Intervention de Gérard Bailly

Réunion du 7 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales suite

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous étions nombreux, voilà quelques mois, à nous interroger sur la consistance du budget de l'Etat, en particulier celui de l'agriculture, vu l'endettement important de notre pays : environ 15 000 euros par habitant.

Nous constatons que ce budget pour 2005 est en reconduction, malgré le contexte d'économies budgétaires.

Pour aider l'agriculture française à affronter toutes les mutations qui se préparent, vous avez renforcé l'enseignement et la recherche agricole de 26 millions d'euros supplémentaires, avec une création nette d'emplois de plus de cent postes. Ce geste est très positif.

J'apprécie votre soutien à l'enseignement privé, dont les crédits étaient à la traîne ces dernières années. II est indispensable que nos jeunes disposent d'une offre variée de formations qui répondent à leurs attentes.

Parmi les priorités, vous nous proposez l'instauration d'un fonds unique pour les bâtiments d'élevage. Ce dispositif est le bienvenu pour les agriculteurs qui doivent moderniser leurs installations.

Les investissements sont souvent lourds, surtout en zones de montagne. L'accroissement des crédits de 35 millions à 80 millions d'euros est significatif. Ceux-ci devraient atteindre une centaine de millions en 2006, ce dont je me réjouis. J'espère seulement que la part des crédits « bâtiments d'élevage » réservés aux zones de montagne sera équitablement répartie.

Les agriculteurs apprécieront aussi le guichet unique regroupant l'ensemble des aides. Ils sont vraiment demandeurs de procédures simplifiées. En effet, la complexité administrative, qui, hélas ! ne va pas décroissant, les décourage.

Je suis heureux que l'on privilégie les bâtiments en bois, compte tenu des quantités de bois disponibles sur les marchés, alors que flambe le prix de l'acier.

Puisque nous évoquons les zones de montagne, en tant que représentant d'un département en grande partie situé dans ces zones, je me félicite de la revalorisation de 50 % des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, sur la durée de la législature. C'est une mesure forte !

Cette aide permet le maintien de petites exploitations en zones de montagne et constitue un complément substantiel de revenu. Elle compense, et c'est bien normal, les handicaps et les surcoûts dus au climat, à la pente et à l'isolement.

Je souhaite, moi aussi, que soit accordée la dotation supplémentaire de 16 millions d'euros nécessaire, cette année, pour atteindre l'objectif.

Parler de vie des territoires de montagne, c'est naturellement parler d'agriculture et, chez nous, de filière laitière. Or vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, les difficultés auxquelles sont confrontés nos producteurs de lait et les inquiétudes qu'ils manifestent.

Un accord est intervenu dernièrement pour stabiliser la baisse des prix. Pour autant, vous savez bien que cette baisse des prix du lait due à la réforme de la PAC n'est compensée qu'en partie, ce qui risque d'entraîner la disparition d'un certain nombre d'éleveurs. Sur tout le territoire, le nombre de producteurs laitiers français devrait passer de 120 000 aujourd'hui à 70 000 dans dix ans. Une très grande vigilance sur les cours des produits de la filière laitière s'impose.

J'en profite pour évoquer les AOC, qui font la richesse de notre terroir. Monsieur le ministre, comment comptez-vous sensibiliser les nouveaux pays entrants dans l'Europe à la pérennisation des AOC ? Il s'agit de spécificités qui permettent, bien souvent dans des secteurs difficiles, d'obtenir une meilleure rentabilité, laquelle est indispensable au maintien des producteurs sur ces territoires. Il ne faudrait pas que l'Europe conduise à une dilution de la qualité en vue d'une harmonisation des produits par le bas.

En lien avec la filière laitière et les éleveurs, j'évoquerai le problème de la grande distribution et des marges. Dans le cas du lait, on sait bien qu'il serait trop facile de tenir pour seuls responsables les transformateurs et les industriels de la filière, puisqu'ils sont eux-mêmes soumis en permanence à la menace de se voir exclus des références des enseignes de la grande distribution. Cela détermine la survie non seulement des différents milieux agricoles et du modèle d'agriculture que nous souhaitons préserver, mais aussi du modèle d'alimentation auquel les consommateurs sont attachés, qu'il s'agisse de la qualité ou, naturellement, de la sécurité alimentaire.

Les Français sont attachés à la diversité et à la qualité de nos productions, mais la recherche perpétuelle du prix le plus bas ne va pas dans ce sens, bien au contraire.

Il faut vraiment prendre en compte, monsieur le ministre, cette pression permanente de la grande distribution sur les prix. Afin de lutter contre les abus, il convient aussi de songer à un encadrement des marges. Votre prédécesseur, M. Gaymard, avait été l'un des premiers à émettre l'idée d'un contrôle des marges. On n'en entend plus guère parler. Si l'on fait baisser les prix de la grande distribution sans contrôler ses marges, je suis convaincu que ce sont les producteurs qui en feront les frais.

Monsieur le ministre, en vingt-cinq ans, les prix payés aux producteurs en monnaie constante ont baissé de moitié, alors que les prix des produits alimentaires n'ont pas diminué. C'est pourquoi nous attendons que l'on débouche sur des négociations qui tiennent compte de l'ensemble de la chaîne de la distribution, du producteur au distributeur, en préservant les intérêts des producteurs et des structures de transformation.

Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs sur notre territoire, il faut leur faciliter la vie. Les éleveurs ne peuvent plus, ne veulent plus travailler, comme leurs aînés, 7 jours sur 7 et 365 jours par an.

Parfois, des accidents et des maladies provoquent malheureusement, dans certaines exploitations laitières individuelles, de véritables drames. C'est pourquoi il faut favoriser les services de remplacement. Mais les jeunes, les petits et moyens exploitants n'ont généralement pas les moyens suffisants pour solliciter ces services.

Le centre de gestion de mon département vient de publier le revenu de l'échantillon de 616 exploitations suivies. Résultat : 12 456 euros par unité de travailleur, soit 80 950 francs par an ou 6 740 francs par mois. Quant aux producteurs qui produisent moins de 150 000 litres de lait, leur revenu est inférieur à 10 000 euros.

Les prix des services de remplacement sont élevés et, là comme ailleurs, les 35 heures ont tout compliqué. Il est donc impératif d'envisager des allégements de charges pour les employés des services de remplacement en agriculture. Ce serait vraiment faire oeuvre sociale.

En tant que Jurassien, je ne peux manquer d'évoquer les problèmes inquiétants que rencontrent les communes forestières et les propriétaires forestiers. Ces derniers sont nombreux dans le département à connaître des difficultés du fait de la baisse des prix de ces dernières années. Cette baisse est liée à la tempête, à laquelle s'ajoutent les dégâts provoqués par la sécheresse de l'été 2003. Cette sécheresse a favorisé le développement des scolytes, qui rendent les bois pratiquement invendables. Dans certaines communes, le cubage détruit par ces insectes a été aussi important que celui qui a été détruit en 1999. Ces communes ne peuvent plus assurer leurs dépenses de fonctionnement. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez les rassurer.

Je ne peux pas ne pas évoquer rapidement la réforme de la PAC avec la mise en place des droits à paiement unique et de la modulation des aides, qui vont profondément modifier le métier d'agriculteur. Etant donné les changements que cela va impliquer, il faut instituer, dans chaque département, un comité de pilotage pour suivre les effets de cette modulation et comprenant, naturellement, l'Etat, les organisations agricoles et les collectivités territoriales. Mais je sais que nous aurons l'occasion d'en reparler en 2005, lors de l'examen du projet de loi de modernisation agricole.

En conclusion, j'approuve tout à fait votre engagement résolu en faveur des biocarburants. Cette mesure permettra, je l'espère, de remplacer des jachères - il y en a plus d'un million d'hectares dans notre pays -, elle fournira de nouveaux débouchés pour nos agriculteurs et elle permettra la création d'emplois. Les céréales peuvent également être utilisées pour la production d'énergie de chauffage.

Je me félicite également de l'assurance récolte, qui arrive vraiment à point pour faire face aux aléas climatiques.

Monsieur le ministre, ce budget dégage de bonnes priorités dans un contexte difficile. Je le soutiendrai ; je vous soutiendrai résolument.

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