraîné un vote négatif en France. Soyons clairs : nous ne voulons pas d'une Europe du libre-échange. C'est pour cette raison que nous avons mis l'accent sur les services publics, remis la concurrence à sa juste place, que nous voulons renforcer la coordination des politiques économiques, développer la majorité qualifiée dans des domaines aussi essentiels que l'énergie, la santé et l'environnement.
Je précise à Mme Assassi qu'il n'y a aucun recul dans le domaine de la fiscalité ni au regard de la Constitution ni, d'ailleurs, au regard de Maastricht. Soyons lucides, positifs, et faisons vivre le triptyque de Jacques Delors : concurrence, coopération et solidarité.
Par ailleurs, je suis également frappé de constater dans vos commentaires, qu'ils soient critiques ou positifs, qu'un large consensus se dégage sur les avancées du futur traité. Nombre d'entre vous sont des spécialistes en la matière, et vous avez clairement relevé l'importance des améliorations apportées aux institutions : l'efficacité du processus de décision européen, une présidence stable, l'extension de la majorité qualifiée et des coopérations renforcées permettront à ceux qui veulent avancer plus vite de le faire, y compris aux nouveaux États membres.
Naturellement, vous êtes mieux placés que quiconque pour saisir la signification démocratique du nouveau traité : incarnation des institutions pour les citoyens, généralisation de la codécision avec le Parlement européen et contrôle du respect de la subsidiarité par les parlements nationaux.
À cet égard, M. Haenel a posé trois questions.
Premièrement, je confirme que ce qui a été agréé à Bruxelles s'ajoute bien au protocole n° 2.