Intervention de Jean-Paul Emorine

Réunion du 7 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 2005 sera l'ultime année précédant la mise en oeuvre intégrale, le 1er janvier 2006, de la réforme de la politique agricole commune, actée l'année dernière à Luxembourg.

Cette réforme suscite, comme toujours lorsque l'on se dirige vers l'inconnu, de l'espoir chez certains, mais aussi une inquiétude, au demeurant légitime, chez d'autres.

Je souhaite donc rappeler combien notre pays doit à l'Europe dans le domaine agricole. Je voudrais également souligner que cette réforme peut être positive pour notre agriculture, à condition toutefois que nous sachions l'appliquer avec suffisamment de souplesse.

L'Union européenne, on ne le dit pas assez, est devenue aujourd'hui un élément vital de notre agriculture. Je rappellerai simplement que le budget agricole de l'Union, une cinquantaine de milliards d'euros, représente environ la moitié du budget communautaire global. Or, a-t-on bien conscience, lorsque l'on critique l'Union, que la France bénéficie de près du quart de son budget agricole, ce qui fait de notre pays le premier bénéficiaire ? Sait-on que ces aides communautaires augmentent cette année de 300 millions d'euros et nous permettent de soutenir nos marchés agricoles, au titre du premier pilier, et de favoriser notre développement rural, au titre du deuxième pilier ?

Si notre pays bénéficie aujourd'hui à ce point de transferts communautaires, l'action menée par Hervé Gaymard auprès des institutions européennes, en sa qualité de ministre de l'agriculture, y est pour beaucoup. Je tiens ici à lui rendre très solennellement hommage, tant son implication dans les négociations de Luxembourg, au côté du Président de la République, a été déterminante.

Grâce à sa fermeté, la France conserve des perspectives stables et certaines jusqu'à l'horizon 2013. Ainsi, l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée restera inchangée, et ce malgré la récente adhésion de dix nouveaux Etats membres.

Par ailleurs, la politique agricole commune voit ses outils essentiels préservés : les instruments de régulation des marchés, qui sont vitaux dans un secteur aussi cyclique que l'agriculture, seront maintenus et, à la demande insistante du ministre sortant, des mécanismes essentiels pour notre agriculture, tels les quotas laitiers ou la prime à la vache allaitante, sont pérennisés.

Mais la nouvelle politique agricole commune ne doit pas seulement être perçue de façon défensive. Plutôt que d'énumérer les désagréments qu'elle nous épargne, il me paraît important d'insister sur toutes les perspectives que, in fine, elle ouvre.

Tout d'abord, le système de découplage des aides permet à l'Union européenne d'adopter une posture offensive dans les négociations internationales, comme cela a été le cas cet été à Genève. Ce type d'aides y relève en effet de la « boîte verte », catégorie de mesures autorisées dans le cadre de l'OMC.

Ensuite, le principe de conditionnalité des aides, dont la France assurera le respect dès l'année prochaine, garantira un plus grand respect de l'environnement. Cela ne pourra que contribuer à valoriser l'image du monde agricole auprès de l'opinion publique.

Enfin, le volet « développement rural », dit du deuxième pilier, sera renforcé et apportera à terme 270 millions d'euros à la France pour renforcer l'équilibre et l'attractivité de ses campagnes.

Si les principes de la politique agricole commune réformée sont donc avantageux pour notre pays, encore faut-il que leurs modalités d'application soient satisfaisantes. Deux éléments seront ici déterminants.

Il faudra, en premier lieu, faire les bons choix dans les options de découplage, que ce soit dans le calendrier, dans le type de découplage ou dans le transfert des droits. Si l'on en croit les premières projections, les choix opérés par le Gouvernement permettront de préserver nos filières tout en tenant compte de leurs spécificités.

Il faudra, en second lieu, que l'administration fasse preuve d'une souplesse suffisante dans la mise en oeuvre de cette réglementation. J'y insiste, monsieur le ministre, car de très nombreuses voix, au sein de la commission des affaires économiques et du Plan, se sont fait l'écho du désarroi des agriculteurs devant le maquis législatif et réglementaire que constitue aujourd'hui la gestion des droits à paiement. A également été stigmatisée la rigueur excessive avec laquelle l'administration déconcentrée exerce le contrôle des exploitants. Ce phénomène complique l'activité de nos agriculteurs et peut même décourager certains de s'installer ou de continuer d'exploiter ; il a surtout le tort de les dresser contre les institutions et la réglementation européennes, qu'ils perçoivent comme la source de tous leurs maux.

Je soulignerai, pour conclure, que l'élaboration et l'examen du projet de loi de modernisation agricole, qui aura pour vocation d'adapter notre législation à la dernière réforme de la politique agricole commune, devront être l'occasion de débattre de la simplification du cadre réglementaire quotidien des agriculteurs. Beaucoup reste à faire en ce domaine, mais je ne doute pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que tant les débats organisés en ce moment à l'échelon local que le travail que la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat peut réaliser sur ce sujet pour vous aider permettent d'y contribuer de façon déterminante.

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