Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec des crédits en baisse de 5, 7 %, le budget de la pêche pour 2005 n'échappe pas à la rigueur. Le contexte général de la pêche française, aggravé par la crise du carburant, aurait pourtant nécessité une attention particulière compte tenu de l'impact économique et social très important de cette flambée des prix.
Les effets de la crise du carburant se sont trouvés accentués par la suppression de la TIPP flottante et ont amené le Gouvernement à réagir au coup par coup. Fort heureusement, la coopération maritime avait imaginé un système d'assurance gazole qui a permis, grâce au prêt de 15 millions d'euros de l'Etat, de faire diminuer momentanément, de façon sensible, le prix du carburant pour les pêcheurs.
La crise du carburant, nous dit-on, risque de durer. La profession aimerait connaître le dispositif que le Gouvernement envisage de mettre en place, monsieur le ministre.
En ce qui concerne les taux admissibles de capture pour 2005, le monde de la pêche ne sera fixé que le 21 décembre prochain. Malgré une évolution certaine des comportements à l'égard de la ressource et des restrictions successives, il apparaît toujours nécessaire de défendre les capacités françaises au sein du groupe des amis de la pêche.
L'Europe menace la France d'une amende fixe de 115, 5 millions d'euros et d'une astreinte de 57, 7 millions d'euros par semestre pour insuffisance de contrôle et non-respect des règles sur la prise et la vente de poisson sous taille de pêche.
Cela explique sans doute le renforcement des postes de contrôle dans votre budget.
Je me demande, monsieur le ministre, si l'Europe est aussi draconienne à l'égard de la pêche minotière, particulièrement destructrice, pratiquée par certains pays du nord de l'Europe.
La grande question qui anime cependant le monde de la pêche est celle de l'extinction des aides à la construction et à la modernisation des bateaux, ou de leurs prolongements possibles et ciblés.
A ce propos, le rapport de M. Michel Tricot, administrateur général des affaires maritimes, est particulièrement intéressant. A titre d'exemple, l'âge moyen de la flotte bretonne est supérieur à vingt ans. La politique de modernisation d'unités âgées atteint ses limites ; il est désormais indispensable de construire des bateaux neufs, subventionnés, tout particulièrement pour les jeunes professionnels.
Ce rapport préconise que des aides de 60 % à 80 % puissent être destinées à la sécurité du navire et de l'équipage, aux conditions de travail, d'habitabilité, d'hygiène et de confort de l'équipage, au traitement des captures et à leur valorisation, ainsi qu'aux innovations techniques en matière de sélectivité des engins de pêche.
N'oublions jamais que la pêche maritime s'exerce dans un environnement particulièrement hostile et dangereux.
Le caractère durable de la pêche voulu par l'Europe s'est, jusqu'à présent, traduit par la casse de milliers de bateaux et par la politique de réduction des totaux admissibles de capture, les TAC. Désormais, la taille des armements diminue et se recentre sur la pêche artisanale, ce qui nécessite impérativement d'orienter les aides vers les petits patrons pêcheurs, d'encourager les groupements d'achat autour de bateaux « génériques » et d'éviter la concentration vers la pêche industrielle.
De nombreux jeunes s'intéressent également à la reprise des goémoniers ; ce secteur déficitaire mérite de ne pas être oublié et d'obtenir les permis de mise en exploitation nécessaires.
Je dirai quelques mots, enfin, sur la formation des jeunes, qui méritent davantage d'aides et de promotion. Il conviendrait de compenser financièrement les formations et d'apporter les aides utiles aux établissements.
Si, demain, la politique européenne des aides à la pêche est appliquée comme prévu, elle n'aura de durable que le nom. Notre conception de la durabilité est plus humaine, plus sociale, plus diversifiée. Là aussi, monsieur le ministre, deux mondes s'affrontent.
La seconde partie de mon l'intervention portera sur les prestations agricoles, l'enseignement et la pêche.
A notre grand regret, la fin du BAPSA et l'arrivée du FFIPSA se traduisent par l'absence de débat spécifique aux prestations sociales agricoles, ce qui est fort regrettable au regard d'une question si importante.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, s'était déclaré favorable au rétablissement d'un tel débat au sein de chaque assemblée. Nous formons donc le voeu que les commissions respectives du Sénat et de l'Assemblée nationale conviennent de rétablir ce débat essentiel lors de la discussion du budget pour 2006.
Le FFIPSA, désormais financé pour l'essentiel par les droits sur le tabac, est particulièrement fragilisé ; son déficit de 1, 5 milliard d'euros inquiète, à juste titre, les retraités de l'agriculture. Il est vrai que l'assiette de la TVA était plus rassurante qu'une ressource en régression, fort heureusement pour la santé publique.
Il est urgent que votre gouvernement formule des propositions concrètes de mesures de compensation démographique en direction d'une profession qui compte 2, 5 retraités pour un actif. La TVA est une piste, mais la taxation de tous ceux qui vivent grassement sur le dos des agriculteurs en est une autre.
D'après les chiffres de l'Association nationale des retraités agricoles de France, la profession compte environ 90 000 retraités de moins chaque année pour 40 000 nouveaux arrivants, soit un solde net de 50 000 retraités de moins à financer. Sachant que la retraite moyenne des conjoints et des aides familiaux est de 5 484 euros annuels, le total s'élève à 274 millions d'euros. Même si ces chiffres méritent d'être affinés, ils correspondent presque aux 300 millions d'euros nécessaires à l'abaissement des coefficients de minoration et au passage du seuil de minoration de 32, 5 années, tous régimes confondus, au lieu des 37, 5 années uniquement pour le régime agricole.
Oui, monsieur le ministre, les hypothèses du groupe de travail du 15 juillet 2004 peuvent rapidement devenir réalité, mais encore faut-il que le Gouvernement en ait la volonté politique. Ce n'est pas leur renvoi au futur projet de loi de modernisation agricole qui va rassurer les retraités !
D'autres revendications justifiées demandent à être entendues : il s'agit notamment de l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de retraite de base.
Seuls 5 % des retraités agricoles perçoivent 75 % du SMIC, alors que 1, 5 million d'entre eux n'atteint que 30 % ou 40 % du SMIC.
Le chantier de la retraite complémentaire obligatoire nécessite une harmonisation entre ce qui précède et ce qui suit l'année 1997. La retraite complémentaire obligatoire doit également bénéficier aux conjoints et aux aides familiaux, au prorata de leur carrière.
Enfin, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur une mesure qui a l'énorme mérite de ne rien coûter : la forfaitisation de la bonification pour enfants, demandée par de nombreuses associations de retraités agricoles, y compris la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA.
Il nous paraît donc urgent qu'une nouvelle planification soit mise en oeuvre, en donnant la priorité aux plus âgés. Le Président de la République n'a-t-il pas déclaré : « les plus âgés des agriculteurs, qui ont consacré tant d'efforts et d'énergie au travail de la terre, ont droit à des pensions décentes de même niveau que celles des autres professions. »
Le message est donné ; votre ministère dispose de tous les éléments, monsieur le ministre. Il vous reste donc à vous dégager du carcan de l'austérité budgétaire pour ne pas décevoir les retraités de l'agriculture !