Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 7 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

L'aménagement du territoire semble, petit à petit, laisser place à une politique marquée par une évolution dans laquelle compétitivité ne rime pas forcément avec maintien sur le territoire.

Le « jaune » retraçant les crédits affectés à l'aménagement du territoire fait d'ailleurs apparaître une baisse significative, de 67 millions d'euros, de la contribution du ministère de l'agriculture, notamment en termes d'amélioration des structures agricoles, d'aménagement de l'espace. Autant dire que ceux qui croient encore en des exploitations à taille humaine sur des territoires défavorisés difficiles à exploiter risquent de perdre leurs dernières illusions !

Ce n'est pas notre conception ; celle-ci, nous l'avions exprimée à l'occasion du débat sur la loi d'orientation agricole, qui avait défini des objectifs de multifonctionnalité, de qualité d'installation, de manière qu'il y ait autant d'agriculteurs que possible sur tous les terroirs.

Or, dans votre budget, monsieur le ministre, même si ce n'est pas vous qui l'avez préparé, les installations ne semblent pas être un objectif prioritaire, comme si, par delà les paroles lénifiantes, le Gouvernement s'était fait une raison. Il ne faut pas faiblir un seul instant sur cette politique volontariste !

Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, quant à elles, n'ont pas fait l'objet de la revalorisation attendue. Y aura-t-il augmentation de 50 % au moins en loi de finances rectificative ? Il appartient à votre prédécesseur, à son nouveau poste, de tenir l'engagement qu'il avait pris voilà un an ici même. Pouvez-vous, monsieur le ministre, le lui rappeler ?

Jusqu'à présent, la politique agricole trouvait son équilibre dans une ventilation complémentaire entre un soutien au produit et un soutien au producteur, à l'homme. C'était le cadre de notre agriculture, essentiellement familiale. Malheureusement, les orientations que semble donner votre budget sont, à nouveau, en rupture avec cet équilibre et vont certainement faire disparaître encore de nouveaux agriculteurs.

Une fois de plus, les CAD, ex-CTE, mobilisent peu d'efforts de la part du Gouvernement, alors qu'ils correspondent à des outils pleinement en phase avec la PAC en ce qui concerne la multifonctionnalité et la conciliation de la valorisation économique et écologique. La baisse de la dotation de 10 %, en contradiction avec les paroles prononcées, est éloquente !

Le manque d'intérêt vis-à-vis de la mesure est, à mon sens préjudiciable, à terme, à notre agriculture, qui est certainement en train de perdre la chance qui lui était donnée. Ce lien nécessaire, cet engagement, ce contrat entre la société et l'agriculture, est maintenant négligé. C'était le seul rempart pour protéger le monde agricole face à un marché déstabilisé par l'abus de position dominante de quelques grands distributeurs que vous semblez protéger. Que comptez-vous faire pour maîtriser la pression exercée par la grande distribution ?

Les crédits Agridif et ceux du fonds d'allégement des charges, le FAC, marquent un très net décrochement par rapport aux années précédentes : pour le FAC, 2, 4 millions d'euros, contre près de 22 millions d'euros en 2004 - c'est une quasi-suppression ! - et 5 millions d'euros, soit deux fois moins qu'en 2004, pour la ligne Agridif.

Les moyens des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, sont en « chute libre », selon les propres termes du président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA. des installations qu'elles favorisent en permettant l'accès au foncier ?

Je veux également mentionner un recul de l'hydraulique, dont l'enveloppe ne permettra certainement pas à l'Etat de respecter les contrats de plan Etat-région ; elle rendra même impossible l'entretien des réseaux existants. Cette baisse serait-elle le pendant du lancement de l'assurance récolte ?

Monsieur le ministre, nous prenons acte des mesures relatives aux bâtiments d'élevage que contient ce budget. Le fonds unique est a priori une bonne chose. Sera-t-il suffisant, compte tenu de la conditionnalité de certaines aides PAC intégrant la mise aux normes ? Les filières, la forêt, etc. ont également des crédits en baisse, et cela nous inquiète.

Enfin, nous avons tous noté le remplacement du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, par le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, fonds qui est déjà en déficit. Un de mes collègues y reviendra.

Oui, monsieur le ministre, vous venez d'ouvrir la porte d'un ministère difficile, en proie aujourd'hui à une certaine tristesse. Un sentiment de morosité plane sur tout le monde agricole.

Dans ce contexte déprimé, votre projet de budget, mais aussi le niveau de réaction de la profession sur le plan national, finalement soucieuse de canaliser les préoccupations et d'éviter les débordements, sont complètement déconnectés des réactions que nous retrouvons localement.

Quel dessein et quel espoir ambitionnez-vous de donner aux agriculteurs, monsieur le ministre ?

Cette question, évoquée surtout dans les zones d'élevage, va au delà du problème du revenu : c'est clairement la notion de qualité de vie qui est aujourd'hui en jeu pour l'éleveur et sa famille.

Alors qu'ils ont tant d'attentes à cet égard, les agriculteurs ont le sentiment qu'on ne leur propose rien, du vide, voire que l'essentiel des missions dévolues à l'administration et aux représentants déconcentrés de l'Etat est consacré au contrôle, parfois même au « flicage », pour reprendre un terme que j'ai déjà entendu.

Monsieur le ministre, donnez un autre sens à votre administration locale ! Pour une administration plus positive, plus dynamique, tournée vers l'accompagnement et le soutien.

Je dirai, en conclusion, qu'il découle du découplage, même partiel, que les marchés devront rétribuer l'acte agricole et que les soutiens publics seront de plus en plus destinés à rémunérer les services non marchands que l'agriculture rend à notre société.

Avec ce budget, vous nous proposez, en fait, une baisse des aides économiques correspondant au premier pilier, mais sans soutien suffisant du volet aménagement et multifonctionnalité. En cela, ce budget n'est pas cohérent et sa légitimité est discutable. C'est pourquoi notre groupe ne le votera pas.

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