C'est au nom du retour du politique que nous sommes entrés dans des dispositions très techniques, monsieur Sutour, et c'est ce qui explique toutes les notes figurant en bas de page. Nous avons voulu nous assurer que la Conférence intergouvernementale sera courte et juridique, qu'elle mettra en forme et appliquera des décisions politiques, et qu'elle ne dérapera pas ; à cet égard, j'ai bien entendu les observations du président Haenel sur la composition de la Conférence intergouvernementale. C'est ainsi que nous aurons la chance de voir le traité ratifié avant les prochaines élections européennes de 2009. Monsieur Badré, nous essaierons d'être exemplaires dans le processus de ratification.
Le mandat est une chose ; le traité lui-même en est une autre. Il procède d'une démarche simplifiée puisqu'il n'apporte que de simples amendements aux textes existants. De fait, il sera beaucoup plus simple que la constitution.
Comme l'a indiqué Bernard Kouchner, il distinguera bien, monsieur Sutour, les principes de l'Union européenne de son fonctionnement.
Enfin, MM. François-Poncet, Badré et de Montesquiou notamment se sont inquiétés des concessions qui ont été accordées à certains pays, au premier rang desquels le Royaume-Uni et la Pologne.
Il est vrai que Tony Blair, en accord avec Gordon Brown, soulignons-le, a obtenu des dérogations. C'est le choix du Royaume-Uni de ne pas entrer de plain-pied dans des politiques importantes, comme la coopération policière ou la politique d'immigration. C'est aussi son choix de donner la préférence à son système juridictionnel plutôt que de prendre un engagement clair, dans le respect de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en tant que telle.
Je comprends l'interrogation de la commission des affaires étrangères, mais ce sont aux Britanniques de choisir leur voie. Et, soyons réalistes, l'Europe est déjà à plusieurs vitesses, qu'il s'agisse de l'euro ou de Schengen. Vu les circonstances particulières - et je les ai vécues -, il faut reconnaître à Tony Blair le mérite d'avoir pris ses responsabilités. De plus, en l'espèce, et contrairement aux autres traités, le Royaume-Uni n'a pas la possibilité de bloquer les autres États membres s'ils veulent avancer, ce qui constitue là encore un acquis essentiel.
J'ajouterai une note d'espoir : les Britanniques se sont laissé la possibilité de rejoindre les autres Européens, et je souhaite vivement qu'ils le fassent dès qu'ils seront prêts.
Le cas de la Pologne est différent. L'enjeu au Conseil européen était de savoir si les Polonais, dont vous connaissez les dirigeants actuels, s'engageraient dans un compromis européen ou s'ils bloqueraient le tout par peur de prendre un tel engagement.
En toute honnêteté, je considère que cet accord est une grande victoire pour l'Europe et pour la Pologne. Il s'agit, peut-être pour la première fois, d'un accord politique, mais aussi psychologique, de l'Union réunifiée.
Les vingt-sept États se sont engagés ensemble dans la voie de la relance de l'Europe, sans distinction entre anciens et nouveaux membres. Tel est, me semble-t-il, le grand acquis de ce Conseil européen qui, pour cette raison, est historique.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la relance de l'Europe, que l'accord de Bruxelles permet, n'aura d'effet concret que si nous en nourrissons la dynamique. C'est le sens de plusieurs de vos interventions.
C'est pourquoi nous prendrons des initiatives, selon les orientations définies par le Président de la République et par le Premier ministre.
Nous prendrons des initiatives en faveur de la croissance et de l'emploi, dans des domaines tels que la politique de l'Eurogroupe, la coordination des politiques économiques, la politique industrielle, un dialogue plus équilibré sur les politiques de change avec la Banque centrale européenne, la politique énergétique.
Nous prendrons aussi des initiatives pour garantir la protection des citoyens avec la préférence communautaire, la réciprocité dans les règles du commerce international. Il faut faire en sorte que l'Europe reste une puissance alimentaire.
Nous prendrons également des initiatives en matière d'immigration mais aussi d'intégration, car nous avons beaucoup à apprendre des pratiques et des expériences qui ont été conduites par certains de nos partenaires.
Nous prendrons encore des initiatives pour préparer l'avenir en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique, la recherche, le savoir, les échanges de jeunes, notamment en bâtissant un programme Erasmus plus attractif.
Enfin, nous prendrons des initiatives pour renforcer l'influence internationale de l'Europe. Quelles doivent être ses frontières ? Certains orateurs ont souligné, à juste titre, qu'il convient de s'interroger sur cet aspect important de la nature de l'Europe. Quelles doivent être ses relations avec les grands pays émergents ? Je puis vous dire, monsieur del Picchia, que nous développerons la coopération avec la Méditerranée et l'Union méditerranéenne sur la base de projets concrets relatifs à l'environnement, à l'eau, au développement.
Nous souhaitons dépasser le processus de Barcelone, dans la complémentarité avec les instruments existants, avec les moyens financiers qui ont déjà été mis en oeuvre et en préservant le rôle central de la Commission dans ce domaine.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, nous préparons ainsi la présidence française de l'Union européenne, qui débutera dans un an exactement. Bernard Kouchner et moi-même auront bien évidemment l'occasion de revenir sur ce sujet. Il s'agit d'un vaste chantier pour lequel votre soutien nous sera indispensable.
Enfin, vous l'avez souligné, nous devons revoir la manière dont nous parlons de l'Europe à nos concitoyens. Le meilleur moyen de préparer la présidence française est de sortir des cercles d'initiés et de convaincus, d'aller vers les Français. C'est l'affaire de tous : du Gouvernement, bien entendu, mais aussi du Parlement, des élus, des associations, des syndicats, des fédérations professionnelles.
Nous en sommes conscients, et vous avez eu raison de le rappeler, rien ne se fera sans débat, sans l'implication de nos concitoyens, sans aller vers les Français. Cette démarche est indispensable pour défendre leurs intérêts, pour renforcer notre place dans une Europe plus politique, plus solidaire, plus influente dans le monde de demain, bref, pour garantir notre avenir, celui de notre pays, celui de nos enfants dans un monde qui ne nous attend pas.