Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 7 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales s'élève pour 2005 à 4, 88 milliards d'euros, en baisse de près de 2 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2004, mais en quasi-reconduction si l'on tient compte des reports significatifs, à hauteur de 90 millions d'euros, de l'année 2004 sur l'année 2005.

Comme chaque année, le budget du ministère de l'agriculture fait l'objet de modifications de périmètre qui, selon leur importance, peuvent biaiser l'analyse de son évolution.

Pour 2005, je souhaite attirer l'attention de la Haute Assemblée sur l'absence de dotation pour le financement des dépenses d'adduction et d'assainissement d'eau dans le présent projet de budget. Car, dans un souci de simplification, le Gouvernement a prévu, à compter de 2005, le transfert aux agences et offices de l'eau, territorialement compétents, de l'intégralité des financements des opérations d'eau et d'assainissement en faveur des communes rurales. Toutefois, je constate que le présent projet de loi de finances ne contient aucune disposition permettant de donner une base législative à ce transfert de compétences.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous informiez sur les modalités de ce transfert de compétences, ainsi que sur ses conséquences budgétaires.

Malgré les contraintes budgétaires, nationales et internationales, existantes, et grâce à la mise en oeuvre d'une politique de rationalisation des coûts budgétaires et de meilleure gestion des effectifs, le présent projet de budget permet la définition d'objectifs prioritaires clairs.

Avant d'étudier plus avant le projet du budget de l'agriculture pour 2005, je souhaite m'arrêter un instant sur la réforme de la politique agricole, décidée par le Conseil européen des ministres de l'agriculture le 26 juin 2003 à Luxembourg et dont les conséquences futures sur l'agriculture française seront très importantes.

L'entrée en vigueur de cette réforme sera progressive : certains éléments sont intervenus dès 2004, notamment la réforme des organisations communes de marché - lait et céréales -, tandis que les aspects horizontaux, à savoir le découplage, la modulation et les « conditionnalités » des aides, entreront en vigueur à partir de 2005, avec possibilité de différer la mise en place du découplage des aides en 2007.

Ainsi, la nouvelle politique agricole commune introduit deux mesures principales, d'une part, le découplage des aides, d'autre part, la « conditionnalité » des aides désormais soumises au respect des règles essentielles de la législation européenne, notamment en matière d'environnement et de bien-être des animaux. Le découplage introduit le principe de « droit à paiement unique » d'aides par exploitation, fixé sur la base d'une période de référence 2000 à 2002. L'année 2005 permettra une simulation en grandeur réelle de la réforme. Chaque agriculteur connaîtra précisément les caractéristiques de son exploitation au regard des droits à paiement qu'il pourra faire valoir pour bénéficier des aides uniques.

D'après les informations fournies par vos services, monsieur le ministre, l'accord de Luxembourg devrait permettre de maintenir le budget affecté aux agriculteurs français à 9, 5 milliards d'euros en 2007.

J'en viens maintenant au contenu du présent projet de budget qui permet la mise en oeuvre de quatre mesures définies comme prioritaires par le Gouvernement.

Première mesure prioritaire : le lancement attendu de l'assurance récolte.

Après trois années d'expérimentation sur les assurances gel-grêle en arboriculture et sur vigne et à la suite du rapport remis au Gouvernement par notre collègue député Christian Ménard, un produit d'assurance multirisques et multicultures sera proposé à compter de 2005 aux agriculteurs et encouragé par l'Etat par une prise en charge partielle des cotisations à hauteur de 10 millions d'euros en 2005, cette somme pouvant être abondée par la suite en loi de finances rectificatives.

Toutefois, toutes les conditions de mise en oeuvre du mécanisme d'assurance récolte ne sont pas encore définies.

M. Hervé Gaymard, votre prédécesseur, avait indiqué que le principe retenu avait été de limiter le dispositif d'assurance récolte aux seules cultures de vente, de rendre l'application du système progressive sur cinq ans sans le rendre immédiatement obligatoire, de plafonner la participation budgétaire de l'Etat à 130 millions d'euros par an à l'horizon 2010, enfin de mettre en place une franchise à hauteur de 25 %. En outre, il avait indiqué que deux offres assurancielles à destination des agriculteurs existaient à l'heure actuelle sur le marché : une offre de Groupama, globale et multisectorielle, et une offre du Crédit agricole, privilégiant une approche filière par filière, production par production.

Pouvez-vous nous confirmer ces informations, monsieur le ministre, et nous indiquer si les offres assurancielles disponibles actuellement ont évolué ?

Je suis convaincu qu'il faudra veiller, à l'avenir, à la pluralité des offres sur le marché et à ce que les conditions de mise en oeuvre de l'assurance récolte ne lèsent pas les agriculteurs, notamment les victimes de catastrophes naturelles.

Deuxième mesure prioritaire : la création d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage.

En raison de l'importance des besoins de modernisation des exploitations, le présent projet de budget prévoit la mise en place d'un plan d'aide aux bâtiments d'élevage bovin, ovin et caprin concernant l'ensemble du territoire à compter du 1er janvier 2005 en vue d'améliorer les conditions d'élevage des animaux et d'intégrer les mesures environnementales requises.

Les aides financières consacrées à ce plan seront amplifiées en 2005 et 2006 et de façon plus importante à compter de 2007 par augmentation du niveau de cofinancement communautaire pour atteindre un montant d'aide estimé à 120 millions d'euros en régime de croisière. Les collectivités locales pourront apporter leur contribution à ce « plan bâtiment » en complément des aides de l'Etat.

Les spécificités de la zone de montagne et le surcoût inhérent à la modernisation des exploitations dans cette zone seront préservés dans ce plan.

Troisième mesure prioritaire : l'engagement d'une politique volontariste dans le domaine phytosanitaire.

Les crédits en faveur de la politique dans le domaine phytosanitaire connaissent une augmentation significative dans le présent projet de budget, de l'ordre de 8 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2004, et s'élèveront à 15, 1 millions d'euros en 2005.

Trois actions principales sont concernées par cette politique : la santé des végétaux et des produits d'origine végétale, la protection du consommateur et de l'exploitant agricole avec notamment le renforcement de la surveillance et de la gestion des risques liés à l'accumulation dans les végétaux de pesticides provenant de sols contaminés, enfin le respect de l'environnement.

Quatrième et dernière mesure prioritaire du présent projet de budget : le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, sur lequel vous disposez, mes chers collègues, d'un rapport du rapporteur spécial pour l'enseignement.

Les moyens dédiés à l'enseignement supérieur et à la recherche agricoles marquent en 2005 une progression de 7 % par rapport à 2004. En outre, s'agissant de la recherche agricole, les crédits d'investissement seront en augmentation de 30 %, avec, comme priorité, la recherche appliquée.

Le présent projet de budget se fixe comme objectifs, d'une part, de donner une réelle visibilité à l'enseignement supérieur agricole et, d'autre part, de développer des coopérations entre la formation, la recherche et l'économie locale.

Je tiens également à encourager la volonté du Gouvernement de réformer certains vecteurs traditionnels de la politique agricole.

C'est le cas notamment de la politique de rationalisation et de maîtrise des coûts de fonctionnement des offices agricoles qui a été entamée en 2004 par le ministère, sur le fondement d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en octobre 2003, soulignant l'efficacité de l'action menée par les offices, mais indiquant des marges de progression possibles.

En 2005, les subventions aux offices diminuent de 386 millions d'euros en 2004 à 362 millions d'euros pour 2005, soit une baisse de plus de 6 %.

Je souhaite ici réaffirmer que les crédits des offices sont d'une importance primordiale s'agissant de l'adaptation structurelle des exploitations et des filières. La réforme doit donc permettre de rationaliser le fonctionnement des offices tout en préservant leur rôle de régulateur en cas de crise grave du marché.

La deuxième réforme emblématique engagée par votre ministère est celle du financement du service public de l'équarrissage.

L'application, au 1er janvier 2004, des nouvelles lignes directrices agricoles européennes sur les aides d'Etat dans ce secteur a imposé de revoir le financement de ce service public dans la voie de la prise en charge par les opérateurs économiques des coûts de traitement de leurs déchets produits.

En effet, la Commission européenne autorise les aides à l'élimination des cadavres testés au regard des encéphalopathies spongiformes transmissibles, mais impose pour les autres espèces que les éleveurs participent directement, à hauteur de 25 % des coûts de transformation et d'incinération ou, de façon alternative, que l'aide soit financée à 100 % par un prélèvement obligatoire sur les filières viande en excluant la distribution. Enfin, elle interdit les aides aux industries et commerces de viande.

Au 1er janvier 2004, le financement du service public de l'équarrissage a donc été revu, de manière à préserver un niveau satisfaisant de sécurité sanitaire : la taxe d'abattage, prélevée au niveau des abattoirs, mise en place par la loi de finances initiale pour 2004 en remplacement de la taxe sur les achats de viande, devrait rapporter 156 millions d'euros par an et sera complétée par 54 millions d'euros d'aide d'Etat, dont 29 millions d'euros pour la filière bovine et 13 millions d'euros pour la filière porcine. La Commission européenne a décidé, le 30 mars 2004, d'approuver, au titre des règles communautaires sur les aides d'Etat, les mesures en faveur des éleveurs et des entreprises d'abattage, financées par la nouvelle taxe d'abattage, ainsi que par des contributions budgétaires directes.

En outre, compte tenu de la charge que représente cette taxe et de la volonté de ne pas la faire porter par les producteurs agricoles, le Gouvernement a mis en place, dans le respect du droit européen et national, un dispositif visant à encourager la répercussion, vers l'aval des filières, de la taxe d'abattage, en décrétant une obligation d'information, sur les factures, des charges dont les abattoirs s'acquittent au titre du service public de l'équarrissage. Toutefois, il semble que, dans certains cas, la grande distribution ait refusé de prendre en charge le coût ainsi répercuté. Le système mis en place au moment du vote de la loi de finances initiale pour 2004 demeure imparfait et devrait évoluer dans le sens d'un moindre coût pour la collectivité, d'une part, et pour les producteurs, d'autre part.

C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, qu'une réflexion approfondie sur l'évolution du financement du service public de l'équarrissage et ses conséquences sur les éleveurs puisse être menée en 2005.

Enfin, la troisième réforme d'envergure que je souhaite évoquer devant vous est celle de la politique de promotion des produits agroalimentaires français.

J'ai effectué cette année, au nom de la commission des finances, avec notre collègue Marc Massion, une mission de contrôle budgétaire sur les subventions publiques versées à SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, et plus généralement sur l'efficacité de la politique nationale de soutien à la promotion des produits agroalimentaires français à l'étranger. Il est ressorti de cette mission plusieurs propositions de changement : notamment la sortie des organismes publics du capital social de SOPEXA, la révision des modalités du soutien financier de l'Etat à SOPEXA, ainsi que la meilleure adaptation du réseau international de SOPEXA.

Je souhaite savoir, monsieur le ministre, quelles seront les suites données à ce rapport.

Outre le lancement de ces réformes, certaines politiques sectorielles méritent encore d'être consolidées même si le présent projet de budget permet de les prendre en considération.

Il s'agit de la politique de la pêche : c'est un secteur qui connaît aujourd'hui de réelles difficultés, d'ordre à la fois conjoncturel et structurel. La réforme de la politique commune de la pêche au niveau communautaire impose une restructuration de la profession qui doit pouvoir être accompagnée par les pouvoirs publics. Le présent projet de budget, avec des crédits afférents à la politique de la pêche à hauteur de 32, 4 millions d'euros, devrait permettre de poursuivre l'effort en faveur de ce secteur économique dont l'importance est cruciale dans de nombreuses zones littorales. De nouveaux crédits d'initiative nationale sont prévus pour les sorties de flotte, ainsi que pour le soutien à la filière, la modernisation des navires et des structures professionnelles à terre, ce dont je me félicite.

Il s'agit également de la politique forestière. Le présent projet de budget s'inscrit dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques qui conduit, en moyenne, à une légère baisse des crédits destinés à la forêt et à la filière bois.

Outre l'accent mis sur la réduction des dépenses de fonctionnement, tant pour l'administration forestière que pour les établissements publics et organismes forestiers de développement, une diminution plus marquée a été opérée sur les travaux d'investissement, tant pour la production forestière que pour les entreprises d'exploitation et de première transformation du bois.

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